Congrès de l’APELA
Université Cheikh Anta Diop (Dakar), les 2, 3 et 4 novembre 2023
Littératures africaines et écologie
Les questions environnementales sont un enjeu discret mais persistant du développement des
littératures africaines depuis le début de l’époque coloniale. Les menaces écologiques qui pèsent sur le
continent, à la suite du réchauffement climatique, des prédations extractivistes ainsi que des conséquences
des conflits armés, trouvent des répercussions fortes sur le plan littéraire. Il s’agira au cours de
ce congrès, qui se déroulera pour la première fois depuis la création de l’APELA sur le continent africain,
de montrer la pertinence des préoccupations environnementalistes des littératures africaines en lien
avec les grands défis contemporains à l’échelle mondiale.
L’imaginaire géographique qui accompagne depuis le XVIIIe siècle la pénétration européenne du
continent africain a donné lieu à un héritage critique partagé entre l’Europe et l’Afrique pour appréhender
les littératures du continent, dans leur versant oral comme écrit. Les études sur les littératures coloniales
ont très largement contribué à la prise en compte des enjeux spatiaux à propos de textes qui font
une large place aux paysages africains. Depuis une dizaine d’années, plusieurs colloques et journées
d’étude de l’APELA ont porté sur des questions spatiales, dans une optique géocritique. Le congrès de
2009 à Bayonne, sur « Littératures africaines et territoires » (publié chez Karthala en 2011), la journée
d’études « La question du paysage dans les littératures africaines » (dossier publié en 2015 dans la revue
Études Littéraires Africaines, n°39), ont permis d’aborder, de façon oblique, la question environnementale.
Le fait que cette problématique a surtout été abordée de biais nous invite à nous interroger sur ce
qui gêne l’émergence d’un discours écocritique pour le continent africain. L’assignation « primitiviste »
des peuples colonisés à leur milieu naturel dans l’idéologie coloniale en est peut-être une des raisons. Il
est à cet égard révélateur que si peu de travaux de recherche, qui se sont pourtant inscrits dans la mouvance
de la négritude, se soient intéressés aux poétiques générées par la revendication senghorienne
d’une civilisation nègre caractérisée par un grand respect de la nature.
L'ambition du colloque est donc de promouvoir une lecture des littératures africaines qui interroge le rapport au lieu et au vivant sous
toutes ses formes dans le contexte d’une prise de conscience de l’urgence écologique.
L’apport des études postcoloniales sur le plan méthodologique est ici important, notamment par
la façon dont elles ont contribué au « tournant spatial » dans les sciences humaines, par leur recherche
d’un décentrement épistémologique. Qu'en est-il des relations unissant humains et non-humains dans
des territoires qui ont été soumis à diverses formes de colonisations ? Quel rapport aux lieux cela entraîne-
t-il ? Comment le concept de « zone », décliné dans ses différentes qualifications – « zones critiques
», « zones sensibles », « zones à risques », voire, le plus médiatisé « zones à défendre » – peut-il
nous aider à lire les paysages et environnements affectés par une présence humaine prédatrice de nature
extractiviste ? Comment se déploie, dans la littérature, une "écologie du sensible" (Ingold) par le langage,
c'est à dire comment l'attention à un paysage – à sa beauté comme à sa dégradation – se manifestet-
elle poétiquement, que ce soit dans les textes écrits et publiés, ou dans des textes oraux et performés
(chansons, slams, contes, théâtre…) ? Quelles expériences vécues les textes littéraires engageant une
réflexion écologique traduisent-ils en termes de rythme et déplacements des personnages ou des narrateurs,
et en termes de musicalité (d'acoustique) ? Comment une dimension cosmologique s'articule-telle
aux questionnements écologiques ? Il importe en tous les cas d’envisager selon quels moyens littéraires les écrivains africains transforment leur conscience écologique en dynamiques créatrices.
Ce congrès sera également l’occasion d’étudier la participation de la création littéraire et artistique
aux luttes écologiques locales et globales. Sites miniers, lignes d’aridité, « grands projets inutiles »
(industriels ou touristiques), gestion des déchets et des hydrocarbures dangereux, crises de l’environnement
urbain sont autant de lieux ou de zones susceptibles d’être sollicités dans une perspective cosmopolitique.
L'attention aux récits et aux langages engageant le vivant et la nature intéresse plus largement
les sciences humaines et sociales, c’est pourquoi les contributions transdisciplinaires en dialogue avec
l’anthropologie, la géographie ou la philosophie seront les bienvenues.
