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Appels à contributions

"Entendu ou malentendu ?" Journée d’étude du laboratoire ICTT d'Avignon Université

Publié le par Marc Escola (Source : Charles Louarn)

« Entendu ou malentendu ? »

Journée d’étude, laboratoire ICTT, Avignon Université, 

Jeudi 21 et vendredi 22 avril 2022 

Appel à contributions


Argumentaire

De nombreuses méthodes de communication liées au langage sont utilisées quotidiennement. Par langage, il est entendu ici : une expression de la pensée ou une communication entre deux entités. Il existe de nombreuses formes de langage différentes comme, par exemple, l'oralité, la corporalité, l'iconographie ou encore le codage informatique. Ces méthodes sont efficaces dans la majorité des cas sans problème de compréhension entre les deux entités qui communiquent. En revanche, que faire lorsque le langage utilisé ne communique pas intelligiblement le message voulu ? D’où proviennent ces « pannes de communication » ? Comment en identifier la cause (locuteur, interlocuteur, contexte) ? Quelles sont les stratégies pouvant être adoptées pour rectifier la communication après un malentendu ? Les malentendus issus de ces pannes de communications sont-ils uniquement inconscients ? Peuvent-ils être établis intentionnellement ? Si oui, à quelles fins ? 

Nombreux sont les linguistes qui ont contribué à l’étude du malentendu, incluant Katie Bernstein (2016), Maria Stubbe (2010); Juliane House (2003), et Angliki Tzanne (2000). Ce qui permet d’établir une classification des différents types de malentendus, décrite par Dominique Garand dans Figures et usages du malentendu (2019). Ainsi, les malentendus pragmatiques sont causés par un problème de relation ou de reconnaissance réciproque. Les malentendus sémantiques sont fondés sur des faits de langue tels que les problèmes acoustiques ou la polysémie des mots. Les malentendus discursifs et coupures cognitives sont quant à eux causés par de la confusion entre les genres de discours, par l’imprécision ou la mise en contradiction des règles, ou par la rigidité du cadre interprétatif.  

Le malentendu est un élément bien connu des enseignants et des apprenants de langues secondes. Quelles méthodes peuvent être mises en place pour permettre la réduction des difficultés de communication entre les apprenants et les natifs de la langue étudiée ? Dans l’enseignement des langues secondes, l’importance a toujours été mise sur l’amélioration de la parole des apprenants afin de rendre leurs interactions plus efficaces. Depuis quelques années, l’importance du rôle de l’interlocuteur dans les interactions, ainsi que la possibilité de les entraîner à mieux écouter des accents divers, deviennent de plus en plus reconnues (Tracey Derwing & Murray Munro 2014). Comment expliquer l’influence des préjugés et des expériences de vie sur la capacité d’un interlocuteur à comprendre le locuteur ? La capacité à comprendre l’accent du locuteur entre-t-elle en jeu dans le malentendu ? Comment apprendre à devenir un meilleur interlocuteur ?

