Sémiotique et anthropologie : croisements disciplinaires, pratiques et méthodes d’enquête, théories pour l’interprétation (en ligne)
Les études sémiotiques et l’anthropologie connaissent des recoupements disciplinaires évidents, qui ne sont toutefois pas toujours reconnus ou travaillés comme tels. Toutes deux constituent des champs disciplinaires très vastes, qui comprennent des sous-domaines d’étude relativement autonomes, dont l’objet est dans tous les cas multiforme. Si l’anthropologie étudie l’humain, les sociétés et les cultures humaines, elle multiplie pour ce faire ses focales, ses méthodes, ses approches et ses visées, se penchant tant sur le processus biologique d’hominisation et les vestiges archéologiques des sociétés passées que sur la dimension symbolique et les diverses pratiques inhérentes aux cultures et sous-cultures contemporaines. De leur côté, les études sémiotiques traitent des signes et des médiations au moyen desquels les êtres vivants communiquent, interprètent et organisent le monde symbolique et pratique dans lequel ils évoluent au quotidien. En restreignant l’objet de la sémiotique à la sphère d’influence de l’activité humaine, et en considérant l’activité signifiante comme base de toute interaction humaine, nous posons que signe et sens commun forment un seuil pour l’étude des pratiques et des cultures humaines. Mais encore faut-il montrer la pertinence d’établir un seuil aussi fondamental. Ce colloque invite les chercheurs·euses œuvrant en sémiotique, en anthropologie (ou disciplines connexes : ethnologie, linguistique, sociologie, arts et lettres, communication, etc.) à venir partager l’état de leurs recherches et travaux sur les signes humains. Nous intéressent : les pratiques sémiotiques ordinaires, politiques ou artistiques, et plus largement les systèmes de signes, de croyances et l’implication des axiologies sur les échanges et la circulation des biens symboliques dans l’espace public, au sein des groupes humains et des cultures, les méthodes d’enquête en vue d’étudier de tels phénomènes aussi bien que les excursions théoriques qui en découlent.
Qu’est-ce qu’un « signe humain »? Une façon de définir les signes humains serait de dire qu’ils sont l’expression de l’activité humaine. Les humains n’existent jamais qu’en interagissant (avec autrui, avec des machines, avec leur environnement, avec leur propre conscience, voire avec leur inconscient), et cette interaction s’effectue forcément au moyen de signes, mais aussi à travers des schèmes de représentation – qui vont de la cosmologie au diagramme technique, de l’égoportrait à l’imaginaire national, du système de la langue à la mémoire de l’expérience, des lois édictées aux tabous tus. Ces schèmes de représentation, que l’on pourrait aussi appeler interprétants ou univers de référence, sont comme des interfaces entre le monde sensible, perceptible subjectivement, et le monde pratique, entendu au sens commun; ils rendent possible leur superposition en normalisant les signes qui se présentent à l’entendement. Toute l’activité humaine, individuelle et collective, est régie par ces univers de référence (d’ailleurs pas toujours cohérents entre eux) qui fournissent à l’agentivité les points de repères dont elle ne saurait se passer. De façon générale, dans les sociétés humaines, on considérera que l’ensemble de la production sémiotique, dont la forme archétypale est l’échange, participe d’une dynamique culturelle située et découle d’une certaine disposition à l’action, ou habitus, et qu’en ce sens elle est l’expression d’une sémiose complexe et générative de sens (parfois cohérent et parfois déroutant) pour la communauté. Ainsi conçus, les signes apparaissent autant comme des vecteurs d’organisation sociale que de délitement possible des groupes. Définir les signes humains comme l’expression de l’activité humaine permet d’indexer la production signifiante à l’ensemble des activités ou opérations ayant pour objet la production et l'échange, libres ou contraints, mais aussi l’organisation et la coercition au sein des sociétés et des groupes humains. En outre, s’ils ont souvent une visée performative immédiate, les signes humains ont aussi un effet délayé et diffus : celui d’exprimer une identité collective ou un ethos historique.
