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La performance dans les Amériques : de 1950 à nos jours (La Rochelle)

La performance dans les Amériques : de 1950 à nos jours (La Rochelle)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Mélanie Barlot)

APPEL À COMMUNICATIONS

Colloque International

La performance dans les Amériques : de 1950 à nos jours

Université de La Rochelle - 18-19 novembre 2021

  

Keynote speakers :

·         Jorge Dubatti, Universidad de Buenos Aires

·         Janet McCabe, Birkbeck, University of London

·         Ellen McCracken, University of Santa Barbara

  

Le colloque international « La performance dans les Amériques » invite à s’interroger sur la notion de « performance » et celle, souvent considérée comme connexe, de « performativité » (des corps, du genre, du discours) au travers de ses multiples dimensions (artistique, sociale, linguistique, économique) dans l'aire culturelle des Amériques contemporaines et ultra-contemporaines. Les notions de « performance » et de « performativité » sont de plus en plus usitées et leurs multiples acceptions en font des concepts qui dépassent les clivages disciplinaires. La première, historique et longtemps associée à l’avant-garde artistique et aux Arts dits performatifs émergents dans les années 50 et 60, a remplacé, notamment en français, la notion de « représentation » théâtrale ou scénique, renvoyant de manière générique à une dynamique interpersonnelle : la performance renvoie à la « mise en scène » individuelle ou collective d’acteurs-trices / performeurs-euses face à un public / spectateur-trice dans un lieu / espace et une situation prédéterminée, qu’elle soit représentation sur scène, spectacle de rue, happening ou simple interaction sociale.

L’association des deux notions, notamment dans l’aire culturelle et linguistique des Amériques, permet néanmoins de déployer leurs potentialités sémantiques et de dépasser le seul domaine des Arts du spectacle ou de la scène (ex : les catégories de performance de Schechner). Dans un premier temps, est performance toute mise en scène de soi (Goffman) ou mise en scène et en discours de revendications / positionnements politiques (voir par exemple, le performative environmentalism). Est performance, également, tout acte ou discours « performatif » / performé qui produit un « effet » ou provoque une réaction au moment où il se déroule ou est énoncé, la performativité étant prise pour ce qui est en train de se produire, et ce qui est mis / traduit en action ou mis en discours (voir l’énonciation performative austinienne ou la notion de re-enactement dans l’Art contemporain) et qui change la réalité énoncée, jouée ou perçue.

Dans le domaine de l’Art et des Arts du spectacle, la nature même de la performance évolue via les nouvelles technologies (installations interactives, projections, environnements immersifs…) qui démultiplient les « effets de présence » et de « réel » (Féral), les effets de « déréalisation » et les corps pixellisés, « technologisés » auxquels le corps réel se confronte et se mesure. Ces nouvelles modalités permettent de voir la performance comme le lieu d’interaction entre l’humain et la machine.

Le domaine de la mode et du costume, qui s’hybride avec celui des Arts performatifs, n’est pas en reste. Depuis la fin des années 1990, le défilé de mode est une performance au sein de laquelle le vêtement est tout à la fois œuvre d’Art, prototype, métalangage sur le corps, la chair et le vêtement, toile de projection, work-in-progress, telle la robe en toile sur laquelle deux robots projettent de la peinture lors d’un défilé d’Alexander McQueen en 1998. L’on peut également citer les défilés de Marc Jacobs, où les mannequins se mêlent au public (voir le Spring Summer Runway 2020), les auditeurs en ligne pouvant émettre leurs commentaires sur Youtube en simultané. Le défilé est bien plus qu’une parade ou qu’un show, mais une expérience immersive au sein de laquelle la trame du vêtement se tisse et prend sens tout en défilant (sur le runway et via le « fil » des commentaires des auditeurs). Le vêtement de mode, ou le vêtement de la rue, fait sens au contact d’un corps mais aussi d’un lieu et d’un public. De manière générale, le vêtement permet de performer le genre et l’identité ou, au contraire, la revendication d’une absence d’identité et la neutralité du genre (gender neutral ou inclusive clothing). Mais, qu’il soit style de rue, prêt-à-porter ou de haute couture, il est également le lieu où se performent « les identités politiques, le pouvoir et l’autorité, mais aussi des sujets et victimes de ces pouvoirs » (Behnke).

Plus généralement, on désigne aussi par performance toute action relevant de l’« exploit », et parfois dans des termes moins avantageux, visant à « attirer l’attention », renvoyant également à l’effet, plus ou moins performatif, quantifiable ou qualifiable, produit sur autrui : aux États-Unis le sport est une performance qui relève d’une mythographie et d’une liturgie (Novak) car elle met un public en émoi à la fois dans le spectacle et le spectaculaire de son déroulement et dans les résultats qu’elle produit ou que l’athlète / l’équipe achève, que le résultat soit immatériel (victoire, record) ou matérialisé dans l’objet-trophée, l’objet-médaille, l’objet-coupe.

Dans le domaine économique, la performance se mesure en termes d’objectifs chiffrés, de rendement, et donne lieu à un résultat mesurable qualitativement et / ou quantitativement (performance organisationnelle, performance sociale des entreprises, performance environnementale, etc.) et qui donne lieu à une forme de reconnaissance sociétale ou de récompense ou, au contraire, d’indifférence, de mépris ou de perte de reconnaissance voire de déclassement (under- ou poor performance).

Sur le plan politique, la performance est également questionnée. Discours politiques, postures individuelles des dirigeants en responsabilité (ou des opposants, des ONG), actions gouvernementales tant au niveau national qu'international (au sein des institutions d'intégration régionale, des institutions onusiennes, des sommets internationaux, du G20, etc.) dans des temporalités et/ou des lieux divers, expriment des modes et des types de performances protéiformes. Ces performances auront, ou n’auront pas, un fort impact sur les enjeux liés au multilatéralisme dans un contexte de mondialisation, sur les questions environnementales, questionnant de fait la performance démocratique de l’aire culturelle des Amériques.

Force est de constater, donc, que l’association des notions de performance et de performativité dépasse largement le cadre que lui avaient fixé les artistes d'« avant-avant- garde » des années 70 (Goldberg). Si la performance a longtemps présenté des invariants comme l'« anticonformisme », le désir de « briser les barrières » et d'enjoindre le public à « revoir sa position par rapport aux arts et à la culture » (Goldberg), elle a aussi des variables et, dans un contexte de circulation des objets culturels et des pratiques et d'éclatement des frontières entre disciplines, est en mouvement constant.

C’est ce que montrent par exemple les théories de la cognition ou de la psychologie cognitive et notamment l’approche socio-matérielle selon laquelle la connaissance, la représentation et la perception ne relèvent pas de la seule approche rationnelle du cerveau humain mais de l’« entre-deux » entre une situation, des circonstances, des objets et des acteurs (action située de Suchman, enaction de Francisco Varela, théorie des affordances de Gibson, etc.). Les récents travaux autour du concept du Applied Theatre ou Applied Drama (Nicholson, Delgado) montrent notamment que le théâtre pratiqué « hors les murs » ou dans les espaces non conventionnels, tels que les prisons, les institutions spécialisées ou patrimoniales, a pour objectif clairement défini de profiter directement aux personnes, aux communautés et aux sociétés qui en sont spectatrices.

Ce sont ces invariants, mais surtout ces variables, que le colloque souhaite mettre en avant afin d'établir une grille de lecture de la performance issue d'une approche à la fois herméneutique et heuristique. Enfin, le colloque « La Performance dans les Amériques » interroge également la manière dont on peut penser et mesurer la performance dans les Amériques et la dynamique transculturelle, transnationale, et transmédiale à l’œuvre, à savoir comment la performance voyage et les transformations qui s’opèrent lorsque l’on passe d’une aire culturelle à une autre, d’un médium à un autre, d’un « acteur » à un autre.

