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Artelogie, numéro spécial « Lautréamont le montévidéen »

Artelogie, numéro spécial « Lautréamont le montévidéen »

Publié le par Marc Escola (Source : Edgard Vidal)

Isidore Ducasse, plus connu sous son pseudonyme de comte de Lautréamont, est reconnu, depuis l’action des surréalistes, comme l’un des poètes français marginaux mais capitaux de la fin du XIXe siècle, au même titre qu’un autre jeune prodige, Arthur Rimbaud. Son œuvre, écrite en français, dialogue avec toute une tradition littéraire française malmenée par les sarcasmes du poète iconoclaste. Ceci suffirait presque à faire oublier qu’Isidore Ducasse, comme Laforgue et Supervielle après lui, n’est pas né en France mais en Uruguay, à Montevideo. Son père, François Ducasse, avait quitté sa Bigorre natale pour tenter sa chance en Amérique, comme nombre d’émigrés du Sud-Ouest de la France à l’époque. Peu à peu, il parvint à gravir les échelons d’une carrière diplomatique au consulat de France en Uruguay. À « Montevideo-la-coquette », comme il appelle sa ville natale, Isidore Ducasse a vécu la moitié de sa courte vie. Si son père n’avait décidé de l’envoyer en France suivre des études, Ducasse aurait peut-être laissé une œuvre poétique en espagnol. À la fin du Chant premier des Chants de Maldoror, il n’hésite pas en effet à revendiquer ses origines sur les rives du Rio de la Plata.

Une dédicace laissée par lui sur l’un de ses livres, une traduction de L’Iliade en espagnol, nous montre également qu’il maîtrisait les deux langues, ce qui explique, pour certains exégètes, quelques incorrections syntaxiques que l’on peut relever çà et là dans les Chants. Ainsi, depuis les travaux de Leyla Perrone-Moisés dans les années 1970, il n’est plus possible d’ignorer cette donnée qui avait trop longtemps été tue par la critique française : pour comprendre Lautréamont et son œuvre, il est nécessaire de prendre en compte sa double nationalité et son parcours d’enfant envoyé dans un pays qui n’est pas son pays natal, et où il devra, pour s’intégrer, refouler son identité uruguayenne et peut-être son bilinguisme. Mais que sait-on réellement, au juste, du rapport d’Isidore Ducasse, fils de diplomate bien intégré dans les cercles français, à l’Uruguay hispanophone et aux autres cultures qui se côtoient dans la Montevideo d’alors ?

La revue Artelogie consacrera son numéro à paraître à la fin de l’année 2022 à l’américanité d’Isidore Ducasse. Ce dossier se donne pour mission de documenter la partie uruguayenne de la vie du poète, la plus méconnue encore aujourd’hui.

Il s’agira notamment d’interroger les implications historiques et sociologiques, sociolinguistiques et psychologiques de la double appartenance culturelle du poète et de réfléchir à la manière dont il a pu assimiler la culture française, présente à Montevideo mais reçue de manière différée, puis découverte ensuite au collège et lors de son installation à Paris.

Artelogie se propose d’éclairer d’une lumière nouvelle la vie du poète pour sortir d’une approche trop souvent francocentrée en recherchant, dans le Montevideo de l’époque, les traces laissées dans l’œuvre d’Isidore Ducasse. L’objectif de la revue sera ainsi de multiplier les approches variées, s’ouvrant à toutes les disciplines, du moment qu’elles sont rigoureusement scientifiques et documentées et qu’elles permettent de mieux connaître Isidore Ducasse.

Cet ambitieux projet de reconstitution est pensé de manière transdisciplinaire. S’il s’appuie d’abord sur l’œuvre et la vie d’un poète franco-uruguayen, il s’agit surtout d’apporter des éclairages nouveaux, sociologiques, historiques ou autres, afin de reconstituer plus largement le contexte dans lequel a baigné Isidore Ducasse pendant les premières années de sa vie, années sur lesquelles on ne sait presque rien. Les recherches plus strictement biographiques (sur François ou Céleste Ducasse, leurs relations sociales à Montevideo ou Buenos Aires, ou, par exemple, sur les femmes enterrées avec François Ducasse sur lesquelles on ne sait rien), plus strictement littéraires (sur la littérature du Rio de la Plata par exemple), ou encore les contributions portant sur la réception sud-américain de l’œuvre d’Isidore Ducasse pourront naturellement trouver leur place dans ce numéro.

Propositions à adresser à kaes@wanadoo.fr avant le 1er mai 2022.