Modalités de participation :
Les propositions de panels (quatre communications rassemblées au maximum) ou de communications
(titre et résumé d’une page maximum) sont attendues pour le 30 juin 2022 au plus tard, accompagnées
de vos nom, prénom, affiliation et contact électronique. La langue principale du congrès sera le français,
toutefois il est possible de proposer des communications et panels en anglais.
Veuillez adresser vos propositions à : apeladakar2023@gmail.com!
(Réponse le 15 septembre 2022)
Bibliographie indicative :
Caminero-Santangelo Byron, Different Shades of Green: African Literature, Environmental Justice, and Political
Ecology, University of Virginia Press, 2014.
Caminero-Santangelo Byron & Garth Myers, Environment at the margins: literary and environmental studies in
Africa. Athens (Ohio): Ohio University Press, 2011, 295 p.
Corntassel Jeff, « Re-envisioning resurgence: indigenous pathways to decolonization and sustainable self-determination
», Decolonization: Indigeneity, Education & Society, Vol. 1, No. 1, 2012, p. 86-101.
DeLoughrey Elizabeth & George Handley (eds.), Postcolonial Ecologies. Literatures of the Environment. Oxford:
Oxford University Press, 2011.
Escobar Arturo, Sentir-penser avec la Terre. L'écologie au-delà de l'Occident [2014]. Paris, Seuil, 2018.
Gómez-Barris Macarena, The Extractive Zone: Social Ecologies and Decolonial Perspectives. Durham, NC: Duke
University Press, 2017.
Guha Ramachandra and Joan Martinez-Alier, Varieties of Environmentalism: Essays North and South, London,
Earthscan, 1997.
Huggan Graham & Helen Tiffin. Postcolonial Ecocriticism. Literature, Animals, Environment. Abigdon, Oxfordshire
: Routledge, 2010.
Iheka Cajetan. Naturalizing Africa: Ecological Violence, Agency, and Postcolonial Resistance in African Literature.
Cambridge: Cambridge University Press, 2017.
Ingold, Tim. Marcher avec les dragons. Paris, Seuil, 2018.
Koto Yawo Mensah M. L’environnementalisme en Afrique francophone. La représentation de l’environnement
dans la littérature et le cinéma africains francophones au sud du Sahara. Göttingen : Cuvillier Verlag,
2016.
Lassi Étienne-Marie (dir.), Aspects écocritiques de l’imaginaire africain, Mankon Bamenda : Langaa Research
and Publishing, 2013.
Martinez-Alier Joan, The Environmentalism of the Poor: A Study of Ecological Conflicts and Valuation, Edward
Elgar, Cheltenham – Northampton, 2002.
McGiffin Emily, Of Land, Bones and Money. Toward a South African Ecopoetics, University of Virginia Press,
2019.
Nixon Rob, Slow violence and the environmentalism of the poor, Harvard University Press, Cambridge, 2011.
Vital Anthony. “Toward an African Ecocriticism: Postcolonialism, Ecology and Life & Times of Michael K »,
Research in African Literatures 39, 1, 2008, p. 87-106.
Comité d’organisation (co-organisation UCAD/Sorbonne Nouvelle): Mamadou Ba (UCAD), Emeline Baudet
(Sorbonne Nouvelle), Alice Chaudemanche (Sorbonne Nouvelle), Alice Desquilbet (Sorbonne Nouvelle), Alioune
Diaw (UCAD), Ibrahima Diouf (UCAD), Denis Assane Diouf (UCAD), Céline Gahungu (Sorbonne Nouvelle),
Xavier Garnier (Sorbonne Nouvelle), Coudy Kane (UCAD), Maëline Le Lay (CNRS), Bacary Sarr (UCAD), Serigne
Seye (UCAD).
Comité scientifique : Maria-Benedita Basto (Paris Sorbonne), Souleymane Bachir Diagne (Columbia University),
Babou Diène (U. Gaston Berger de Saint Louis), Cheikh S. Diop (U. Assane Seck de Ziguinchor), Amade Faye
(UCAD), Pierre Halen (U. de Lorraine), Kasereka Kavwahirehi (U. of Ottawa), Abdoulaye Keita (IFAN), Amadou
Ly (UCAD), Lydie Moudileno (U. of South California), Silvia Riva (U. de Milan), Cheick Sakho (UCAD), Phyllis
Taoua (U. of Arizona), Ibrahima Wane (UCAD).