[EN FRANÇAIS], for English see below
APPEL À CONTRIBUTION JOURNÉE D’ÉTUDES
Le théâtre juif : un objet anthropologique ?
INALCO, Paris, 28 juin 2022
Manifestation scientifique mise en place par
L’ÉCOLE DOCTORALE 265 Langues, littératures et sociétés du monde, INALCO
PLIDAM (Pluralité des Langues et des Identités : Didactique, Acquisition, Médiations), INALCO
CERMOM (Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée), INALCO
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Frosa BOUCHEREAU-PEJOSKA – PR (PLIDAM)
Elisa CARANDINA – MCF (CERMOM)
Alessandro GUETTA – PR (CERMOM)
Zeljko JOVANOVIC – MCF (CERMOM)
Madalina VARTEJANU-JOUBERT – MCF/HDR (PLIDAM)
COMITÉ D’ORGANISATION
Alexandru BUMBAS, docteur en Études Théâtrales (Sorbonne Nouvelle) et doctorant en Études Juives (INALCO)
Anamarija VARGOVIC, doctorante en Études Juives, INALCO
ARGUMENTAIRE
Depuis des siècles, le théâtre (dans toutes ses déclinaisons esthétiques) s’affirme comme une forme d’expression culturelle, à la fois en Occident et en Orient. Dans le monde dit « occidental », le théâtre est présent, malgré les méfiances (voire proscriptions) d’ordre philosophique (Platon, République III, 394 et X, 604-6) et théologique (Saint Augustin, Confessions, Livre III, 3), et la production théâtrale s’avère foisonnante. Le lien entre théâtre et société – mêlant haine et fascination – a fait émerger des champs de réflexions socio-anthropologiques divers. En 1956, Erving Goffman postulait « la mise en scène de la vie sociale », c’est-à-dire une théorie à travers laquelle il opérationnalisait la notion de théâtre au profit d’une interprétation de la vie humaine comme performance scénique et comme jeu d’acteur.
Au sein du judaïsme, le théâtre fait l’objet de prises de position contradictoires, et ce, sous le fond d’une pénurie de témoins textuels, de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance italienne précisément. La condamnation du théâtre dans le judaïsme n’est attestée que tardivement, dans le Talmud de Jérusalem Avoda Zara (18b9, 16, 18), dans une baraïtha datant probablement des premiers siècles de l’ère chrétienne : « Nos maîtres ont enseigné : il est interdit d’aller au théâtre et au cirque car on y fait des sacrifices idolâtres : paroles de Rabbi Meïr. »
Nonobstant la tension entre la pratique et la norme, le théâtre est bel et bien présent parmi les Juifs. Outre quelques mentions dans la Lettre d’Aristée, chez Philon et dans des inscriptions, nous savons qu’un dramaturge juif se trouvant en exil à Alexandrie écrit en grec, en 200 av. J.C., une pièce intitulée L’Exagôgué, dont seulement quelques fragments nous sont parvenus. La pièce, connue comme tragédie, reprend l’épisode de l’Exode biblique.
Des siècles plus tard, Yehuda Sommo, un érudit juif vivant à Mantoue, en pleine Renaissance italienne, écrit une première pièce de théâtre en hébreu (Éloquente comédie du mariage-farce), ainsi qu’un premier traité d’esthétique théâtrale (Quatre dialogues en matière de représentation théâtrale). Ce dernier, écrit en italien, constitue à la fois un « dialogue » polémique avec la Poétique d’Aristote et une réévaluation des origines du théâtre qui seraient, selon lui, bibliques et kabbalistiques. Chez Yehuda Sommo, la question du corps (et de ses potentiels scéniques) passe avant le texte théâtral (comme dramaturgie) et affirme ainsi une nouvelle histoire du théâtre reliée au judaïsme, d’autant plus que ces pièces sont d’inspiration biblique et talmudique.
L'influence juive-italienne sera déterminante pour la suite des développements dans l'écriture dramatique et les formes poétiques de la langue italienne conditionneront l’évolution de la métrique de la langue hébraïque. En même temps, fleurit l'intérêt pour la traduction en hébreu des œuvres littéraires diverses, parmi lesquelles l'écriture et la réécriture dramatiques. Cette double influence est percevable, par exemple, chez un auteur hollandais comme David Franco Mendes, influencé dans son écriture du drame Athalie, à la fois par Moshe Haïm Luzzatto, par le théâtre français et par l'oratorio viennois.
