Colloque international
Écrivains polémistes et essais polémiques dans la littérature mondiale
20-22 octobre 2021 - Université Bordeaux Montaigne, Librairie Mollat.
Organisateurs :
Céline Barral (Université Bordeaux Montaigne, UR Telem > Plurielles)
Tristan Leperlier (CNRS, THALIM)
Appel à communications. Date limite : 15 juillet 2021.
Résumé (2000 signes) et courte bio-biblio à
celine.barral@u-bordeaux-montaigne.fr & tristan.leperlier@gmail.com.
Langues : français et anglais.
Conférence inaugurale : Gisèle Sapiro (CNRS/EHESS)
Comité scientifique :
Sarah Al Matary, MCF Université Lumière Lyon 2 (IHRIM) ;
Marc Angenot, PR émérite Université McGill ;
Céline Barral, MCF Université Bordeaux-Montaigne (TELEM) ;
Elara Bertho, Chargée de recherche CNRS (LAM) ;
Catherine Coquio, PR Université Paris Diderot (CERILAC) ;
Ève de Dampierre-Noiray, MCF Université Bordeaux-Montaigne (TELEM) ;
Jean-Paul Engélibert, PR Université Bordeaux-Montaigne (TELEM) ;
Tristan Leperlier, Chargé de recherche CNRS (THALIM) ;
Franco Moretti, PR émérite Stanford University/ Wissenschaftskolleg zu Berlin ;
Cédric Passard, MCF Sciences Po Lille (CERAPS) ;
Philippe Roussin, Directeur de recherche CNRS (CRAL) ;
Gisèle Sapiro, Directrice de recherche CNRS (CESSP), Directrice d’étude EHESS ;
Marie-Ève Therenty, PR Université de Montpellier (RIRRA21) ;
Laetitia Zecchini, Chargée de recherche CNRS (THALIM).
De Léon Bloy, Karl Kraus et Lu Xun, à Kamel Daoud, Arundhati Roy, Jonathan Franzen ou Elfriede Jelinek, la figure de l’écrivain polémiste, qui consacre une partie de son œuvre à la critique de l’actualité politique et culturelle de son temps dans les périodiques, traverse les âges, l’espace, et les opinions politiques. Si, pour la France, on peut la faire remonter aux libelles et mazarinades d’Ancien régime, cette figure s’est singulièrement affirmée depuis la libéralisation de la presse, la démocratisation de l’enseignement et la mise en place des régimes représentatifs modernes (Passard, 2015) qui ont permis aussi la « naissance de l’intellectuel » (Charle, 1990). L’écrivain polémiste met sa « colère lyrique » (Zola sur Jules Vallès) au service d’un engagement politique ou plus largement moral, celui de l’author activist (Arundhati Roy), mais aussi bien d’une dénonciation anti-intellectualiste (Al-Matary, 2019) et d’une critique interne du champ intellectuel (Kozan, 2017). Il fait de la réaction à l’actualité son activité régulière, publiant ses essais polémiques dans la presse, en revue et/ou en volumes (pamphlets, chroniques, éditoriaux, recueils...). Faisant partie du champ littéraire tout en en brouillant les frontières, l’écrivain polémiste a été distingué par Gisèle Sapiro (2018), pour la France du premier XXe siècle, d’autres types d’écrivains qui interviennent dans l’espace public – le notable, l’esthète, et les avant-gardes.
Ce colloque entend réfléchir à l’articulation entre littérature et politique en sortant l’essai polémique et l’écrivain polémiste de leur ancrage local et historique pour les placer dans la perspective de la littérature mondiale. Du fait de son inscription hic et nunc, l’essai polémique semble particulièrement inapte à y participer, c’est-à-dire à « circuler par-delà sa culture d’origine, soit en traduction soit dans sa version originale » (Damrosch, 2003). Et pourtant, ces écrivains circulent, ces écrits sont traduits. Quelles en sont les conséquences sur leur appartenance, litigieuse, au domaine littéraire ?
Variété internationale de la polémique et du polémiste
Kafka opposait dans son journal, le 25 décembre 1911, la centralité des querelles et conflits à sujets littéraires et politiques dans le paysage littéraire des petites nations, et la relégation de ceux-ci à la « cave » des grandes littératures. Les modalités mêmes de l’écriture polémique doivent avoir des définitions différentes selon les cultures : que devient l’argument ad hominem, élément central de définition de la polémique en Europe, dans les espaces qui ne fondent pas leurs traditions dans l’antiquité gréco-romaine ? Comment les différentes cultures pensent-elles cet espace lisière entre littérature, critique, journalisme, politique, en fonction de la place qu’elles accordent aux intellectuels (Charle, 1996) ? Comment l’écrivain polémiste articule-t-il ses différentes identités sociales, dans quelle mesure est-il reconnu comme faisant partie du champ littéraire ? Lorsque William Sassine publie ses « Chroniques assassines » depuis Conakry, il participe à la redéfinition d’une posture d’écrivain et journaliste engagé à l’intérieur d’un champ littéraire en reconfiguration, à l’interface de dynamiques locales et transnationales.
Circulation et construction internationales de genres et de postures ?
Des travaux sur la polémique ancrés dans des approches historiques (Robert, 2003), stylistiques (Kerbrat-Orecchioni, 1980), rhétorique ou judiciaire (Declercq & al., 2003 ; Albert & Nicolas, 2010) et de l’analyse de discours (Angenot, 1982, 2008 ; Amossy, 2014) ont déjà, marginalement, fait émerger des aspects transnationaux, liés notamment aux conflits religieux européens et à la transmission de modèles antiques ou modernes, voire de figures, comme Sir Bickerstaff emprunté à Swift par Steele (Lévrier, 2007) puis Paul-Louis Courier. Pascale Casanova (1999) et Franco Moretti (2000) ont montré chacun à leur manière que l’évolution des formes romanesques prenait sens dans un espace international hiérarchisé : les littératures nationales se construisent en fonction de formes ayant cours dans les centres littéraires mondiaux, selon des temporalités précises, et le plus souvent par des logiques d’hybridation. Ces analyses restent-elles valables pour l’essai polémique, qui a priori circule peu ?
Comme Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant s’en étonnaient au sujet du développement mondial de la presse au XIXe siècle (2010), les formes, postures (Meizoz, 2007) et logiques médiatiques de l’écrivain polémiste semblent à première vue étonnamment similaires et synchrones d’un bout à l’autre de la planète. Peut-on affirmer avec Arundhati Roy que « la mondialisation de la dissidence » est en route (Roy, 2020) ? Au début du XXe siècle le satiriste viennois Karl Kraus ironisait sur la « jaccusite » dont souffrait Maximilian Harden, l’éditeur de la revue berlinoise Die Zukunft. Sa propre revue, Die Fackel, croisait des inspirations étrangères – de La Lanterne de Henri Rochefort au Simplicissimus munichois –, et des modèles viennois, qu’il s’agisse de l’art oratoire du Burgtheater du XIXe siècle ou des feuilletons critiques (Le Rider, 2018). On pourra montrer comment des « modèles » étrangers et nationaux se croisent ou se contredisent, se déplacent en s’hybridant et en se traduisant ; mais on pourra également essayer d’observer la définition et l’élaboration de formes dites « nationales » de la polémique, la construction de certains traits comme modèles étrangers ou nationaux, à imiter ou à rejeter. Dans quelle mesure ont-ils contribué à l’émergence des littératures nationales (Thiesse, 2019) ? Des comparaisons plus structurales pourront être tentées : est-ce par homologie de positions que Karl Kraus et Lu Xun ont pu être qualifiés par leurs contemporains l’un de « Mencken autrichien », l’autre de « Mencken chinois » (Barral, 2015 ; Kozan, 2017) ?
Malentendus et jeux d’échelles
Quel effet produit l’internationalisation sur le polémiste et l’essai polémique ? Peut-on continuer en exil, hors de son pays voire hors de sa langue, une œuvre de polémiste ? Le polémiste est souvent un maître de la langue, voire un critique de celle-ci : pratiquant calembours, Witz et gloses linguistiques, il résiste à la traduction ; mais celle-ci peut aussi instrumentaliser la violence propre au texte du polémiste (Samoyault, 2020). Circulant sans son contexte (Bourdieu 2002), l’essai polémique est l’objet d’une réappropriation lors du « transfert » d’un contexte socio-historique à l’autre (Espagne, 1999). Certains débats perçus comme venant des États-Unis, sur le féminisme ou le racisme, clivent les écrivains français, comme Virginie Despentes d’une part et un « néo-réactionnaire » (Durand et Sindaco, 2015) comme Richard Millet d’autre part. Écrivant depuis l’Algérie, mais sur une situation européenne, l’écrivain Kamel Daoud s’est trouvé propulsé en 2016 au centre de vifs débats en France, à la suite d’un échange de tribunes avec des chercheurs en sciences sociales (Le Monde, 10 février 2016). Dans ce cas, c’est également la place des écrivains dans les sociétés, la valeur de la parrhêsia et leur légitimité à s’exprimer sur l’actualité politique qui est en jeu.
