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Entre proie & prédateur : un « récit de chasse » dans la littérature québécoise ? (ALCQ, 2022)

Entre proie & prédateur : un « récit de chasse » dans la littérature québécoise ? (ALCQ, 2022)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Julien Defraeye)

Dans un récent numéro de la revue Études françaises, Martin Hervé et Alexis Lussier évoquaient « une étonnante reviviscence de l’ancestrale thématique cynégétique » – la chasse – dans la littérature contemporaine, cette résurgence s’inscrivant toutefois majoritairement « sous des rapports souvent critiques, si ce n’est répulsifs » (2018). Bien que le dossier, intitulé « Le regard et la proie », se concentre exclusivement sur la littérature franco-française, à l’appui des écrits de Patrick Grainville, Pierre Bergounioux et, plus récemment, Caroline Lamarche, entre autres, la littérature québécoise semble témoigner ces dernières années, certes de manière éparse, d’un phénomène similaire, sinon comparable. Éventuel héritage de la littérature du terroir, parmi d’autres tendances visant à réexploiter la ou les région(s) québécoise(s)1, l’intérêt récent pour ce que l’on qualifiera provisoirement de « récit de chasse » ou « récit cynégétique2 » (re)place le rapport de prédation qui s’inscrit dans la pratique moderne de la chasse comme paradigme déterminant de la représentation du rapport humain/animal.

Dans le corpus québécois récent, on mentionnera les exemples de L’habitude des bêtes (2017) de Lise Tremblay, Sauvagines (2019) de Gabrielle Filteau-Chiba, Les crépuscules de la Yellowstone (2020) de Louis Hamelin – même si l’auteur aborde la chasse sous la focale du naturalisme scientifique au XIXe siècle – ou encore Les ombres filantes (2021) de Christian Guay-Poliquin. Force est de constater, comme Hervé et Lussier le remarquent en littérature française, que la mise en récit contemporaine de la chasse semble proposer une approche critique plus nuancée, à l’aune des théories antispécistes et de la fin de « l’exception humaine » (Schaeffer, 2007). Bien loin de la métaphore que l’on pouvait lire dans L’Élan d’Amérique (1972) d’André Langevin, ce faisceau d’oeuvres récentes confère une énonciation et met en récit une intériorité propres à l’animal, dans toute la concrétude du lien supposément mortifère qui le rapproche de l’humain lors de la saison de chasse.

On s’interrogera ainsi dans cette séance sur les différents modes et stratégies de représentation de la chasse et du rapport à l’animal qu’elle sous-tend dans le corpus québécois. Cette séance permettra de constater l’inscription de la pratique de la chasse dans le paysage littéraire québécois récent mais aussi d’évaluer les réappropriations et les renouvellements esthétiques qu’elle a pu occasionner au regard de la tradition : les propositions abordant des productions littéraires de toutes époques sont les bienvenues.

Voici une liste non exhaustive de pistes de réflexion qui pourront être abordées :
• La chasse : pratique sauvage ou civilisée ?
• Mythes et légendes autour de la chasse
• Discours éthiques et esthétiques sur la souffrance et la cruauté animales
• Cognitivisme et sentience animale
• Empathie et identification à l’animal
• Chasse et mercantilisation : l’économie cynégétique en région
• La chasse comme lien social
• Représentations du tourisme de la chasse
• La chasse : loisir ou pratique de subsistance ?
• Théories critiques en zoopoétique, zooféminisme ou études intersectionnelles
• La chasse et la masculinité
• La chasse comme métaphore sexuelle et la question du désir
• La chasse de l’animal : métaphore de la quête du sens
• La chasse comme pratique autochtone ou ouverture à l’Autochtone
• La chasse comme rencontre entre le Même et l’Autre
• La chasse : un retour aux origines ?
• Rapport entre chasse et carnisme
• La psychologie de la chasse : satisfaction, domination, obsession…
• Rapports de prédation, chaîne alimentaire et meurtre animal
• La chasse et le rapport à la légalité
• Language et terminologie de la chasse
• Frontières spécistes et métamorphose(s)
• La chasse comme pratique de régulation
• Chasse et domination du territoire
• Approches théoriques/génériques/comparatistes/diachroniques ou synchroniques

Pour cette séance, nous acceptons des propositions de communication en français. Les propositions, d’une longueur d’environ 250 mots, doivent indiquer le nom du/de la chercheur.e, son affiliation institutionnelle, son courriel, ainsi qu’une brève note biobibliographique. Les propositions sont à envoyer au plus tard le 1er mars 2022 par courriel à :

Julien Defraeye, St. Thomas University, defraeye@stu.ca
Scott Powers, University of Mary Washington, spowers@umw.edu

Les participants doivent être membres de l’ALCQ avant le 1er mars 2022. Veuillez consulter le site internet de l’ALCQ pour toute information concernant le processus d’adhésion ou d’inscription.

Bibliographie :
Filteau-Chiba, Gabrielle. Sauvagines. Montréal, XYZ, coll. « Romanichels », 2019.
Guay-Poliquin, Christian. « Raconter la chasse. Enjeux du récit cynégétique contemporain ». Thèse de doctorat. Université du Québec à Montréal. En cours.
Guay-Poliquin, Christian. Les ombres filantes. Montréal, La Peuplade, 2021.
Hamelin, Louis. Les crépuscules de la Yellowstone. Montréal, Boréal, 2020.
Hervé, Martin et Alexis Lussier. « Présentation », Études françaises, vol. 54, n°1 « Le regard et la proie », 2018, p. 5-11. Langevin, André. L’Élan d’Amérique. Paris, Le Cercle du Livre de France, 1972.
Schaeffer, Jean-Marie, La fin de l’exception humaine, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2007.
Tremblay, Lise. L’habitude des bêtes. Montréal, Boréal, 2017.

1 On notera surtout l’émergence d’un néo-terroir (ou « néoruralité », ou « posterroir ») depuis une quinzaine d’années, notamment par le biais du groupe dit « École de la tchén-ssâ » (parmi lesquels Samuel Archibald, Raymond Bock, William M. Messier, entre autres), tendance relevée par plusieurs chercheur.e.s (Melançon, Guay-Poliquin, Archibald, entre autres) et parallèle au phénomène qualifié de « démontréalisation » de la littérature québécoise.
2 À la suite de Christian Guay-Poliquin, dans sa thèse en cours à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM).