"De l'utope à la science-fiction. Voyage dans le cristal de George Sand". Conf. de Brigitte Diaz (en ligne)
DIRE a le plaisir d'accueillir la conférence de Brigitte Diaz, Professeure de littérature française, Université de Caen-Normandie
« La science comme fiction : le fantastique scientifique dans Laura. Voyage dans le cristal de George Sand »
Publié en 1864 dans la Revue des Deux Mondes, Laura. Voyage dans le cristal est une fiction à l’identité générique floue, difficilement classable dans les catégories romanesques du temps. Au sein de la production sandienne, cette œuvre s’inscrit dans le paradigme du « roman des sciences », ouvert dans les années 1860, dans lequel la romancière met en scène le personnel des savants et fait entendre les théories scientifiques du siècle (Jean de la Roche en 1859 ou Valvèdre en 1861), mais c’est toutefois comme un « conte fantastique » que Sand, dans sa correspondance, évoque ce court récit, dont elle a eu l’idée, dit-elle, à la suite d’une visite dans un cabinet de minéralogie. Le fantastique, en l’occurrence, c’est celui des sciences elles-mêmes, ou, plus exactement, du regard nouveau qu’elles invitent à porter sur une nature qui est le terreau même du mystère de la vie. Fable sur la science, sur ses pouvoirs, sur ses dangers, mais aussi sur son imaginaire, ce court récit préfigure les romans de « science-fiction », qui verront le jour dans les années 1860, comme le Voyage au centre de la terre de Jules Verne, qui paraît juste un an après Laura, et dont Sand trouve d’ailleurs qu’il a de bien curieuses analogies avec son propre roman.
Exploitant des schémas narratifs qui sont à la fois ceux du récit utopique – notamment le thème du voyage imaginaire dans des contrées fabuleuses – et ceux du conte fantastique – avec le brouillage des frontières entre conscience et onirisme – Sand invente avec Laura une nouvelle fiction des sciences, bien étrangère au roman « naturaliste » et au « roman expérimental » tel que le concevra un peu plus tard un Zola. Loin d’être le support et le garant apporté à une représentation idéologique du monde, la science est saisie par Sand comme un principe de questionnement qui ouvre à l’imagination de larges avenues, ce que suggère sa métaphore récurrente qui assimile la science à « une route partant du connu pour se rendre dans l’inconnu » (Nouvelles Lettres d’un voyageur).
Dans Laura, elle a mêlé aux dérives fantasmatiques d’un imaginaire tellurique déjà développé dans des œuvres précédentes, notamment dans L’Histoire du rêveur (1830), une méditation sur l’avenir de la science, les effets sur le monde naturel mais aussi la société qu’elle pourrait engendrer. Le voyage extraordinaire se mue sporadiquement en l’expérience dystopique d’une société totalitaire où tous les crimes sont autorisés au nom de la science. Dans ce voyage très hoffmanien au centre d’une géode d’améthyste, Sand tresse des fils narratifs très originaux, où utopie sociale et utopie scientifique se superposent dans une sorte de vertige poétique. C’est cet alliage, préfigurant d’une certaine façon la dynamique narrative du roman de science-fiction à venir, que cette communication se propose d’étudier.
Cette communication sera le dernier volet du colloque de 2021 organisé par Françoise Sylvos et intitulé "De l’utopie à la science-fiction. Imaginaire et fantastique".
Université de La Réunion, 7/12/2021
11H00, heure de Paris/14H00, heure de La Réunion
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https://univ-reunion-fr.zoom.us/j/89605169612?pwd=OG81T3BWWGhEZ2RZZm1NVzBOY3ZDQT09