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Discours des révolutions, discours sur les révolutions : une étude comparée de l’éloquence révolutionnaire aux États-Unis et en France (Paris Nanterre)

Discours des révolutions, discours sur les révolutions : une étude comparée de l’éloquence révolutionnaire aux États-Unis et en France (Paris Nanterre)

Publié le par Marc Escola (Source : Hélène Parent)

Discours des révolutions, discours sur les révolutions :

une étude comparée de l’éloquence révolutionnaire aux États-Unis et en France

Comité organisateur :

Augustin Habran (MCF en histoire et civilisations des États-Unis, REMELICE, université d'Orléans)

et Hélène Parent (docteure en littérature française, CSLF, université Paris Nanterre). 

Ce colloque s'inscrit dans le prolongement du projet UPL

« Dire / montrer l'éloquence (1750-1850) » (projet triennal porté par les universités Paris Nanterre et Paris 8, 2021-2023).

Contacts : augustin.habran@gmail.com ; hparent1404@gmail.com

Le colloque se tiendra à l’Université Paris Nanterre, sur deux jours, les jeudi 16 et vendredi 17 mars 2023.
 

« L’éloge de ce héros de l’Amérique mériterait d’être prononcé par les bouches les plus éloquentes[1] », affirme Fontanes dans son éloge funèbre de George Washington prononcé dans le temple de Mars le 20 pluviôse an VIII (9 février 1800). Le héros de la révolution américaine et premier président des États-Unis, mort en décembre 1799, est une référence que l’on retrouve fréquemment sur les lèvres des orateurs de la Révolution française, tous camps politiques confondus, et dans le cadre de stratégies rhétoriques variées. En effet, à la recherche de héros et de mythes fondateurs, les révolutionnaires français, loin de fonder la nation nouvelle ex nihilo, n’ont de cesse de convoquer des modèles issus d’autres temps et d’autres aires. Washington est un exemple parfait de cette circulation des références. Il est d’abord célébré aux États-Unis comme le Cincinnatus moderne[2], et c’est ce mythe que récupèrent les orateurs révolutionnaires français, eux-mêmes pétris de culture classique[3].

C’est à cette circulation des références et des modèles politiques et rhétoriques entre ces deux espaces (les États-Unis et la France) au moment de leurs révolutions respectives, que ce colloque s’intéressera. Il s’agira de mettre l'accent sur les représentations et les mythes fondateurs ayant permis de conceptualiser la nation, l'homme politique (en tant qu’orateur idéal) et le peuple dans le discours politique. On s'interrogera également, dans une perspective plus large, à la manière dont ces deux événements sont à leur tour devenus des mythes, des symboles ou des modèles, à travers l'étude de leur représentation dans la littérature et dans l'art (peinture, théâtre, cinéma, etc.), entre le moment où ils ont eu lieu et aujourd'hui. Pour la Révolution américaine, on considérera la période allant de la Déclaration d’Indépendance en 1776 à la « Révolution de 1800 », c’est-à-dire l’élection à la présidence de Thomas Jefferson, qui apporte une résolution temporaire aux débats sur la nature même du fédéralisme dans la jeune république. Pour la Révolution française, on se bornera à la période comprise entre les États-généraux de 1789 et la suppression du Tribunat, dernière assemblée délibérante de l’Empire, en 1807.

L’étude de ces périodes, en partie concomitantes, de construction démocratique sera menée au prisme de la notion d’éloquence. Nous prenons ce terme dans un sens large, à la fois comme ce qui relève du discours politique (éloquence délibérative, parlementaire notamment) et des lieux où celui-ci circule, en imitant, prolongeant ou parodiant les formes et les codes rhétoriques du genre oratoire : journaux, essais, pamphlets, grands textes fondateurs, etc[4].

Les propositions pourront s’inscrire dans trois grands axes, sans nécessairement s’y limiter :

1/ À travers des corpus de discours politiques, de textes de loi, d'essais, de journaux issus de la Révolution américaine et / ou de la Révolution française, on pourra étudier les imaginaires, les symboles, les modèles mobilisés. On favorisera des communications proposant une perspective comparatiste, qui mettront en avant la circulation de ces références entre les deux espaces (par exemple, une interrogation sur la manière dont la Révolution française récupère certains symboles de la Révolution américaine), ou qui proposeront une comparaison de la manière dont chaque aire renvoie à un même symbole ou modèle. Outre le contenu, une attention pourra être accordée à la question du style : quelle(s) langue(s), quel(s) style(s), quelle(s) figure(s) sont à même de dire ces imaginaires, en anglais et en français, quels sont les modèles rhétoriques des orateurs et publicistes américains et français ? Quelle(s) vision(s) de l'orateur idéal (et donc de l'« homme politique ») s'en dégagent, au moment de la naissance des démocraties modernes ? Qu'est-ce qu'un représentant du peuple, aux États-Unis et en France, comment est-il théorisé ou représenté (et donc, corrélativement, comment est théorisé et représenté le « peuple ») ? Toutes ces questions seront abordées à l’aune d'un paradoxe : comment prétend-on inventer quelque chose de nouveau (une nation, un régime politique) à partir de modèles passés ? Comment ces modèles se trouvent-ils adaptés et métamorphosés ? 

2/ Il faudra poser la question des éloquences plurielles : en contrepoint de l'éloquence parlementaire et des espaces politiques dominants, où, comment et à travers quelles figures se déploient des éloquences populaires et / ou minoritaires (éloquence du peuple versus éloquence des élites ; éloquences des femmes, éloquences des minorités afro-américaines ou amérindiennes par exemple). 

3/ Enfin, on pourra s’interroger sur les représentations a posteriori de cette parole publique dans sa pluralité, et de ses praticiens et praticiennes dans leur diversité : comment les grandes figures de ces deux moments révolutionnaires (les Pères fondateurs des États-Unis, les orateurs de la Révolution française, les représentant.e.s d’une éloquence populaire ou minoritaire, etc.) deviennent-elles à leur tour des modèles ou des repoussoirs, grâce aux représentations (positives ou négatives) qui en sont proposées en aval, dans la littérature et dans les arts, jusqu'à nos jours ? Comment ces révolutions deviennent-elles à leur tour de nouveaux mythes nationaux à travers les récits qui en sont proposés ? Là encore, on favorisera une approche comparatiste.

*

Les propositions de communication, en français ou en anglais (environ 300 mots) accompagnées d’une notice bio-bibliographique sont à envoyer avant le 31 octobre 2022 (dernier délai) aux deux adresses suivantes : augustin.habran@gmail.com ; hparent1404@gmail.com.

Les communications pourront elles-mêmes se dérouler en français ou en anglais. 
 


 
[1] Louis de Fontanes, Éloge funèbre de Washington, prononcé dans le temple de Mars le 20 pluviôse an 8 [9 février 1800], Paris, Henri Agasse et Dupont, an VIII, p. 13.
[2] Voir par exemple Denis Lacorne, « Mémoire et amnésie : les fondateurs de la république américaine, Montesquieu et le modèle politique romain », in Revue française de science politique, N° 42-3, p. 363-374, ou encore Garry Wills, Cincinnatus : George Washington and the Enlightenment, New York, Doubleday, 1984. 
[3] Voir Hélène Parent, Modernes Cicéron. La romanité des orateurs d’assemblée de la Révolution française et de l’Empire (1789-1807), thèse de doctorat soutenue à l’Université Paris Nanterre le 12 octobre 2020, 704 p.
[4] Par exemple, la Déclaration d'Indépendance, les constitutions, le Code civil, les journaux révolutionnaires, les Federalist Papers, etc.