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Sharing Jewish Languages : Translation and Identity / Les langues juives en partage: traduction et identité

Sharing Jewish Languages : Translation and Identity / Les langues juives en partage: traduction et identité

Publié le par Université de Lausanne (Source : Cécile Rousselet)

[English below]

16-18 juin 2022 - Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme (MAHJ), Inalco

Organisé par Arnaud Bikard, Valentina Fedchenko, Guido Furci, Cécile Rousselet


À la suite du colloque international « Yiddish and Translation » (an International Digital Conference) organisé par Sharon Bar-Kochva, Arnaud Bikard, Tal Hever-Chybowski et Valentina Fedchenko (30 août et 1er septembre 2021, CERMOM, Inalco, Maison de la Culture Yiddish), et du colloque populaire « Les langues juives en traduction » proposé par le Centre Medem – Arbeter Ring (27-28 novembre 2021), le projet ANR LJTRAD (ANR 18-CE27-14), l’INALCO (Paris), le CERMOM (EA 4091), l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, le CERC (EA 172), l’ENS, Eur’Orbem (UMR 8224) et le Musée d’Art de Histoire du Judaïsme (MAHJ), lancent un appel à contribution pour un colloque international intitulé « Les langues juives en partage : traduction et identité ». 

Les langues juives (yiddish, judéo-espagnol, judéo arabe, etc.) ont évolué pendant des siècles sous l’effet d’une adaptation des langues co-territoriales aux besoins et aux exigences du mode de vie juif. Elles portent toutes la marque de deux conditions essentielles : d’un côté, l’existence diasporique des Juifs loin de la Terre Sainte, dispersés parmi des nations de langue et de foi différentes, et de l’autre, un multilinguisme fondamental au sein duquel la langue juive vernaculaire, parfois associée aux langues des populations non-juives environnantes, est avant tout destinée aux communications orales et à l’expression des problèmes du quotidien tandis que l’hébreu, langue de la sainteté et du savoir, est avant tout écrit et occupe une position prestigieuse et privilégiée. 

« Ne vous mêlez point à eux et ne les laissez point se mêler à vous, car certes ils attireraient votre cœur à leurs divinités » (I Rois, 11, 2). Cette idée d’une séparation essentielle, d’une frontière clairement tracée entre les Juifs et les Non-Juifs, semble à première vue contradictoire avec le principe même de la traduction qui suppose qu’il existe toujours un dénominateur commun entre les cultures et les langues, un point de rencontre idéal que Walter Benjamin désignait sous l’expression « langage pur ». 

Les langues juives sont le produit de leur histoire et des stratégies culturelles de leurs locuteurs. Elles mettent toutes en œuvre, à différents niveaux, des stratégies linguistiques de différenciation entre ce qui est juif et ce qui ne l’est pas et développent ainsi une approche double du monde définie par Max Weinreich sous le terme lehavdl-loshn (que l’on peut imparfaitement traduire « langue différentielle ») : un langage qui trace automatiquement une frontière entre le monde des Juifs et celui des Autres. Même après la modernisation, lorsque les limitations religieuses ont paru obsolètes à une large partie sécularisée de la population, les langues juives ont continué à intégrer, dans leur logique interne, les traces de cette séparation essentielle. Sholem Aleichem est l’auteur d’une citation célèbre et représentative, lorsqu’il disait ironiquement en soutien aux idéologies socialistes et universalistes de son temps : « Ale mentshn zaynen glaykh, yidn un lehavdl goyim. » (« Tous les êtres humains sont égaux, les Juifs et, mutatis mutandis, les Goys ». 

Malgré tout, le besoin de transmission, la volonté de partager les richesses culturelles propres aux langues juives et d’importer les richesses culturelles étrangères, ont poussé de façon croissante à combattre les résistance internes à ces langues, besoin encore accentué par la diminution du nombre des locuteurs. Notre colloque visera à articuler les rapports entretenus entre résistance à la traduction et nécessité de partage sous le rapport des métamorphoses de l’identité juive. 

