Le détour du comparant
Université de Rouen
15-17 juin 2022
Après le Parcours du comparant (2014), puis Le Retour du comparant (2016) le troisième colloque international proposé par l’Université de Rouen et le laboratoire CÉRÉdI appelle à reprendre les débats par Le Détour du comparant (2022).
Les finalités initiales demeurent les mêmes : démontrer qu’une histoire littéraire des métaphores est à la fois possible et hautement souhaitable, car pourvoyeuse de savoirs aussi précieux qu’inattendus ; faire dialoguer autour d’un noyau stylistique très répandu, et qui va de la comparaison motivée à la métaphore in præsentia, les spécialistes d’aires culturelles, de catégories génériques, mais surtout d’époques les plus divers ; mettre au jour, enfin, les liens parfois étonnamment flagrants, parfois seulement hypothétiques et appelant dès lors à de solides confirmations, qui peuvent se tisser entre la fréquence d’un comparant à un moment précis de l’histoire littéraire et l’imaginaire d’un auteur, d’un mouvement littéraire, voire de toute une époque. Qu’il suffise, sans convoquer à nouveau dans le détail de leur apport les signatures universitaires qui ont le plus inspiré cette démarche, de citer E.R. Curtius, J. Berchtold, S. Ballestra-Puech. Ce qui était valable pour l’étude d’un thème ou d’un objet littéral doit pouvoir l’être – l’expérience l’a d’ailleurs amplement prouvé – pour celle d’un élément figuré, et notamment analogique.
Pour ce troisième volet de l’entreprise, les organisateurs souhaitent combiner un approfondissement et un élargissement : si la connaissance de la littérature des siècles anciens ne doit cesser de s’affermir à la faveur de nouvelles contributions sur tel ou tel comparant antique non encore étudié sur la longue durée (et qu’il est possible d’emprunter notamment à l’univers minéral, végétal ou animal encore bien fertile), il sera fructueux d’offrir des aperçus précis sur les réalités du maniement littéraire des métaphores dans les domaines culturels encore peu frayés par les artisans successifs du Parcours, en l’occurrence ceux des pays anglo-saxons, germaniques et scandinaves en particulier, du Moyen âge à la modernité. Les auteurs imprégnés de culture luthérienne, calviniste ou plus généralement réformée ont fait l’objet de nombreux travaux monographiques ; la prégnance nettement plus forte du legs vétérotestamentaire, et le choix d’une certaine austérité d’expression qui fait fuir les chatoiements du baroque catholique méditerranéen semblent à première vue confirmés, mais est-ce à dire qu’il y aurait un ou plusieurs « comparant(s) » assignable(s) à une aire géographique, culturelle ou linguistique, ignoré, méconnu ou seulement non-utilisé par d’autres ? En outre, qu’il s’agisse de poésie, de dramaturgie ou de prose narrative, voire de prose non fictionnelle, comme le discours politique par exemple, l’usage de la comparaison appelle l’assentiment, surprend ou désarme l’opposition, séduit ou convainc, dans des détours qui sont parfois des dérobades ou des contournements habiles. Rien de plus difficile parfois à traduire que ce détour qui souffre mal le passage dans une langue étrangère.
Il serait également opportun d’intensifier la recherche – toujours diachronique et si possible sur plusieurs siècles, car là est la condition majeure d’un apport significatif à une histoire littéraire des motifs analogiques – en direction des pratiques humaines, qu’il s’agisse d’échange économique et marchand, de production agricole, artisanale ou industrielle, de coutume religieuse, civile ou militaire. Des études portant sur des motifs de comparaison comme de simples objets, de la charrue à l’encensoir en passant par le bâton de maréchal, la cornette de la religieuse ou le linceul du défunt seront particulièrement bienvenues.
La littérature foisonne de détails métaphoriques repris avec plus ou moins de netteté et de bonheur d’écriture, d’un auteur à l’autre avec plus ou moins d’actualité et de pertinence (il est dans les détours, des effets, voulus ou non, d’anachronisme), avec en tout cas la suggestion d’un amont intertextuel, d’un decorum, d’une conscience de ce « détour » qui vise à l’efficacité. Reconnu par l’auditeur, il construit une connivence qui n’est pas sans relation avec une forme d’autorité de la culture savante ; méconnu ou non-maîtrisé par celui à qui il s’adresse, le détour par l’analogie motivée se détourne de l’autre avec morgue, lui fait mesurer son ignorance. Et symétriquement, du côté des métadiscours, il n’est guère de spécialité séculaire ou thématique, voire générique, qui ne puisse pourvoir en abondance à une enquête sur ces translations analogiques durables qui fondent une culture autant qu’un usage de langue.
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Modalités de participation
Les propositions de communication (1500 caractères maximum) accompagnées d’une brève bio-bibliographie sont à envoyer à Xavier Bonnier et Florence Fix, jusqu’au 31 août 2021, à :