Le malentendu est aussi un outil littéraire avec un potentiel créatif illimité, récurrent dans les œuvres culturelles, cinématographiques et artistiques, et dans la culture populaire à travers l’histoire, attirant l’attention de nombreux spécialistes en littérature. À titre d’exemple, Katarzyna Izdebska (2016) analyse les effets du malentendu sur les relations entre les personnages dans les pièces de théâtre de Brian Friel, et Ahmed Mohamed (2009) étudie le malentendu et les problèmes dialogiques dans la pièce de théâtre Oleanna (1992) de David Mamet. Il est alors utilisé comme un outil de narration qui affecte les récits de différentes manières. Il peut provoquer un effet humoristique avec l’utilisation de quiproquos, comme fait Oscar Wilde dans l’Importance d’être constant (1895), ou avec des jeux de mots comme dans la scène célèbre de l’appel téléphonique dans Le Dîner de cons (1998) écrit et réalisé par Francis Veber. Le malentendu peut créer un effet conflictuel, comme dans le film Premier Contact (2016) réalisé par Denis Villeneuve, dans lequel un manque de compréhension d’une langue extraterrestre mène presque à une guerre mondiale. L’ambiguïté dans des œuvres littéraires peut mener à des interprétations divergentes par le lecteur ou le public et peut être employée intentionnellement afin d’évoquer le mystère. Cette technique littéraire se prête particulièrement bien à la poésie et est employée par de nombreux poètes, comme Keats, par exemple, dans Lamia et Ode sur une urne grecque (1820). Dans La mort de l’auteur, Barthes soutient que les lecteurs d’une œuvre littéraire devraient la séparer de son créateur afin de la libérer d’une interprétation prédéfinie. Faut-il qu’un créateur donne toutes les clefs de son œuvre pour qu’elle soit entendue ? Qu’implique alors cet état de fait pour les œuvres dites « politiques » ? Dans quelle mesure est-il pertinent de parler d'un effet positif ou négatif du malentendu dans le cadre de la création artistique ?
 
En ce qui concerne les œuvres soumises à une traduction, le traducteur a la lourde tâche d’être le messager entre deux interlocuteurs qui ne parlent pas la même langue. Les intentions du créateur peuvent-elles être perdues ou modifiées lors d’une traduction ? La traduction permet-elle de mettre en avant de nouvelles interprétations non présentes dans la langue d’origine d’une œuvre ? L’adage italien « traduttore, traditore » (traducteur, traître) suggère que la traduction est par définition une distorsion du sens original, ce qui est indéniablement le cas pour les mots ou expressions considérés “intraduisibles”.

Dans un monde de plus en plus numérique et interculturel, de nouveaux contextes de malentendus peuvent émerger. Ce phénomène est fréquent, notamment sur les réseaux sociaux comme sur Twitter, par exemple, où la brièveté prend parfois le dessus sur la clarté. Le travail à distance reposant sur de la communication numérique est aussi parfois un lieu de malentendus (P.E Brewer, 2010). Les interactions faites sans visioconférences, se font sans langage corporel. La visioconférence, bien que faisant perdre une partie du langage non verbal, permet d'établir un contact visuel entre les interlocuteurs. Sur les réseaux sociaux, l’utilisation d’emojis sert à compenser le manque d’expressions corporelles dans les interactions sociales. Sont-ils appropriés à d’autres contextes ? Ne peuvent-ils pas être eux-mêmes source de malentendus (Miller & al. 2017) ? Notamment dans le cas d’interactions interculturelles ? Et que dire du rôle des nouvelles technologies de la réalité dite « étendue », en particulier les promesses de la réalité virtuelle dans la communication post-Covid ? 
 
Comme le rappellent Stéphanie Demoulin et al. (2009) dans Intergroup Misunderstandings les malentendus peuvent également provenir de problèmes sociétaux plus graves tel que la discrimination, l’intolérance envers l’autre, ou le conflit interculturel, par exemple. Malgré l’aspect indésirable du malentendu dans ces situations, des bénéfices peuvent-ils en résulter ? Ces malentendus peuvent-ils faire naître de nouvelles perspectives ? Chez le locuteur, l’interlocuteur ou le chercheur ? Une meilleure compréhension du phénomène du malentendu, grâce à l’identification des causes, peut-elle permettre de contribuer à la construction d’une société plus ouverte et tolérante ? 

Ces journées d’études invitent non seulement les chercheurs des disciplines discutées en détail ci-dessus, mais également ceux provenant d’autres disciplines qui pourraient contribuer à une discussion riche et pluridisciplinaire autour du sujet du malentendu, y compris, mais sans s’y limiter, les humanités, les sciences, les sciences sociales, et l’informatique. 

Axes thématiques

Ces journées d’études des 21-22 avril 2022, organisées par les doctorants du laboratoire ICTT à Avignon Université, invitent les chercheurs à faire part de leurs réflexions sur le sujet du malentendu. Sans s’y limiter, les propositions peuvent porter sur :

1.      Le malentendu et la linguistique

2.      Le malentendu et les langues (apprentissage et traduction)

3.      Le malentendu et les arts (littérature, arts visuels, arts plastiques et arts du spectacle)

4.      Le malentendu et les humanités (philosophie, histoire, études de genres, science politique…)

5.      Le malentendu et les sciences sociales

6.      Le malentendu et les sciences (mathématiques, physique, chimie, biologie...)

7.      Le malentendu et le numérique (réseaux sociaux, nouvelles technologies)

8.      Le malentendu et l'informatique (codage)

Modalités de participation

Nous demanderons aux candidat.e.s de bien vouloir fournir les éléments suivants avant le 10 décembre 2021 :

·         Une proposition comportant un titre et un résumé (150-300 mots en français, en anglais ou en espagnol)

·         Une courte présentation ou biographie du candidat.e et de ses recherches en cours (env. 150 mots en français ou en anglais)

·         Une bibliographie comportant au maximum 15 références.

·         Les auteur.e.s des propositions de contribution sont prié.e.s d’envoyer celles-ci sous format .doc ou .pdf aux adresses suivantes : rhian-holly.wolstenholme@alumni.univ-avignon.fr et charles.louarn@alumni.univ-avignon.fr

 Publication

 Une sélection des communications sera publiée dans le prochain numéro de la revue Sphères (https://ictt.univ-avignon.fr/spheres/), qui a pour objectif depuis 2013 de diffuser les travaux des doctorants et jeunes chercheurs participant aux journées d’études organisées par les doctorants du laboratoire Identités Culturelles, Textes et Théâtralités (ICTT). Les publications peuvent être en français, en anglais, ou en espagnol.

Bibliographie indicative

Barthes, R. (1968). La mort de l’auteur, Mantéia, Paris

Bernstein, K. A. (2016). “Misunderstanding” and (mis)interpretation as strategic tools in intercultural interactions between preschool children. Applied Linguistics Review, 7(4), 471–493. 

Brewer, P. E. (2010). "Miscommunication in International Virtual Workplaces: A Report on a Multicase Study". IEEE Transactions on Professional Communication, 53(4), 329–345.

Clément, B. & Escola, M., Le Malentendu. Généalogie du geste herméneutique, P.U. Vincennes, "La philosophie hors de soi", 2003.

Demoulin, S., Leyens, J.-P., & Dovidio, J. F. (2013). Intergroup Misunderstandings: Impact of Divergent Social Realities. Psychology Press

Derwing, T. M., & Munro, M. J. (2014). 10. Training Native Speakers to Listen to L2 Speech. In Social Dynamics in Second Language Accent (pp. 219–236). De Gruyter Mouton. 

Garand, D. (2009). "Figures et usages du malentendu". Protée, 37(1), 87–101.

House, J., Kasper, G., & Ross, S. (2014). Misunderstanding in Social Life: Discourse Approaches to Problematic Talk. Routledge.

Izdebska, K. (2016). Communication and miscommunication in Brian Friel’s dramatic visions of human relationships. Thèse.

Miller, H., Kluver, D., Thebault-Spieker, J., Terveen, L., & Hecht, B. (2017). "Understanding Emoji Ambiguity in Context: The Role of Text in Emoji-Related Miscommunication". Proceedings of the International AAAI Conference on Web and Social Media, 11(1), Article 1.

Mohammed, A. S. M. (2009). "Dialogic Problems and Miscommunication: A Study of David Mamet’s Oleanna". The Journal of American Drama and Theatre, 21(3), 49-70,83.

Stubbe, M. (2010). “Was that my misunderstanding?” Managing miscommunication and problematic talk at work. Thèse.

Tzanne, A. (2000). Talking at Cross-purposes: The Dynamics of Miscommunication. John Benjamins Publishing.