Dans tous ces cas, le rapport à la langue hébraïque reste fondamental, car la question – parfois implicite et parfois explicite (voir Moshe Haïm Luzzatto, Lishon Limmudim sur les lois de la poésie hébraïque) est de savoir si l'hébreu, en tant que langue, peut être aussi véhicule de littérature profane.
Au vu de ces témoins textuels et de ces auteurs qui font figure de fondateurs, comment penser le théâtre au sein du judaïsme ? Comme un objet anthropologique travaillant à la construction et à l’affirmation d’une judéité appréhendée selon son rapport au théâtre ? Autrement dit, est-ce que le théâtre peut être conçu comme un médium du sujet juif ? Est-il (aussi) un objet polémique suscitant une relecture de la Poétique d’Aristote à l’aune du postulat des origines hébraïques (et religieuses) du théâtre ? Y’a-t-il une pensée esthétique juive du théâtre décelable depuis Ézéchiel le Tragique, en prenant en compte les œuvres postérieures à lui (adaptations bibliques, Purimspiel, théâtre yiddish, théâtre judéo-espagnol, théâtre mémoriel, théâtre israélien contemporain, théâtre juif en d’autres langues que l’hébreu) ? Peut-on considérer le théâtre juif indépendamment de ses liens avec la Bible ? Sous quelles formes ? Qu’en est-il des sujets historiques et bibliques que l’on trouve chez la plupart des auteurs ?
Cette journée d’études s’adresse principalement aux doctorant.e.s issu.e.s des champs disciplinaires divers, qui portent un intérêt particulier aux langues juives dans leur rapport au théâtre et/ou aux dimensions anthropologique du spectacle vivant. Toute autre contribution issue de la communauté académique ou artistique est la bienvenue.
Les propositions (en français ou en anglais), d'environ 250 mots, doivent être adressées aux membres du comité d'organisation : alexandru.bumbas@inalco.fr et anamarija.vargovic@inalco.fr avant le 20 février 2022, à minuit (heure de Paris).
Les propositions seront accompagnées d'un bref profil bio-bibliographique. Les interventions retenues seront communiquées courant mars 2022. Les langues de l’événement sont le français et l’anglais.
Les actes de la journée d’étude pourront être publiés dans un numéro spécial sur la plateforme artistique-académique en ligne IN VIVO ARTS : http://invivoarts.fr/
[ENGLISH]
CALL FOR PAPERS
INTERNATIONAL STUDY DAY
Jewish Theatre as an Object of Anthropological Study
INALCO, Paris, 28 June 2022
ORGANIZED BY
DOCTORAL SCHOOL 265 Langues, littératures et sociétés du monde, INALCO Paris
PLIDAM (Pluralité des Langues et des Identités : Didactique, Acquisition, Médiations), INALCO Paris
CERMOM (Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée), INALCO Paris
SCIENTIFIC COMMITTEE
Frosa BOUCHEREAU-PEJOSKA – PR (PLIDAM),
Elisa CARANDINA – MCF (CERMOM)
Alessandro GUETTA – PR (CERMOM)
Zeljko JOVANOVIC – MCF (CERMOM)
Madalina VARTEJANU-JOUBERT – MCF/HDR (PLIDAM)
ORGANIZATION COMMITTEE
Alexandru BUMBAS, PhD in Theatre Studies (Sorbonne Nouvelle) and PhD candidate Jewish Studies (INALCO)
Anamarija VARGOVIC, PhD candidate in Jewish Studies, INALCO
ARGUMENT
Theatre emerged centuries ago as a form of cultural expression, in the West and in the East alike, in all of its aesthetic aspects. It is a constant presence in the so-called « Western » sphere, one that flourishes in spite of a legacy of mistrust (up to and including prohibitions) based on philosophical and theological considerations (see Plato, The Republic, Book III, 394 and Book X, 604-6; Saint Augustine, The Confessions, Book III, 2). This link between theatre and society – a mixture of hatred and fascination – gave birth to various areas of socio-anthropological thought. Erving Goffman’s The Presentation of Self in Everyday Life (1956), resorting to the notion of theatre, interpreted the very world of human social interactions as a form of scenic performance.
