Actualité
Appels à contributions

"Théories voyageuses" féministes en territoires littéraires et artistiques maghrébins (Expressions maghrébines, n° 22.1)

Publié le par Marc Escola (Source : Edwige Tamalet Talbayev)

Expressions maghrébines,

Revue de la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures du Maghreb 

www.ub.edu/adhuc/em

Vol. 22, nº 1, été 2023 : Appel à articles


« Théories voyageuses » féministes en territoires littéraires et artistiques maghrébins

Dossier coordonné par Touriya Fili-Tullon et Kirsten Husung

Date limite de soumission des articles : 30 juin 2022

Date de parution : mai 2023


La notion de “théories voyageuses” est d’Edward Saïd mais nous l’utilisons ici au sens repolarisé que lui a donné Cornelia Möser dans son ouvrage Féminismes en traductions. Théories voyageuses et traductions culturelles (2013). Cette spécialiste des féminismes propose de mettre en relation de manière systématique les traductions et les débats sur le genre qui traversent l’histoire du féminisme depuis la fin des années 1960. Et c’est dans cette même perspective qu’il s’agit dans ce numéro d’Expressions maghrébines, d’envisager cette circulation non seulement en termes de traductions mais surtout de transferts culturels et théoriques qui président à l’évolution des débats féministes et à leurs reconfigurations littéraires et artistiques au Maghreb. 

L’avènement de ce qui a été appelé les “Printemps arabes” a contribué à l’intensification de l’attention portée à la condition des femmes dans les sociétés maghrébines (ainsi que dans différents pays arabo-musulmans). Plus largement, la question des libertés individuelles s’est polarisée autour des problématiques des identités sexuelles et celles du genre au sens que lui donne Joan Scott dès 1986. Elle définit le genre comme « un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes », mais aussi comme une « façon première de signifier des rapports de pouvoir ». Ainsi, dans l’introduction au numéro d’Expression maghrébines publié sous le titre Désir et sexualité non normatives au Maghreb et dans la diaspora (été 2017), Domingo Pujante González faisait remarquer à quel point « le développement académique des cultural studies, des gender studies et des postcolonial studies, d’abord aux États Unis, puis ensuite en Europe et un peu partout dans le monde, a contribué à répandre des courants d’analyse situant la sexualité au centre de leurs réflexions, une idéologie parfois floue qui risque de devenir un effet de mode mettant sous sédatif son caractère et sa fonction politique ». Le chercheur soulignait également comment la cristallisation des débats autour d’une dichotomie « hédonisme moderne occidental » vs « conformisme aux traditions et valeurs islamiques » ne fait que renforcer le risque d’essentialisation de codes qui seraient autrement plus diversifiés. 

Plus récemment, Abir Kréfa et Amélie Le Renard ont montré combien l’instrumentalisation de la question des femmes musulmanes « à des fins impérialistes » pouvait compliquer la tâche aux féministes du Moyen-Orient et du Maghreb. En tenant compte du contexte social de classe et en dénonçant un capitalisme foncièrement patriarcal, des chercheuses comme Elsa Dorlin s’inscrivent dans un « féminisme décolonial » qui se situe du point du vue des femmes racisées. La philosophe Hourya Bentouhami s’intéresse à la condition des femmes en contexte migratoire en adoptant une perspective postcoloniale. Parallèlement, on assiste de plus en plus à l’émergence de lectures féministes des textes de la doxa religieuse (Coran et dits prophétiques) qui rejettent toute posture victimaire et proposent des lectures critiques des exégèses qui ont prévalu jusqu’ici (c’est le cas de Asma Lambaret, au Maroc), et qu’il est possible d’inscrire dans la lignée des études de Fatima Mernissi, ou encore de Olfa Youssef en Tunisie, ou de Wassyla Tamzali en Algérie. 

En outre, en Europe et aux Etats-Unis, les féministes de la diaspora issue de pays musulmans, ou de pays où l’islam est une religion majoritaire, contribuent à alimenter la réflexion autour du genre et du religieux. On pense à La Politique de la piété. Le Féminisme à l’épreuve du renouveau islamique de Saba Mahmood où elle réinterprète le pouvoir des normes en se basant sur les travaux de Judith Butler et de Michel Foucault. Ces différentes recherches et travaux ne manquent pas de susciter des polémiques autour de la possibilité ou de l’impossibilité d’un féminisme islamique. Ainsi par exemple, si Malika Hamidi pose la question des conditions qui rendent possible une telle inscription du féminisme dans une religion réputée « patriarcale », d’autres comme Fawzia Zouari considèrent une telle articulation comme un ad absurdum, et proposent plutôt un féminisme méditerranéen laïc. 

Les différentes études féministes et du genre discutées entre Occident et Orient depuis le début du nouveau millénaire et surtout dans le sillage des « Printemps arabes » reprennent ainsi les débats sur l’universalisme versus essentialisme et culturalisme en ajoutant de nouvelles interprétations. Ce numéro est l’occasion de regarder de plus près ces théories autour du genre et des féminismes, qu’elles se disent universalistes, décoloniales, postcoloniales etc. et d’évaluer la manière dont ces théories sont reçues dans le cadre de la littérature et des arts. Comment ces théories circulent-elles et dans quel(s) sens  (nord/sud-sud/nord-sud/sud), et surtout comment, les débats de société qu’elles susciteraient informent-ils les textes et les créations artistiques (tels que photographies, cinéma, peinture) ? Cette ère post-révolutionnaire, comme on l’appelle déjà, a-t-elle donné naissance à de nouvelles formes réflexives ? 

Les propositions d’articles s’attacheront à situer clairement les corpus et les discours étudiés dans l’extrême contemporain à partir de 2011 et les révoltes dans les pays arabes. Les corpus littéraires et artistiques étudiés se limiteront au Maghreb mais pourront porter sur des textes dans toutes les langues écrites et lues dans la région. Un intérêt particulier sera accordé aux productions minorées : les ouvrages publiés uniquement au Maghreb difficilement accessibles à un lectorat européen. 

Axes non restrictifs :

● De quelle manière les théories féministes et du genre voyagent-elles d’un pays à un autre et dans quel contexte, et comment les pratiques littéraires et artistiques diffractent-elles ces débats ? 
● Comment les écritures littéraires et pratiques artistiques rejouent (ou déjouent) les rapports de domination du genre, de la classe, et de la langue (par exemple en utilisant l’écriture inclusive) ? 
● Quels (nouveaux) supports permettent la diffusion de ces expressions (blogs, vidéos, podcasts, BD…) ?
● Comment le mouvement Me too et les travaux sur les violences sexistes et sexuelles se sont traduits dans les productions littéraires et artistiques au Maghreb ? 
● Quels sont les thèmes principaux abordés dans ces expressions quant à la situation des femmes ? (le corps, l’intimité, la sexualité, les relations, la réalité économique, l’héritage etc.) 

*

Les articles ne devront pas dépasser 40.000 signes, espaces inclus (6.000 mots environ). La ponctuation, les notes et les références doivent être conformes aux normes appliquées par la revue : http://www.ub.edu/adhuc/em.

Les demandes de renseignements complémentaires et les articles complets doivent être adressés par courrier électronique à la présidente du comité scientifique : expressions.maghrebines@ub.edu.

La section VARIA de la revue maintient toujours un appel à articles (sans date limite de soumission) concernant les cultures maghrébines : littérature, cinéma, arts...