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Voix réduites au silence dans l'histoire : traduction, genre et (auto)censure (Tours)

Voix réduites au silence dans l'histoire : traduction, genre et (auto)censure (Tours)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Yekaterina García Márkina)

Université de Tours, les 13-15 juin 2022

À la suite de la journée d’études organisée à l’Université de Tours le 13 octobre 2020 intitulée « La traduction : un acte subversif ? Texte(s) et contexte(s) », ce colloque international vise à poursuivre l’exploration de la question de la traduction et de la censure, tout en se concentrant sur les résultats de recherche les plus récents liés à la traduction, au genre et à l’(auto)censure, que ce soit dans des contextes dictatoriaux ou « théoriquement » démocratiques. Dans la continuité des différents événements scientifiques organisés ces cinq dernières années autour de la traduction et de la censure (par ex. Universitat de València, 2017 ; Università degli Studi di Perugia, 2019) ou de la traduction et du genre (par ex. Université de Lyon, 2018-2021 ; Universidad de Córdoba, 2020 ; Universidad de La Plata, 2020 ; Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis/Université Paris Nanterre, 2020-2021), notre objectif est de proposer un colloque dans lequel la question de la traduction et de la censure prend en compte la perspective de genre.

Les études de genre dans le domaine de la traduction acquièrent une grande importance aux XXe et XXIe siècles, puisque la traduction et l'identité se trouvent intimement liées, dans la mesure où cette dernière y prolonge « son extension à travers la médiation linguistique jusqu'à l'altérité, l'Autre » (Martínez Pleguezuelos, 2018). Par conséquent, la construction de la condition de la personne ou de son identité sexuelle est constamment sujette à un processus de réécriture discursive (Lefevere, 1992), qui dépend de différents facteurs historiques et sociaux en lien avec une communauté donnée. La perspective de genre est apparue au milieu du XXe siècle dans les sciences humaines et sociales et s'est précisément présentée comme une nécessité en vue d'étudier les rôles sociaux de sexe et leurs implications économiques, politiques et culturelles dans l'organisation patriarcale de la société. Elle prétendait et prétend remettre en question cet ordre patriarcal, générateur d’injustices et de discriminations à partir de la différence sexuelle. Aujourd’hui, les mouvements féministes et LGBTIQ+ suscitent l’intérêt de la société pour la lecture d’œuvres étudiant cette réalité discriminatoire et pour la traduction d’écrivaines et d’écrivains appartenant à des « minorités » dissidentes ou en dehors de la norme et jusqu’alors (presque) méconnu.e.s. Dans les deux cas, nous nous trouvons face à des voix qui ont été réduites au silence et censurées tout au long de l’histoire à cause de questions politiques ou idéologiques.

En effet, la traduction de ces textes « périphériques » ou non canoniques (Even-Zohar, 1999 ; Casanova, 1999 ; Moretti, 2000 et 2003 ; Damorsch, 2003) joue un rôle fondamental dans la société, puisqu’elle permet la circulation d’idées entre des cultures différentes. Cependant, la tâche du traducteur ou de la traductrice peut être entravée par l’(auto)censure (Bourdieu, 2001) exercée pour des questions idéologiques, morales ou politiques. Dans certaines occasions, il peut s’agir d’une censure institutionnalisée, caractéristique de dictatures et d’autres systèmes politiques autoritaires, même si elle peut aussi apparaître dans des contextes démocratiques, de manière consciente ou inconsciente. Dans les deux cas, le traducteur ou la traductrice, pièce clé du processus, doit affronter le texte et essayer de le transposer au mieux, en étant conscient.e de tous les obstacles auxquels il ou elle doit faire face. La question du genre est particulièrement exposée à un type de censure visant un comportement transgressif qui déstabilise les valeurs politiques, religieuses et morales. En outre, d’autres types de censure peuvent exister à l’image d’une censure machiste particulièrement intolérante face à la moindre déviation de la part des femmes par rapport aux consignes officielles, ou d’une censure liée à la moralité sexuelle et en particulier à la sexualité ou à des pratiques sexuelles hors norme.