Among the Jews, theatre is conceived of in various and contradictory ways, although there is true that there are very few direct sources between the Antiquity and the Italian Renaissance. The denunciation of theatre in Judaism is a relatively late phenomenon, which is mentioned in the Jerusalem Talmud (Avoda Zarah 18b) discussing a baraita dating most likely from the beginning of the Christian era.
And yet, theatre is certainly present among the Jews from the Antiquity onward, notwithstanding the tension between the Talmudic proscription and the actual practice. In addition to the few mentions in Letter of Aristeas, Philo and in several inscriptions, we know of a Jewish playwright exiled in Alexandria who wrote, in Greek in 200 BCE, a play entitled Exagoge, only fragments of which survive. The text, known to be a tragedy, is based on the biblical story of Exodus.
Centuries later, the first play in Hebrew (A Comedy of Betrothal) was written in the Renaissance Italy by a Jewish intellectual living in Mantua, Leone de’ Sommi, as well as the first treatise on theatre staging (Four Dialogues on Scenic Representation). This latter text, written in Italian, is at once a polemic « dialogue » with Aristotle’s Poetics and a reconsideration of the origins of theatre (which origins, he considers, are biblical and cabbalistic). For Sommi, the question of the body takes precedence over the text of the play (as dramaturgy), proposing a new optic for a Jewish history of theatre, even more so given that his works are of biblical and Talmudic inspiration.
The Italian-Jewish influence will determine some of the further developments in Hebrew drama; the poetic conventions of the Italian language will likewise be a major factor in the evolution of the Hebrew metrics. A growing interest in translating literary works into Hebrew includes also writing and adapting dramatic works. An example of this kind of double influence can be seen with some Dutch writers, such as David Franco Mendes, whose adaptation of Athalie bears influence of Moshe Chaim Luzzatto, the French theatre and the Viennese oratorio.
In all these cases, the fundamental question remains the one of the attitudes towards the Hebrew language: can the holy tongue be used as a vehicle for secular literature? The question is sometimes implicit, other times raised by the writings that accompany theatre production (for example, Moshe Chaim Luzzatto’s Leshon Limmudim, on Hebrew stylistics).
Considering the concrete presence of these primary sources, as well as the authors that might be seen as founding figures, how are we to understand theatre from a Jewish vantage point? Is it an anthropological object, bringing together and affirming a kind of Jewishness understood through its relationship to the theatre? In other words, can theatre be understood as a medium for the Jewish subject? Is it (also) a subject of controversy, occasioning a rereading of Aristotle with the idea of Hebrew (and religious) origins of theatre? Is there a common thread uniting Jewish theatre aesthetics that can be discerned all the way from Ezekiel the Tragedian, considering subsequent developments (biblical adaptations, Purimspiel, Yiddish and Judeo-Spanish theatre, memory theatre, contemporary Israeli theatre, or Jewish theatre in languages other than Hebrew)? Can Jewish theatre be studied independently of its links to the Bible? In what ways, and what about the historical and biblical subjects we find with most authors?
The conference is aimed principally at PhD candidates from a range of disciplines whose academic interests revolve around the Jewish languages and theatre and/or anthropological dimensions of Performing Arts. Other proposals from individuals within the academic community or artists are also welcome.
Conference paper proposals of around 250 words (in English or French) are to be sent to the members of the organization committee (alexandru.bumbas@inalco.fr and anamarija.vargovic@inalco.fr) by February 20, 2022, 23:59 CET (Paris time).
Please make sure to add a brief bio-bibliographical profile. Candidates will be contacted by the end of March 2022. The languages accepted for the conference are English and French.
There is a possibility for the papers to be published in a special issue on the online artistic-academic platform IN VIVO ARTS (www.invivoarts.fr).
Actualité
Appels à contributions
Publié le par Perrine Coudurier (Source : Alexandru BUMBAS)