À partir de là, il s’agira de se demander : comment les traductions du et vers les langues juives s’articulent-elles aux questions d’identité ? Comment les identités juives se co-construisent-elles par, avec et en dépit de ces traductions ? Sont-elles facteur d’assimilation, de différenciation ? Quels imaginaires, quelles résistances, quels passages et fusions identitaires, sont-ils induits par ces « partages » de langues ?

Quatre pistes de réflexions pourront être prises en examen en ce sens. 

(1)  Les traductions à l’épreuve du particulier juif. 

Les traductions depuis et vers les langues juives doivent toutes composer avec le « marquage » identitaire de ces langues. Différents angles d’approches sont envisageables autour de cette question : 
-       Hétérogénéité linguistique et culturelle, macaronisme et la question des intraduisibles. 
-       Difficultés matérielles et psychologiques affrontées lors du processus de traduction depuis et vers une langue juive (difficultés pour trouver une place sur le marché éditorial en tant que langue et culture « mineure », l’effet de la Shoah sur la perception générale des langues juives) ; 
-       Problèmes généraux de traductologie vus à travers le prisme des langues juives : traductions sourcières et ciblistes, quel degré d’étrangeté / de judaïté est-il admissible dans les langues européennes et non-européennes. 

(2)  Traductions et réceptions des textes et des identités.

À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, les traductions d’œuvres non juives en hébreu ou yiddish ont connu un véritable essor.
-       Comment relire cette histoire de la traduction au prisme des enjeux fantasmatiques et identitaires qu’elle a provoqués ? Quelles sont les images des non-Juifs qui se construisent alors, notamment en raison de la distance temporelle qui sépare le contexte d’écriture d’une œuvre et l’année de sa découverte en yiddish, hébreu, judéo-espagnol, judéo-arabe, etc., rendant contemporaines, dans les communautés juives, des textes qui ne l’étaient pas sur leur lieu de production ? Et comment les imaginaires ashkénazes ou séfarades, médiatisés par les productions littéraires extérieures, ont-ils été traduits ? Avec quelles conséquences ?
-       Dans un contexte d’émigration, comment les traductions des œuvres juives dans d’autres langues, à l’instar de l’anglais (auto-traductions ou non), ont-elles pu participer à cristalliser l’idée d’un shtetl exotique (Dan Miron), dans le cas ashkénaze par exemple, ou au contraire ont-elles cherché une fidélité aux sources ? Si les œuvres elles-mêmes ont parfois favorisé une entreprise d’exotisation, une comparaison des textes en langue juive et de leurs traductions permettra de mettre à jour les enjeux (non seulement symboliques) d’une telle opération, mais aussi toute éventuelle tendance (plus ou moins assumée selon les cas) au renforcement de celle-ci.

(3)  Les traductions face au protectionnisme culturel. 
 
Les langues juives ont eu à souffrir d’un statut inférieur pendant une grande partie de leur histoire ce qui a beaucoup influencé le destin des traductions. A l’inverse, elles ont pu être perçues comme gardiennes et protectrices d’une identité que les traductions contribueraient à détruire. On pourra donc analyser différents types de résistances : 
-       Résistance interne à la traduction : refus par les autorités (rabbiniques ou autres) de voir les textes sacrés rendus accessibles dans la langue vernaculaire, la crainte que la traduction ne conduise à une perte d’identité et, en fin de compte, à l’assimilation ; 
-      Résistance externe à la traduction : le mépris pour les langues juives et ses conséquences sur le champ de la traduction (adaptations, traductions réalisées non pas directement depuis les langues juives elles-mêmes mais depuis d’autres langues européennes « majeures ») ;

(4)  Traductions et statuts identitaires des langues et des textes. 