L’internationalisation confère parfois à l’écrivain polémiste la dimension d’un « dissident » s’adressant à l’« opinion publique mondiale » (Weltöffentlichkeit), au risque de rendre illisible la position polémique initiale de l’écrivain (Liao Yiwu par exemple à l’égard des exilés de 1989), ou d’araser la complexité des rapports de pouvoir locaux, comme chez l’écrivain algérien Rachid Boudjedra pendant la guerre civile des années 1990 (Leperlier, 2018). La polémique est-elle la préparation, l’ombre ou le négatif du discours universaliste ? Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix en 2010 pour son implication dans la Charte 08, a été d’abord le « cheval noir » de la critique littéraire chinoise des années 1980-1990, très polémique envers la culture mémorielle de son époque, et qui déplorait « l’étroitesse de l’horizon de l’intellectuel chinois » et son manque d’accès à l’universel.
L’internationalisation relance l’évaluation de certaines œuvres, comme celles de Louis-Ferdinand Céline (Kaplan 1987 ; Kaplan & Roussin 1994 ; Roussin, 2005) ou de Peter Handke, sur lesquelles le « jugement esthète » et le « jugement moral » s’affrontent (Sapiro, 2020). En intervenant sur le contenu, la forme (recueil…), ou le paratexte, les écrivains (ou leurs ayant-droits), mais encore les intermédiaires et les médiateurs culturels contribuent à politiser ou au contraire à dépolitiser l’œuvre traduite et importée (Popa, 2010). Tout comme le texte de l’écrivain polémiste peut être placé en pleine lumière à l’étranger pour l’intérêt que suscitent son sujet et ses prises de position, au risque d’une surpolitisation, il peut aussi, au contraire, être littérarisé lorsqu’il change de lieu, de langue, d’échelle, au risque de sa dépolitisation.
Horizons locaux de la littérature mondiale
La visée de ce colloque est d’envisager les perspectives de renouvellement théorique que ces figures et écrits intempestifs, grouillant dans les bas-fonds de l’extrême local, et leur circulation problématique, peuvent apporter aux théories de la littérature mondiale, et à notre conception de la littérature en général. Nous tendrons à la littérature le miroir de cette écriture « réfractaire et réfractrice » (Denis Labouret, in Declercq & al., 2003).
Seront donc attendues des études de cas (étude d’œuvre, de traductions, de trajectoire d’écrivain…) aussi bien que des propositions de théorisation, de cartographie ou de modélisation de la circulation de l’essai polémique et des écrivains polémistes dans l’histoire. Si la période privilégiée est le long vingtième siècle, des études sur d’autres époques pourront être considérées. Il s’agira enfin de faire dialoguer les études françaises sur cette question avec des approches et des situations venant du monde entier.
(Bibliographie après le texte anglais)
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International Conference
Polemicist Writers and Polemical Essays in World Literature
20-22 October 2021 - Bordeaux-Montaigne University
Organizers:
Céline Barral (Bordeaux Montaigne University / UR Telem > Plurielles) and
Tristan Leperlier (CNRS / Thalim)
Call For Proposals. Deadline: 15th July 2021
Please send an abstract (300 words) and a short bio to celine.barral@u-bordeaux-montaigne.fr &
tristan.leperlier@gmail.com.
Languages: French and English.
Scientific Comitee:
Sarah Al Matary, Marc Angenot, Céline Barral, Elara Bertho, Catherine Coquio, Ève de Dampierre-Noiray, Jean-Paul Engélibert, Tristan Leperlier, Franco Moretti, Cédric Passard, Philippe Roussin, Gisèle Sapiro, Marie-Ève Therenty, Laetitia Zecchini.
