Journée d’étude annuelle Marguerite Duras
Université de Lille (ALITHILA) – Société internationale Marguerite Duras
Marguerite Duras et la culture populaire
Vendredi 7 octobre 2022
Université de Lille, Maison de la recherche
Gagner l’estime des élites intellectuelles et être lu par le plus grand nombre, rares sont les écrivains qui ont osé tenir ce pari sans s’y brûler les ailes. Si Marguerite Duras a longtemps souffert d’une réputation ambiguë, ce n’était pas sans lien avec cette ambition. Pourtant, dans le monde hypermédiatique qui est le nôtre, plus de 25 ans après la disparition de l’autrice, l’on peut se demander si elle n’a pas joué un rôle de précurseur, en assumant les influences populaires et en consentant à entrer de plain-pied dans la culture de masse, bâtissant au fil du temps un personnage public qui a, le succès croissant, fait grincer de plus en plus de dents.
Faisant fi des bienséances prêtées au métier d’écrire, Duras a tenu chronique dans l’émission de télévision Dim dam dom dans les années 1960, s’est rendue dans des usines pour lire des poèmes d’Henri Michaux à des ouvriers, s’est plu à interroger des enfants sur toutes sortes de sujets, a pris part à de grands débats de société (l’affaire Villemin entre autres) : tout semble prétexte à briser les cloisons qui opposent traditionnellement culture d’élite et culture populaire. L’auteur d’Outside et de L’Été 80 n’a dénigré ni la presse à grand tirage, ni le cinéma, ni la télévision, ni la chanson populaire, ni même la publicité ; ses textes et ses films affichent une imprégnation par toutes sortes de genres considérés comme mineurs : le conte de fées, la bande dessinée, la littérature sentimentale, etc. Touche-à-tout, Duras faisait œuvre de tout matériau, à travers des supports de grande diffusion, qui ne correspondaient pourtant pas, à l’époque, aux prescrits de l’art noble qu’est la littérature.
Il ne faut dès lors pas s’étonner si sa personne et son œuvre sont, depuis une quarantaine d’années, le sujet de nombreuses récupérations dans la culture populaire. À l’instar de Rimbaud, Duras est devenue une icône : si le merchandising durassien n’est pas aussi développé que celui de l’auteur d’Une saison en enfer, le personnage n’en occupe pas moins une place de premier plan dans l’imaginaire populaire, du timbre-poste jusqu’à l’argument touristique au Vietnam et au Cambodge ; Duras est devenue une figure stéréotypée que les créateurs de tous ordres déclinent à l’envi, de plus en plus souvent sans en connaître l’origine (il suffit de songer au nombre incalculable de variations, dans tous les domaines, sur le titre Hiroshima mon amour). En plus de figurer comme personnage dans quelques livres ou films, Duras se voit consacrer des spectacles entiers (Le Duras Show de Steeve Dumais et Lucas Joly en 2011 ou, en 2018, Marguerite Duras d’Isabelle Gyselinx, sans compter les mises en scènes de ses entretiens, avec Mitterrand ou avec Platini en particulier). Les créations les plus diverses convoquent son univers, son image ou sa voix : le tag, le one-man-show, le dessin animé, la chanson… jusqu’au jeu vidéo (Bientôt l’été, 2013), fait rarissime pour un écrivain.
La journée d’étude veillera par conséquent à explorer ces deux versants du rapport de Duras à la culture populaire, séparément ou conjointement, selon les études de cas proposées. Les communications pourront également proposer une visée plus théorique, en s’interrogeant sur la façon dont le personnage médiatique s’est bâti au fil du temps ou encore sur ce que la culture populaire représente dans cette œuvre : une source d’inspiration, une référence partagée, un filtre, etc.
*
Les propositions de communication (environ 1500 signes) sont à envoyer conjointement à Florence de Chalonge (florence.dechalonge@gmail.com) et Christophe Meurée (christophe.meuree@aml-cfwb.be) avant le 30 avril 2022.
*
Bibliographie indicative
Eva Ahlstedt et Catherine Bouthors-Paillart, dir., Marguerite Duras et la pensée contemporaine, Göteborg, Acta universitatis gothoburgensis, 2008, p. 157-169 (en particulier les articles d’Eva Ahlstedt et de Michelle Royer sur le féminisme).
David Amar et Pierre Yana, « “Sublime, forcément sublime”. À propos d’un article paru dans Libération », in Revue des sciences humaines, t. LXXIII, n° 202, avril-juin 1986, p. 153-176.
