Journée d'étude
"Les enjeux mémoriels du portrait",
dans le cadre de la rétrospective de l'œuvre de Gilles Pandel ("Ce que je vis", 1981-2021),
en présence de l'artiste.
Cette manifestation scientifique clôt le cycle du programme sur l’« Invention des traces », qui s’inscrit dans le cadre du projet 2016-2020 « Temps-espace-matière » de l’unité de recherche PLH (Patrimoine, Littérature, Histoire). Tandis que les deux premières sessions ont été consacrées aux « Espaces de l’écrit » et que la troisième a porté sur les « Traces matérielles et sensibles », cette journée d’étude a pour sujet la fonction mémorielle du portrait qu’il soit public ou privé, peint, sculpté, photographique ou encore littéraire. Le portrait, polymorphe, répond à des demandes sociales et culturelles, et en tant que médium de la représentation, il fait partie du processus de communication. Si les intentions qui président à la confection d’une effigie sont plurielles, elles visent toutes à combattre la mort et l’oubli, en laissant une trace, pérenne, dans les mémoires.
Dès son origine, le portrait, en fixant les traits d’un individu, a un pouvoir mnémonique. L’anecdote de Pline sur l’invention à Corinthe du portrait en argile à partir d’un profil dessiné sur un mur le montre clairement. Le portrait a aussi une fonction de substitution dans la mesure où il rend l’absent présent, que l’absence soit momentanée ou définitive. Dans La Peinture, poème en trois chants avec notes, 1769, 5-6, Antoine-Marin Lemierre ne dit pas autre chose : « De la mort elle-même, il affaiblit les coups, et lorsqu’elle a rompu nos liens les plus doux, l’objet qui dans la tombe emporta nos hommages, reste encore près de nous et vit dans son image. »
Quelle que soit sa nature, le portrait a une valeur commémorative puisqu’il conserve les caractéristiques (physionomie, caractère) des femmes et des hommes après leur mort. Le portrait, littéraire ou plastique, en glorifiant l’individu, en célébrant ses hauts faits et ses vertus, l’érige en modèle pour les générations futures. A contrario le portrait à charge invite à ne pas suivre l’exemple de la personnalité représentée. Dès lors, on comprend bien que le portrait est tout sauf neutre, qu’il oriente le regard du spectateur ou du lecteur, et qu’il ne se borne pas à décrire ou à reproduire de manière servile des traits physionomiques. Il résulte au contraire d’un savant mélange entre ressemblance, idéalisation, esthétique.
Le portrait permet aussi la reviviscence puisqu’il peut présenter le défunt dans une posture suggérant qu’il est encore vivant. L’essor du portrait photographique post-mortem au XIXe siècle en est une parfaite illustration.
Si le portrait laisse une trace dans la mémoire individuelle ou collective, la destruction volontaire des effigies ou damnatio memoriae, ancrée dans les pratiques depuis l’Antiquité, ou la négation de l’existence d’une personne dans les textes, expriment le refus de mémoire en condamnant irrémédiablement un être à l’oubli.
Cette journée d’étude, dont l’approche est interdisciplinaire et transpériode, questionne les potentialités mémorielles du portrait qu’elles aient un impact positif ou négatif, en même temps qu’elle s’interroge sur son avenir à l’heure où, dans notre société, les supports de communication tendent à se dématérialiser.
Programme :
- Introduction, par Fabienne Bercegol et Estelle Galbois
- Céline Trouchaud (Université Toulouse Jean Jaurès), "Les portraits du Fayoum, veilleurs rêvés de la vie éternelle"
- Véronique Krings (Université Toulouse Jean Jaurès), "Les biographies d'antiquaires: un portrait idéal?"
- Michela Gardini (Università degli Studi di Bergamo, Italie), "Le portrait ou la mémoire cruelle"
- Bernard Vouilloux (Sorbonne Université), "La construction mémorielle des portraits dans l'Histoire de la Révolution française de Jules Michelet"
- Anne Geslin-Beyaert (Université Bordeaux Montaigne), "Le portrait contemporain et l'invention du visage"
- Philippe Ortel (Université Bordeaux Montaigne), "La mémoire affichée: enjeux du portrait de rue chez JR et Agnès Varda"
- Sophie Lécole-Solnychkine (Université Toulouse Jean Jaurès), "Concurrence des genres. Portrait, nu et paysage dans Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019)"
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