eLyra, nº 19 juin 2022
Voix du poème en prose
Orgs. Rita Novas Miranda (Université Paris Nanterre – ILC) & Amândio Reis (Université de Lisbonne)
Le poème en prose est un genre qui vit dans la contiguïté des formes distinctes de la prose et de la poésie, elles-mêmes associées à différents modes du discours littéraire traditionnellement vus comme contrastants : le narratif et le lyrique. Le poème en prose (et nous pouvons penser également à la prose poétique) semble ainsi constituer un insurmontable paradoxe conceptuel : il a été redéfini de façon insistante par la critique et par la théorie littéraires comme un pseudo-genre en reformulation permanente qui repose sur l’hybridité, l’anomalie, voire « l’exploration métonymique de l’incomplétude »[1]. En somme, la forme du poème en prose semble faire appel à une certaine idée de difformité comme caractéristique fondatrice et fondamentale, suggérant qu’il s’agit d’un objet constitutivement ou potentiellement disruptif, expérimental et non conforme, qui oscille entre « l’anarchie destructrice » et « l’art organisateur »[2].
Ce numéro de la revue eLyra cherche à interroger et à remettre en perspective le poème en prose et / ou l’œuvre en prose poétique à partir de recherches centrées sur la notion de voix, et cela sans limites prédéterminées en matière d’époque, langues ou traditions littéraires. Cette approche, basée sur la voix, prétend donner de l’espace à des études qui requestionneront le lieu commun du choc formel associé au poème en prose à la lumière de nouvelles compréhensions du problème d’expression que ce genre pose. Étant associé autant au narrateur qu’au sujet lyrique, ou dissocié des deux, le poème en prose rend possible des interrogations spécifiques, par le biais de sa structure narrative ou de sa dimension lyrique, sur qui ou quoi y a la parole[3]. À cet égard, ce genre est un lieu privilégié de la manifestation de subjectivités alternatives et périphériques (féministes, queer, postcoloniales), voire de subjectivités non-humaines (l’objet, la chose, l’animal), puisque le poème en prose explore par définition sa propre temporalité, c’est-à-dire son « moment élastique »[4], son inscription d’histoires et son inscription dans l’Histoire.
En partant de l’idée de récit comme friction au sein de la poésie bien comme celle de lyrisme comme friction au sein de la prose, nous cherchons donc des propositions qui mettent en valeur la corrélation entre voix et poème en prose, ou prose poétique, dans deux sens : 1. les voix du poème en prose (ex. la multiplicité de configurations historiques et actuelles de ce genre ou des objets d’art qui utilisent sa dénomination) et 2. les voix dans le poème en prose (ex. la multiplicité de sujets – personnes – qui ont acquis la parole par moyen de ce genre hybride).
Quelques pistes de réflexion non-exhaustives :
— convergences et / ou divergences entre poésie et prose poétique ;
— matérialités et media du poème en prose : l’écriture, l’oralité, le numérique ;
— le poème et le livre / la revue / le support, ou les textes et les contextes du poème en prose ;
— questions liées au marché de la littérature et les catégories pragmatiques et théoriques ;
— le poème en prose dans le contexte de l’éco-poésie, de l’éco-critique et des études animales ;
— la tension entre le poème en prose et autres formes brèves (comme le poème, le conte, la chanson ou le court-métrage) ;
— le poème en prose entre les études de genre et la théorie des genres ;
— les voix minoritaires, queer, féministes ou sans catégorie définie du poème en prose ;
— le poème en prose et les poétiques modernistes et d’avant-garde ;
— la place du poème en prose dans la narratologie traditionnelle et dans les nouvelles théories de la narration.
Références bibliographiques :
AA. VV., Forma Breve, no 2, 2004: <https://proa.ua.pt/index.php/formabreve/issue/view/392>.
Atherton, Cassandra et Paul Hetherington, “Like a Porcupine or Hedgehog? The Prose Poem as Post-Romantic Fragment”, Creative Approaches to Research, vol. 9, no 1, 2016, 19-38.
Berardinelli, Alfonso, “Os Confins da Poesia”, trad. de Osvaldo Manuel Silvestre, Inimigo Rumor, nº 14, 2003, 138-145.
Bernard, Suzanne, Le Poème en prose de Baudelaire jusqu’à nos jours, Paris, Nizet, 1978.
Guimarães, Regina (org.), Embriagai-vos. Antologia de Poemas em Prosa de Autores Franceses, trad. de Regina Guimarães, préf. et notes biographiques de Saguenail, Porto, Flop, 2020.
Kjerkegaard, Stefan, “In the Waiting Room: Narrative in the Autobiographical Lyric Poem, Or Beginning to Think about Lyric Poetry with Narratology”, Narrative, vol. 22, no 2, 2014, 185-202.
Martelo, Rosa Maria, “Os Koans Revisitados (Ou de como Escrever entre Poesia e Prosa)”, eLyra, no 4, 7-20, 2014: <https://www.elyra.org/index.php/elyra/article/view/55>.
Munden, Paul, “Playing with Time: Prose Poetry and the Elastic Moment”, TEXT, no 46, 2017, 1-13.
Varela, Ângela, Configurações do Poema em Prosa. De “Notas Marginais” de Eça ao Livro do Desassossego de Pessoa, Lisbonne, IN-CM, 2012.
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Les articles inédits – en portugais, français ou anglais – seront reçus à l’adresse mail revistaelyra@gmail.com jusqu’au 15 mai 2022.
Tous les articles doivent suivre rigoureusement les consignes de publication de la revue eLyra disponibles dans la section « Submissões » / « Submissions » sous peine d’être préalablement exclus. Les articles seront soumis à une procédure d’évaluation aveugle par paires.
[1] C. Atherton et P. Hetherington, “Like a Porcupine or Hedgehog? The Prose Poem as Post-Romantic Fragment”, Creative Approaches to Research, vol. 9, no 1, 2016, p. 22.
[2] S. Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire jusqu’à nos jours, Paris, Nizet, 1978, p. 444.
[3] S. Kjerkegaard, “In the Waiting Room: Narrative in the Autobiographical Lyric Poem, Or Beginning to Think about Lyric Poetry with Narratology”, Narrative, vol. 22, no 2, 2014, p. 188.
[4] P. Munden, “Playing with Time: Prose Poetry and the Elastic Moment”, TEXT, no 46, 2017.
Actualité
Appels à contributions
Publié le par Marc Escola (Source : Instituto de Literatura Comparada - Faculté de Lettres, Université de Porto)