Olivier Ammour-Mayeur, Florence de Chalonge, Yann Mével et al., dir. Marguerite Duras : passages, croisements, rencontres, Paris, Classiques Garnier, 2019 (en particulier les sections « L’écrivain au dehors » et « Hybridités génériques »).
Jan Baetens, « En marge de la marge : Un barrage contre le Pacifique en ciné-roman-photo », in Cahiers Marguerite Duras, n° 1, 2021, p. 245-273, en ligne : https://www.societeduras.com/cahiers-marguerite-duras.
Christiane Blot-Labarrère, « Paroles d’auteur : les enjeux du paratexte dans l’œuvre de Duras », in Écrire, réécrire : bilan critique de l’œuvre de Marguerite Duras, dir. par Bernard Alazet, Paris-Caen, Minard, 2002, p. 9-42.
Géraldine Bois, « Entre attirance et distance : les rencontres inter-classes dans la vie et l’œuvre de Marguerite Duras », in Ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent. Mises en scène littéraires du social et des expériences socialisatrices des écrivains, dir. par Bernard Lahire, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2011, p. 401-437.
Anne Brancky, The Crimes of Marguerite Duras. Literature and the Media in Twentieth-Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 2020.
Claude Burgelin et Pierre de Gaulmyn, dir., Lire Duras, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000 (en particulier la section « Duras en public »).
Florence de Chalonge, « La dernière Duras : autour d’un roman de l’entretien », in Le Roman français de l’extrême contemporain : écritures, engagements, énonciations, dir. par Barbara Havercroft, Pascal Michelucci et Pascal Riendeau, Québec, Nota Bene, 2010, p. 25-44.
Anne Cousseau et Dominique Denès, dir., Marguerite Duras : marges et transgressions, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2006.
Maud Fourton, « Vu et lu sur une carte postale – carte postale et écriture dans l’œuvre de Marguerite Duras », in Revue des Lettres modernes, série Duras n° 3, « Paradoxes de l’image », dir. par Sylvie Loignon, 2009, p. 71-82.
Cécile Hanania, « “Ce qui reste quand on a tout oublié”. Souvenirs d’amnésiques chez Marguerite Duras », in De mémoire et d’oubli : Marguerite Duras, dir. par Christophe Meurée et Pierre Piret, Bruxelles-Berne, PIE-Peter Lang, 2009, pp. 53-64.
Cécile Hanania, dir., Marguerite Duras : le rire dans tous ses éclats, Amsterdam-New York, Rodopi, 2014.
Cécile Hanania, « Alors l’Indochine ? Marguerite Duras, alibi commercial et politique en Asie du Sud-Est », in Orient(s) de Marguerite Duras, dir. par Florence de Chalonge, Yann Mével et Akiko Ueda, Amsterdam-New York, Rodopi, 2014, p. 269-282.
Cécile Hanania, « De l’écran à l’écrit : portraits d’actrices chez Marguerite Duras », in Le Cinéma de Marguerite Duras : l’autre scène du littéraire ?, Bruxelles-Berne, PIE-Peter Lang, 2015, p. 85-99.
Marie-Chantal Killeen, « Duras et la littérature de quatre sous : un malentendu ? », French Studies, vol. 70, n° 4, oct. 2016, p. 550-564.
Christophe Meurée, « De quoi le cinéma anglo-saxon est-il le nom », in Cahiers Marguerite Duras, n° 1, 2021, p. 167-187, en ligne : https://www.societeduras.com/cahiers-marguerite-duras.
Midori Ogawa, La Musique dans l’œuvre littéraire de Marguerite Duras, Paris, L’Harmattan, 2002.
Catherine Rodgers, dir., Descendances durassiennes. Écritures contemporaines, Caen, Passage(s), 2021.
Marie-Laure Rossi, Écrire en régime médiatique. Marguerite Duras et Annie Ernaux, actrices et spectatrices de la communication de masse, Paris, L’Harmattan, 2015.
Michelle Royer, « L’écriture du vécu : l’œuvre paralittéraire de Marguerite Duras », in Duras, femme du siècle, dir. par Stella Harvey et Kate Ince, Amsterdam-New York, 2001, p. 73-86.
Michelle Royer et Lauren Upadhyay, dir., Marguerite Duras à la croisée des arts, Bruxelles-Berne, PIE-Peter Lang, 2019.
Jean-Bernard Vray, « “… quelqu’un le chanta”. L’intertexte de la chanson dans l’œuvre de Duras », in Les Lectures de Marguerite Duras, dir. par Alexandra Saemmer et Stéphane Patrice, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2005, p. 45-60.