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Contre la poésie, la poésie (Liège, en ligne)

Contre la poésie, la poésie (Liège, en ligne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Stéphane Cunescu)

COLLOQUE « CONTRE LA POÉSIE, LA POÉSIE »

UNIVERSITÉ DE LIÈGE, les 17, 18 et 19 juin 2021

Lien public pour suivre le colloque : 

https://stream.lifesizecloud.com/extension/9455991/010dd996-3a84-4c44-ac8a-8b66554bddaf

 

Haine de la poésie : tel est le titre emprunté à Bataille et donné par des poètes à un volume d’essais poétiques paru en 1978 chez Christian Bourgois. Ce titre, volontairement polémique, pour un ouvrage qui réunit des écrits de poètes, invite à poser la question des critiques de la poésie. Contrairement aux travaux effectués dans le champ des études théâtrales sur la « haine du théâtre » (François Lecercle), il n’est pas question ici d’interroger les condamnations extérieures au champ poétique, mais bien les controverses internes : non pas les contempteurs de la poésie, mais les animosités de poètes envers la poésie elle-même, ou ses avatars.

 Les contributions de Mathieu Bénézet, Franck Venaille et Bernard Noël à l’ouvrage Haine de la poésie proposent une première interprétation de cette expression : la poésie y est associée à un mensonge fait à soi-même, une sorte de mirage vain auquel le poète (dont l’identité est par là-même remise en cause) s’efforcerait de croire, au même titre que la religion, par exemple. On interrogera, dans cette perspective, le rapport du poète à son œuvre : quelle posture adoptent les poètes vis-à-vis de leur entreprise poétique ?

Contre la poésie : adversative, la préposition contre exprime aussi la proximité, voire l’intimité. Qu’est-ce qui a pu amener la poésie à se positionner contre la poésie – tout contre elle ? Que se cache-t-il derrière le mot poésie quand on s’oppose à elle ? Ne s’oppose-t-on pas davantage à des types de poésie, à des personnes, à des définitions, plutôt qu’à la poésie elle-même ?

Les avant-gardes poétiques du XXe et XXIe se sont construites dans une opposition à la poésie (pré-)existante. En 1918, Tristan Tzara proclamait dans le deuxième manifeste Dada : « Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructifnégatif à accomplir ». La virulence du propos - et de l’entreprise dadaïste en général- devait placer les avant-gardes de ce début de siècle sous le signe de la révolte et du dégoût - même si l’émergence du surréalisme témoigne d’une poésie qui concilie esprit de révolution et élaboration d’un système de pensée, capable de féconder des formes poétiques nouvelles.

Sur le plan formel, la révolution poétique opérée par le « Coup de dés » mallarméen, a ouvert la voie à des explorations typographiques et visuelles qui marquent profondément l’histoire de la modernité poétique, et font exploser les unités traditionnellement constitutives du poème que sont la ponctuation, la strophe et le vers. Les calligrammes d’Apollinaire font fi de la linéarité, les livres de poésie d’Orange Export Ltd. accordent une place considérable à l’espace blanc, la concrete poetry élabore des poèmes visuels qui s’offrent à l’œil comme des œuvres plastiques, Michèle Métail trace des poèmes topographiques, qui se lisent comme des cartes, Suzanne Doppelt accompagne ses textes de créations visuelles qui viennent interrompre le fil de la lecture poétique.    

Le désir de rupture a également mené à une exploration de différents medium poétiques, posés comme des réponses —ou réactions— à l’hégémonie de la poésie livresque. Contre l’espace du livre, se développent les expérimentations de la poésie sonore (Bernard Heidsieck, Christophe Tarkos), les lectures de poètes (Gwenaëlle Stubbe), les performances poétiques (Julien Blaine, Caroline Bergvall), ou encore les expérimentations poético-musicales menées à l’IRCAM par Laure Gauthier.

Le lyrisme est, lui-aussi, la cible d’attaques répétées. La poésie objectiviste américaine, dans son effort tendu vers une objectification du poème, ouvre la voie, en France, à une poésie sans accent poétique (Hocquard). Le concept de modernité négative forgé par Emmanuel Hocquard dans la Bibliothèque de Trieste synthétise les refus qui caractérisent une partie de la poésie française à partir années 1970.  Contre un certain lyrisme basé sur la métaphore et l’image s’impose une poésie littérale. Cette modernité apophatique, contemporaine des Language poets aux Etats-Unis, développe une poésie grammaticale, qui cherche à s’affranchir des normes langagières, jugées normatives et apoétiques. Ces poétiques, qui se définissent par un écrire contre (Gleize), rassemblent poètes et antipoètesd’horizons divers, et donnent naissance à des œuvres qui se lisent comme autant d’entreprises de transgression : Le Renversement de Claude Royet-Journoud, Césure d’Anne-Marie Albiach, Le mécrit de Denis Roche (précédé de Lutte et rature), les Povrésies de Jude Stéfan (témoignage de sa « Poésie-pire », qu’il qualifie aussi de « poésie-contre »), etc.