À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, les traductions d’œuvres non juives en hébreu ou yiddish ont connu un véritable essor.
-       Comment la traduction a-t-elle pu participer à un glissement des textes, non pas tant d’un genre littéraire à un autre, que d’un champ de réception attendu à un autre ? Comment des choix de traduction, mais aussi d’édition dans la publication de ces traductions, ont-ils pu nourrir une forme de « muséification » de ces textes littéraires, qui n’étaient pas initialement écrits dans cette visée ?
-       Pour le cas yiddish, le nombre de traductions d’œuvres yiddish augmente dans une évolution proportionnellement inverse au nombre de locuteurs ashkénazes dans le monde. Or le yiddish est aujourd’hui une langue dont le statut a sensiblement changé en raison de la disparition de ces locuteurs (Anita Norich), notamment depuis 1945. Mais comment traduire dans une langue étrangère une œuvre où le yiddish était mame-loshn tout en assumant ce nouveau habitus du yiddish ? Et surtout : quels imaginaires des Juifs ashkénazes les traducteurs véhiculent-ils aujourd’hui, compte tenu des circonstances ?

Le colloque se tiendra en français et en anglais.  Les propositions de contributions (max. 400 mots) accompagnées d’un CV doivent être envoyées à l’adresse : jewishlanguages2022@gmail.com avant le 15 février 2022.

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16-18 June 2022 - Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme (MAHJ), Inalco

Organized by Arnaud Bikard, Valentina Fedchenko, Guido Furci, Cécile Rousselet


Following the international conference “Yiddish and Translation” organized by Sharon Bar-Kochva, Arnaud Bikard, Tal Hever-Chybowski and Valentina Fedchenko (30 August – 1 September 2021 CERMOM, Inalco, Maison de la Culture Yiddish) and the popular conference “Jewish languages in translation” offered by the Centre Medem – Arbeter Ring (27-28 November 2021) the LJTRAD project by the French National Research Agency (ANR 18-CE27-14) the INALCO (Paris), the CERMOM (EA 4091), the University of Paris Sorbonne-Nouvelle, the CERC (EA 172), the ENS (Paris), the Eur’Orbem (UMR 8224) and the Museum of the Art and History of Judaism (MAHJ Paris) are calling for papers to be presented at the international conference entitled: “Sharing Jewish Languages : Translation and Identity” which will be held, in presentia, at the MAHJ and at INALCO, Paris 16-18 June 2022.

Jewish languages (Yiddish, Ladino Judeo-Arabic, etc.) have evolved for centuries through the adaptation of co-territorial languages to the needs and demands of the Jewish way of life. They all bear the imprint of two essential conditions: on the one hand the Diasporic situation of Jews away from the Holy Land, dispersed among peoples of different faith and languages, and on the other hand, a fundamental multilingualism in which the vernacular Jewish tongue is first and foremost destined to oral communication and to the expression of everyday concerns, often paired with co-territorial Non-Jewish languages, whereas Hebrew, the language of holiness and thought is essentially written and occupies a prestigious and privileged position. 

“You shall not mingle with them, neither shall they mingle with you, for surely they will turn away your hearts after their gods.” (I King, 11, 2). This idea of an essential separation, of a clear border to be drawn between Jews and Non-Jews, seems at first view to be the opposite of the principle of translation which supposes that there always exists a common denominator between cultures and languages, an ideal meeting point that Walter Benjamin designated under the expression of “pure language”. 

Jewish languages are the product of their history and of the cultural strategies of their speakers. They all display, to some extent, a propensity to differentiate linguistically between Jewish and non-Jewish realities, developing a dual approach to the world, which Max Weinreich has described under the term: lehavdl-loshn (which one can imperfectly translate as “differential language”) a language which automatically draws a line between the world of the Jews and the world of the Others. Even after the process of modernization has taken place and the religious boundaries have been seen as obsolete by the secularized part of population, Jewish languages have continued to bear in their very fabric, the remains of this essential separation. Sholem Aleichem is famous for having humorously said, in support of the socialist and universalist ideologies of his time: “Ale mentshn zaynen glaykh, yidn un lehavdl goyim” (“All human beings are equal, Jews and, mutatis mutandis, Goyim”). 