D’un point de vue contextuel, ce colloque prétend également explorer et étayer l’hypothèse selon laquelle les Amériques seraient le territoire privilégié de l’émergence et du recyclage de la performance telle qu’on entend le phénomène aujourd’hui. En effet, si cette technique d’expression artistique voit le jour avec les avant-gardes historiques en Europe (Goldberg), cet Art vivant s’engage, à partir de la fin des années trente, dans une dynamique et un déploiement interdisciplinaire qui renouvellent de façon inédite les Arts dits performatifs (danse, musique et théâtre). En Amérique du Nord, cette tendance se manifeste dans l’expressionnisme abstrait et l’un de ses courants picturaux, l’Action Painting, qui privilégie l’acte de peindre et non le rendu final. Apparu dans les années 40, l’expressionnisme abstrait a une influence déterminante sur les artistes tout au long du 20e siècle, comme le groupe pluridisciplinaire Fluxus ou la chorégraphe Martha Graham, mais aussi sur les Arts performatifs de manière générale. En revanche, pour l’Amérique latine prise dans la spirale de plusieurs crises politiques, économiques et sociales à partir de 1930, le recours à la performance artistique est un pied de nez à des gouvernements qui ne se donnent plus comme priorité de financer les Arts et la culture. Pour terminer, rappelons que si l’actuelle crise pandémique a touché de plein fouet les Arts performatifs du monde entier, elle a accéléré, chez les praticiens d’Amérique latine, la prise de conscience de la nécessité de continuer à « digitaliser » leurs performances et de les adapter à l’environnement numérique (Arancibia), afin de se faire connaître en dehors des circuits traditionnels de diffusion internationale.

 

Les communications pourront porter sur les axes suivants, non exclusifs, et dont la liste n’est pas exhaustive :

  • Culture visuelle (télévision, Arts visuels, cinéma, Internet et nouvelles technologies)

  • Culture matérielle (objets du quotidien, productions culturelles, environnement matériel)

  • Arts mimétiques performés et arts performatifs : spectacle vivant (musique, danse, théâtre), littérature (en ligne), peinture, installations, happenings

  •  Performance et performativité vestimentaires (défilés de mode, défilés-spectacles, styles de rue, gender neutral clothing…)

  • Performance et performative environmentalism

  • Performance, économie et travail

  • Performance et (géo)politique

  •  Transmédialité, transnationalisme et transculturalité

 

Au carrefour de plusieurs disciplines (Sociologie, Études Nord-Américaines, Études Latino-Américaines, Études Filmiques, Études culturelles, Études de genre, Sciences Politiques, Arts, Media Studies, Fashion Studies, Performance Studies, Théâtrologie, Humanités Numériques, Management, Economie,…) et de diverses approches théoriques, ce colloque invite donc les chercheurs à penser performance et performativité au regard des enjeux socioéconomiques et culturels contemporains et ultra-contemporains des Amériques.

 

Conçu comme une « conférence-performance » (Athanassopoulos), ce colloque se déroulera dans une typologie variée de lieux (amphithéâtres, salles et salles virtuelles, salles de spectacle) dans le but d’alterner communications « classiques » et communications- performances ou performances narratives. Des artistes-performers interviendront.

Le colloque donnera lieu à une, voire deux publications pluridisciplinaires.

 

Les propositions de communication (400 mots) et une courte bio-bibliographie (250 mots) sont à envoyer conjointement à Elodie Chazalon (elodie.chazalon@univ-lr.fr), Cécile Chantraine-Braillon (cecile.chantraine_braillon@univ-lr.fr) et Mélanie Barlot (melanie.barlot@etudiant.univ-lr.fr) pour le 30 juin 2021.

 

Comité scientifique :

  • Kim Akass, Rowan University, USA

  • Cécile Chantraine-Braillon, La Rochelle Université 

  • Elodie Chazalon, La Rochelle Université

  • Jocelyn Dupont, Université de Perpignan

  • Georges-Claude Guilbert, Université Le Havre-Normandie 

  • Fatiha Idmhand, Université de Poitiers

  • Jeanne Lallement, Université de La Rochelle 

  • Ellen McCracken, University of Santa Barbara 

  • Eric Monteiro, Université de La Rochelle 

  • Mario Županović, University of Zadar

  • Clara Bonet, Universidad Católica de Valencia

 

https://perfam.hypotheses.org/

Partenaires : Institut des Amériques, La Rochelle Université, Maison des Etudiants (Espace Culture), UFR FLASH, Licence et Master LEA, Licence Lettres, IUT de La Rochelle, Projet région ESNA, CRHIA (Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique), Fédération du Numérique, CIEL, SPI (Service des Pédagogies Innovantes)