Keynote: Gisèle Sapiro (CNRS/EHESS)
From Léon Bloy, Karl Kraus and Lu Xun, to Kamel Daoud, Arundhati Roy, Jonathan Franzen and Elfriede Jelinek, the figure of the polemicist writer who devotes a part of her or his work to criticizing the political and cultural current events of their time in the periodicals, appears to be beyond time, space, and political stances. In France, this figure can be traced back to the libels and mazarinades of the Ancien Régime, but it has been singularly consolidated since the liberalization of the press, the democratization of education, and the establishment of modern representative regimes (Passard, 2015) also allowing for the “birth of the intellectual” (Charle, 1990). The polemicist writers deploy their “lyrical anger” (Zola on Jules Vallès) towards political or more generally moral commitment (as an Author activist, Arundhati Roy), but also for an anti-intellectualist denunciation (Al-Matary, 2019), or an internal critique of the intellectual field (Kozan, 2017). They regularly publish their reactions to the news, publishing their polemical essays in the press, in reviews and/or volumes (lampoons, columns, editorials, collections...). Being part of the literary field while blurring its borders, the polemicist writer has been distinguished by Gisèle Sapiro (2018) in France at the turn of the twentieth century apart from other types of writers intervening in the public sphere - the notable, the aesthete, and the avant-garde.
This conference intends to reflect on the articulation between literature and politics by taking the polemical essay and the polemical writer out of their local and historical anchorage and placing them in the perspective of world literature. Because of its hic et nunc inscription, the polemical essay seems particularly unfit to participate in it, that is, to “circulate beyond their culture of origin, either in translation or in their original” (Damrosch, 2003). And yet, these writers circulate, these writings are translated. What are the consequences on their contentious belonging to the literary domain?
International Variety of the Polemic and the Polemicist
In his diary entry on December 25, 1911, Kafka contrasted the centrality of quarrels and conflicts on literary and political subjects in the literary landscape of the small nations, and the relegation of these to the “cellar” of the great literatures. The very modalities of polemical writing must have different definitions according to the cultures: what happens to the ad hominem argument, a central element of polemical definition in Europe, in those spaces that do not base their traditions in Greco-Roman antiquity? How do the different cultures think about this liminal area between literature, criticism, journalism and politics, according to the place they give to intellectuals (Charle, 1996)? How does the polemicist writer articulate his different social identities, and to what extent is he recognized as part of the literary field? When William Sassine publishes his “Chroniques assassines” from Conakry, he participates in the redefinition of a posture of a committed writer and journalist within a literary field in reconfiguration, at the interface of local and transnational dynamics.
International Circulation and Construction of Genres and Postures?
Works on polemics rooted in historical (Robert, 2003), stylistic (Kerbrat-Orecchioni, 1980), rhetorical or judicial approaches (Declercq & al, 2003; Albert & Nicolas, 2010) and discourse analysis (Angenot, 1982, 2008; Amossy, 2014) have already, marginally, brought out transnational aspects, linked in particular to European religious conflicts and the transmission of ancient or modern models, or even figures, such as Sir Bickerstaff borrowed from Swift by Steele (Lévrier, 2007) and then Paul-Louis Courier. Pascale Casanova (1999) and Franco Moretti (2000) have each shown in their own way that the evolution of novelistic forms makes sense in a hierarchical international space: national literatures are constructed according to the forms in use in the world’s literary centers, according to precise temporalities, and most often through hybridization logics. Do these analyses remain valid for the polemical essay, which a priori don’t circulate much?
Parallel to this global development of the novel, as well as of the press in the nineteenth century (Thérenty &Vaillant, 2010), one can observe, at first glance, a surprising similarity and synchronicity of the forms, postures and the media’s logics of the polemical writer across the globe. Can we affirm with Arundhati Roy that “the globalization of dissent” is underway (Roy, 2020)?
At the beginning of the 20th century, the Viennese satirist Karl Kraus sarcastically wrote about the “jaccusitis” (from famous Zola’s J’accuse) under which Maximilian Harden, the editor of the Berlin magazine Die Zukunft, was suffering. His own magazine, Die Fackel, mixed foreign inspirations - from Henri Rochefort’s La Lanterne to the Munich Simplicissimus -, and Viennese models, be it the oratory art of the nineteenth-century Burgtheater or the critical feuilletons (Le Rider, 2018). It can be shown how foreign and national “models” intersect or contradict each other, move through hybridization and translation; but one can also observe the definition and elaboration of so-called “national” forms of polemics, the construction of certain features as foreign or national models, to be imitated or rejected. To what extent did they contribute to the emergence of national literatures (Thiesse, 2019)? More structural comparisons could be attempted: is it by homology of positions that Karl Kraus and Lu Xun could be qualified by their contemporaries as one of “Austrian Mencken”, the other of “Chinese Mencken” (Barral, 2015; Kozan, 2017)?