Axes de recherche envisagés (non exhaustifs) : 

- Traduction, genre et censure dans des contextes démocratiques ou dictatoriaux.
-Textes oubliés de thématique queer, féministe ou écrits par des femmes et récupérés plus tard grâce à la traduction.
- Textes de thématique queer, féministes ou écrits par des femmes déjà traduits mais partiellement censurés et retraduits plus tard (sans être censurés). 
- Textes de thématique queer, féministes ou écrits par des femmes qui ont été complètement censurés et retraduits des années plus tard.
- Autocensure de la part de l’autrice ou de l’auteur  ou de la part de la traductrice ou du traducteur.
- Rapport(s) entre autrice/auteur, traductrice/traducteur, éditrice/éditeur et censeur(e).
 
Modalités d’envoi de contributions :

Les propositions de communication devront comporter un titre, un résumé de 250 mots et une brève bio-bibliographie. Elles devront être déposées sur le site du colloque
Langues de communication : français ou espagnol.
Langues de travail : toute langue à condition que la langue source ou cible soit l'espagnol ou le français.

Calendrier :

Date limite de soumissions des propositions de communication : 10 janvier 2022.

Notification d’acceptation de propositions : fin février 2022.

Programme définitif à partir d'avril 2022.
 
Publication :

Publication des articles sélectionnés par le comité scientifique dans le numéro spécial 71(3) de la revue canadienne Meta : Journal des traducteurs (décembre 2026). Le numéro spécial sera publié entièrement en français.

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Bibliographie :

Baer, Brian James et Klaus Kaindl (eds.). Queering Translation, Translating the Queer. New York-Abingdon: Routledge, 2018.

Bourdieu, Pierre. Langage et pouvoir symbolique. Paris: Seuil, 2001.

Casanova, Pascale. La République mondiale des lettres. Paris: Seuil, 1999.

Damrosch, David. What is world literature? Princeton-Oxford: Princeton University Press, 2003.

Even-Zohar, Itamar. «La posición de la literatura traducida en el polisistema literario.» Dans Teoría de los polisistemas: Estudio introductorio, de M. Santos Iglesias (dir.), 223-231. Madrid: Arco, 1999.

Godayol, Pilar. Feminismos y traducción. Granada: Comares, 2021.

Godayol, Pilar et Annarita Taronna (eds.). Foreign Women Authors under Fascism and Francoism: Translation and Censorship. Newcastle: Cambridge Scholar Publishing, 2018.

Lefevere, André. Translation, Rewriting and the Manipulation of Literary Frame. London: Routledge, 1992.

LEGS et IRN World Gender. Dictionnaire du Genre en Traduction. 2021.

Llopis Mestre, Sara et Gora Zaragoza Ninet. «Censorship and Translation into Spanish of the Lesbian Novel in English: the case of Rubyfruit Jungle (1973).» n° 24 (2020): 353-374.

Martínez Pleguezuelos, Antonio Jesús. Traducción e identidad sexual. Reescrituras audiovisuales desde la Teoría Queer. Granada: Comares, 2018.

Massardier-Kenney, Françoise. «Towards a Redifinition of Feminist Translation Practice.» The Translator 3, n° 1 (1997).

Moretti, Franco. «Conjectures on World Literature.» New Left Review, n° 1 (2000): 65-76.

Moretti, Franco. «More conjectures on World Literature.» New Left Review, n° 20 (2003): 83-91.

von Flotow, Luise et Hala Kamal (eds.). The Routledge Handbook of Translation, Feminism and Gender. New York-Abingdon: Routledge, 2020.

Zaragoza Ninet, Gora et Sara Llopis Mestre. «The Unlit Lamp (1924): translation, reception and censorship.» Language and Intercultural Communication 21, n° 1 (2021): 37-54.