Nevertheless, the need to transmit and share one’s cultural treasures and to import those from the outside has forced Jewish languages speakers and translators to fight the internal resistance of their languages and cultures: such a need has still been enhanced by the reduction of the numbers of native speakers. Our conference aims at articulating the relations between resistance to translation and the necessity to share texts and expand readership from the point of view of the metamorphoses of Jewish identity. 

Thereupon, how translations from and into Jewish languages are related to identity? How are these Jewish identities co-constructed nearby, with and despite these translations? Do they remain a factor of assimilation, or of differentiation? What imaginaries, resistances and identity crossings and mergers are induced by this act of sharing Jewish languages?

Four approaches may be considered to that extent.

(1)  Translations and Jewish particularism. 

Translations from and towards Jewish languages have always to deal with the marks of Jewish identity carried by these very languages.  Several issues might be addressed in this respect : 
-       Linguistic and cultural heterogeneity, macaronism and the problem of the untranslatable; 
-       Material and psychological difficulties met in the process of translating from or to Jewish languages (the difficulty to find a place on the book market for “minor” languages, the effect of the Holocaust on the general perception of Jewish languages); 
-       General issues of translation studies as seen through the lens of Jewish languages: source and target-oriented translations, what degree of strangeness / of Jewishness is transferable to other European and non-European languages. 

(2)  Translations and receptions of texts and identities. 

From the second half of the nineteenth century onward, translations of non-Jewish works into Hebrew or Yiddish experienced a real boom. 
-       How can we analyze this history of translation through the prism of the fantastical and identity-related issues it provoked? What are the images of non-Jews that were constructed at the time? Indeed, the temporal distance between the context of a work's writing and the year of its discovery in Yiddish, Hebrew, Judeo-Spanish, Judeo-Arabic, etc., makes texts contemporary in Jewish communities whereas they were not at the first place. 
-       How were translated Ashkenazi or Sephardic imaginaries, mediated by external literary productions? What consequences are involved?
-       In a context of emigration, in the Ashkenazi case for example, how did translations from Jewish idioms into others, such as English (self-translations or not), participate in crystallizing the idea of an exotic shtetl (Dan Miron)? On the contrary, did these translations seek to be faithful to the sources? Once these works have sometimes favored an enterprise of exoticization, a comparison of the texts in Jewish language and their translations will make it possible to bring to light the stakes (not only symbolic) of such an operation, but also any possible tendency (more or less assumed, depending on the case) to reinforce it.

(3)  Translations and cultural protectionism.  

Jewish languages have suffered from being granted an inferior position through much of their history (as a minority language, as the language of the uneducated). It has greatly influenced the fate of translations. On the other hand, they have also been seen as guardians of an endangered identity that translations might contribute to destroy. As a consequence, the following types of resistance to translation deserve interest:  
-       Internal resistance to translation: the refusal of some Rabbinic authorities to see the Sacred texts made available in the vernacular, the fear that translation might lead to a loss of identity and, ultimately, to assimilation;
-       External resistance to translation: the contempt for Jewish languages and its consequences on the field of translation (adaptations, translations made not directly from the Jewish languages themselves but from other “major” European languages);

(4)  Translations and identity status of languages and texts. 

Translation may have contributed to a shift in texts, not so much from one literary genre to another, as from one expected field of reception to another. 
-       How translation choices, but also editing choices, may have nourished a form of “museography” of these texts which were not initially written with this aim?
-       In the case of Yiddish, the number of translations of Yiddish works is increasing in inverse proportion to the number of Ashkenazi speakers. However, Yiddish is a language whose status has changed significantly due to the disappearance of these speakers (Anita Norich), especially since 1945. How translation into a foreign language of a work in which Yiddish was mame-loshn assume this new habitus of Yiddish? What imaginations of Ashkenazi Jews do translators convey today, given the circumstances?
 
The conference will be held in both English and French. Paper proposals (max. 400 words) and a CV shall be sent at the email address: jewishlanguages2022@gmail.com by 15 February 2022.