Misunderstandings and Games of Scale
What effect does internationalization have on the polemicist and the polemical essay? Can one continue to be a polemicist in exile, outside one’s country or even outside one’s language? The polemicist is often a master of language, even a critic of it: practicing puns, Witz and linguistic glosses, they resist translation; still the latter can also instrumentalize the violence specific to the polemicist’s text (Samoyault, 2020). Circulating without its context (Bourdieu 2002), the polemical essay is the object of a reappropriation during the transfer from one socio-historical context to another. Certain debates perceived as coming from the United States, on feminism or racism, divide French writers, such as Virginie Despentes on the one hand and a “neo-reactionary” intellectual (Durand and Sindaco, 2015) like Richard Millet on the other. Writing from Algeria, but about a European situation, the writer Kamel Daoud found himself propelled in 2016 to the center of heated debates in France, following an exchange of columns with social scientists (Le Monde, February 10, 2016). In this case, it is also the place of writers in societies, the value of parrhesia and their legitimacy to express themselves on current political events that is at stake.
Internationalization sometimes gives the polemicist writer the dimension of a “dissident” addressing “world public opinion” (Weltöffentlichkeit) at risk of rendering the writer’s initial polemical position illegible (Liao Yiwu, for example, with regard to the exiles of 1989), or of erasing the complexity of local power relations, as in the case of the Algerian writer Rachid Boudjedra during the civil war of the 1990s (Leperlier, 2018). Are polemics the preparation, the shadow or the negative of universalist discourses? Liu Xiaobo, winner of the Nobel Peace Prize in 2010 for his involvement in Charter 08, was initially the “dark horse” of Chinese literary criticism in the 1980s-1990s: highly polemical towards the memorial culture of his time and deploring the “narrowness of the Chinese intellectual’s horizon” and his lack of access to the universal. The internationalization revives the evaluation of certain works, such as those of Louis-Ferdinand Céline (Kaplan, 1987; Kaplan & Roussin, 1994; Roussin, 2005) or of Peter Handke, upon whom “aesthetic” and “moral” judgments clash (Sapiro, 2020). By intervening in the content, the form (collection...), or the paratext, writers (or their successors) as well as intermediaries and cultural mediators contribute to politicizing or, on the contrary, depoliticizing the translated and imported work (Popa, 2010). Just as the polemicist writer’s text can be placed in the spotlight for the interest its subject and polemical stances generate, at the risk of over-politicization, it can also, on the contrary, be “literalized,” that is, considered as literature, when it changes location, language, and scale, at the risk of its depoliticization.
Local Horizons of World Literature
The aim of this conference is to consider the perspectives of theoretical renewal that these untimely figures and writings, swarming in the dodgy area of the extreme local, and their problematic circulation, can bring to theories of world literature, and to our conception of literature in general. We will hold up the mirror of this “refractory and refracting” writing to literature (Denis Labouret, in Declercq & al., 2003).
We will expect case studies (study of works, translations, writer’s trajectory...) as well as proposals for theorizing, mapping or modeling the circulation of polemical essays and polemical writers in history. If the privileged period is the long twentieth century, studies on other periods could be considered. The aim will be to bring together researchers coming from the French studies with researchers specialized on other regions of the world.
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Bibliographie :
Al-Matary, Sarah, La Haine des clercs : l’anti-intellectualisme en France, Paris, Seuil, 2019.
Amossy, Ruth, Apologie de la polémique, Paris, PUF, 2014.
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Angenot, Marc, Dialogues de sourds. Traité de rhétorique antilogique, Mille et une nuits, 2008.
Barral, Céline, Le « tact » des polémistes : Karl Kraus, Charles Péguy, Lu Xun, trois œuvres de polémiste du local au mondial, thèse de l’Université Paris 8, 2015.
Bourdieu, Pierre. « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées ». Actes de la recherche en sciences sociales, n° 145, 2002, p. 3‑8.
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Liu Xiaobo, Vivre dans la vérité, éd. Geneviève Imbot-Bichet, tr. collective, Paris, Gallimard, Bleu de Chine, 2012.
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Samoyault, Tiphaine, Traduction et violence, Paris, Seuil, 2020.
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Sapiro, Gisèle, Peut-on dissocier l’œuvre de l’auteur ?, Paris, Seuil, 2020.
Thérenty, Marie-Eve et Vaillant, Alain (dir.), Presse, nations et mondialisation au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éd., 2010.
Thiesse, Anne-Marie. La Fabrique de l’écrivain national. Entre littérature et politique, Paris, Gallimard, 2019.