Les signes humains sont omniprésents et peuvent être appréhendés de diverses manières. La recherche universitaire commande de porter sur eux un regard réflexif. À cette fin, toutes sortes d’approches peuvent être mobilisées. Nous voudrions insister sur la nature indisciplinée de l’objet « signe » pour susciter des réflexions sur la nécessité d’opérer par croisements ou par rapprochements : entre les disciplines, entre les méthodes et au confluent de divers courants de pensée. L’identification et la catégorisation de cas, de faits ou de phénomènes sociaux, historiques, ethnologiques, médiatiques ou artistiques requièrent la mise en place de méthodes d’enquête particulières et l’élaboration ou l’appropriation de théories aux fins de l’interprétation. À la vaste catégorie des signes humains s’arrime un domaine pratique, réflexif et critique qui, de l’enquête à l’analyse, mobilise un appareillage conceptuel qui ne va pas de soi et qui mérite d’être pensé collectivement par la communauté scientifique.
Ce colloque représente une rare occasion de rassemblement pour les chercheurs·euses, jeunes et établi·e·s, rattachés d’une façon ou d’une autre à la constellation disséminée de la sémiotique francophone. Toutefois, l’objectif du colloque est plus large : il souhaite réunir des intervenants issus d’horizons variés afin de leur permettre d’échanger sur des questions fondamentales sur les plans théorique et méthodologique en sciences humaines et sociales, en arts et lettres, en études des pratiques culturelles ou en communication, et ce, à partir de cas d’étude exemplaires ou de problématiques porteuses. Cet appel à communications s'adresse donc à tous les chercheurs·euses que ces questions intéressent, par-delà les disciplines.
À titre suggestif, les propositions de communication (d’une durée d’au plus 20 minutes) peuvent s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes suivants :
- Études de cas et explorations : interventions traitant de cas particuliers examinés selon les rapports de sens auxquels ils participent, les systèmes de signes qui leur sont afférents, les processus de signification qu’ils enclenchent, et leurs implications méthodologiques ou analytiques. Ces interventions peuvent être de nature exploratoire, parfois embryonnaires, mais néanmoins arrimées à une problématique originale : le colloque est un lieu pour expérimenter la pensée en commun et ne devrait pas servir à présenter uniquement des résultats, mais aussi des recherches vivantes, en train de se faire.
- Modèles et applications : interventions théoriques ou appliquées traitant de l’utilité, de la pertinence et de la valeur de modèles interprétatifs existants ou proposés en vue d’étudier des ensembles de signes définis (afférents à des phénomènes sociologiques, des réalités matérielles, des objets culturels, des discours, des comportements, etc.). Ces interventions devraient mobiliser des références théoriques (canoniques ou contemporaines) et dialoguer avec elles.
- Rapports interdisciplinaires : interventions de nature épistémologique ou métaréflexive portant sur les objets respectifs traités par les études sémiotiques et les disciplines qui leur sont connexes (l’anthropologie en particulier, mais pas exclusivement), la comparaison des méthodes valorisées, les possibilités d’hybridation ou de suture, l’histoire de leur développement parallèle et les points de passage existants ou potentiels entre elles.
- Pratiques et réalités de l’enseignement et de la recherche : interventions portant sur les parcours de recherche individués, les cursus institués, les diverses contraintes ou embûches qui se présentent à l’intersection des études sémiotiques et des disciplines qui leur sont connexes (l’anthropologie en particulier, mais pas exclusivement), ainsi que sur les pratiques d’enseignement, la transmission des connaissances et la réceptivité des discours et de la pensée sur le signe selon les milieux.
En raison des incertitudes liées à l'évolution de la situation sanitaire, ce colloque aura lieu entièrement en ligne.
Pour participer
Les propositions doivent comporter :
- Un titre (max. 180 caractères);
- Un résumé du projet de communication (max. 1500 caractères);
- Une brève présentation de l’inscription disciplinaire de l’intervention, de l’approche ou du cadre théorique choisis et de l’interprétation développée, si applicable (max. 500 caractères);
- Entre 3 et 5 mots-clés;
- Facultativement, l’axe ou les axes dans le(s)quel(s) s’inscrit la communication;
- Une courte notice biographique détaillant : (a) le nom complet de la chercheuse ou du chercheur, (b) l’affiliation et le statut universitaires, (c) l’information de contact (une adresse courriel au minimum).
Les propositions doivent être envoyées à l’organisateur, Simon Levesque levesque.simon@uqam.ca, au plus tard le 18 février 2022.