Autant de poétiques de rupture (Laurent Jenny), de reconfigurations des écosystèmes poétiques, de questions posées à la poésie sur sa propre nature, de remise en cause de l’existence d’une « essence » poétique, de casse-têtes définitionnels…

Si la formule de Bataille, reprise par des poètes, a donné naissance à cette réflexion, il ne s’agira pas de s’interroger sur l’œuvre de Bataille ou le contexte théorique de celle-ci, mais plutôt d’élargir la question du rapport conflictuel de la poésie à elle-même à un contexte qui dépasse celui de la poésie française de la seconde moitié du XXe s, et ne se limite pas à un groupe de poètes. Reposer la question de la nature du poétique, par le biais de ce qui s’est opposé à elle, au sein même d’un champ que l’on voulait, nommait poétique. On le comprend, ce colloque ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la nature du fait poétique – et à cet égard, les travaux de Jean-Marie Gleize sur la sortie de la poésie et la postpoésie restent décisifs.

*

JEUDI 17 JUIN 2021 

13h  Ouverture du colloque : Martine Créac'h (Université Paris 8), Gérald Purnelle (Université de Liège)

13h30- 15h   Haines de la poésie (modération : Martine Créac'h)

Stéphane Cunescu (Université de Liège - Paris 8) : « Parricides pour d'autres formes. Franck Venaille écrit contre les pères. »

Nicolas Servissole (Université Paris 8) : « Jude Stéfan tragique mais. Poésie contre : poésie malgré. »

Michel Aulas (Université Paris 8) : « Aux origines de la haine de la poésie (Georges Bataille). » 

15h30- 16h30  Au cœur de la poésie : la contradiction ? (Modération : Gérald Purnelle)

Pamela Krause (Sorbonne Université – Université catholique de Louvain) : « Éloges de la haine : le cancer ‘romantico-lyrique’ de Francis Ponge. »

Alexandre Battaglia (Université Paris 8) : « Patrick Wateau : un penseur privé de la poésie. »

20h      Soirée de lectures et performances à la Maison de la poésie de Paris

Avec Michèle MétailJacques DemarcqLaure GauthierPierre Vinclair et Lisette Lombé

Soirée en présentiel et retransmission en direct sur la chaîne Youtube de la Maison de la Poésie 

(plus d'informations : https://www.maisondelapoesieparis.com/events/contre-la-poesie-la-poesie/)

 

VENDREDI 18 JUIN 2021 

10h – 11h « Stratégies de distanciation » (Modération : Stéphane Baquey)

Lénaïg Cariou (Université Paris 8) : « Théâtraliser le poème ? Orange Export Ltd. et la démarche hocquardienne. »

Nassif Farhat : « Renoncer le poème. Trois mots sur Phrase de Philippe Lacoue-Labarthe. »

11h30 - 12h30  L’obstacle au poème   (Modération : Stéphane Cunescu)

Philip Mills (Université de Lausanne) : « Franchir la résistance — ou plutôt la non-résistance, d'abord, ‘du langage poétique’. »

Adel Habbassi (Université de Tunis El Manar) : « La parole poétique de Mohammed Khaïr-Eddine, ‘un acte qui n’a ni nom ni qualificatif’. »

14h30 -16h Critiques politiques du fait poétique (Modération : Michel Delville )

Solène Méhat (Université Paris 8) : « Nécessité et impossibilité de la poésie chez les poètes autochtones écrivant aux Etats-Unis et au Chili. »

Stéphane Nowak  : « Sylvain Courtoux et les éditions Al Dante : postures, positions, affrontements. L’art de désigner l’ennemi. »

Milena Arsich (Université de Strasbourg) : « Contre la poésie institutionnalisée :  la démarche désacralisante de Dmitri Prigov. »

16h30 - 17h30 "Contre la poésie, les poètes ?"

Table-ronde avec Laure Gauthier, Jacques Demarcq, Lisette Lombé et Pierre Vinclair 

(Modération : Stéphane Cunescu et Lénaïg Cariou)

 

SAMEDI 19 JUIN 2021 

10h - 11h30 Post-poésie : contre-poésie ? (Modération : Abigail Lang)

Jeff Barda (Université de Manchester) : « Est-ce de la poésie ou autre chose ? »

Antoine Hummel (Université Polytechnique des Hauts de France) : « La question-de-la-poésie, site épistémique de la modernité poétique. »

13h30 – 14h30 Contre le texte poétique, la poésie multimédiale (Modération : Lénaïg Cariou)

Coral Nieto Garcia (CRAL- EHESS) : « La poésie de Laure Gauthier comme un film du hors-chant entre les mots. »

Michel Delville et Livio Belloï (Université de Liège/ FNRS/UR Traverses/CIPA) : « Tom Philips : la poésie contre le roman contre la poésie. »

15h Fin du colloque

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Universités organisatrices : Université Paris 8 et Université de Liège.

En partenariat avec la Maison de la poésie (Paris).

Comité d’organisation : Martine Créac’h (Université Paris 8), Lénaïg Cariou (Université Paris 8), Gérald Purnelle (Université de Liège), Stéphane Cunescu (aspirant FNRS -Université de Liège).

Comité scientifique : Martine Créac’h (Université Paris 8), Gérald Purnelle (Université de Liège), Anne Gourio (Université de Caen), Abigail Lang (Université Paris 7), Vincent Broqua (Université Paris 8), Jean-François Puff (Université de Cergy), Stéphane Baquey (Université Aix-Marseille), Anne-Christine Royère (Université de Reims), Michel Delville (Université de Liège).

Poètes présent·es : Michèle Métail, Laure Gauthier, Lisette Lombé, Pierre Vinclair, Jacques Demarcq.

Contact : colloquecontrelapoesielapoesie@gmail.com.