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"Chacun est un monde en soi. Chacun porte en soi un monde entier, un monde en désordre". Colloque international sur l’œuvre de Shumona Sinha (Passau)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Marina Ortrud Hertrampf et Diana Mistreanu)

« Chacun est un monde en soi. Chacun porte en soi un monde entier, un monde en désordre ».

Colloque international sur l’œuvre de Shumona Sinha

avec la participation de l’autrice

27-29 juillet 2023, Université de Passau

 
Appel à communications

Née en 1973 à Calcutta – la ville de Tagore et le chef-lieu du Bengale-Occidental – et originaire ainsi d’un véritable « atelier du monde » (Éric Paul Meyer, 2019, 205), Shumona Sinha, s’est établie en France en 2001, devenant l’une des « étrangères de Paris », pour reprendre l’expression de Florence De Chalonge (2020, 281). Sans être la seule autrice d’origine indienne qui écrit en français – car il suffit de penser à Toru Dutt, poétesse bengalie du XIXe siècle, ou aux contemporains Pradip Choudhuri, Kichenassamy Madavane et Stephan Van Puyvelde pour trouver d’autres exemples – Shumona Sinha occupe un espace singulier sur la scène littéraire de notre époque.

Son œuvre est couronnée de plusieurs prix (notamment le Prix Populiste en 2011 et le Prix Valery-Larbaud en 2012 pour son deuxième roman, ainsi que le Grand Prix du Roman de la Société des gens de lettres et le Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie française en 2014 pour son troisième roman) et traduite en plusieurs langues (anglais, allemand, italien, arabe, hongrois).

En Allemagne, Shumona Sinha, dans la traduction ingénieuse de Lena Müller, s’est surtout fait connaître en recevant le Prix international de littérature de la Maison des cultures du monde de Berlin en 2016. La même année, elle a également été écrivaine en résidence à la Literaturhaus de Zürich et, en 2017, autrice invitée au Literarisches Colloquium de Berlin. À l’exception de son premier roman, tous ses livres ont également été traduits en allemand. En outre, Assommons les pauvres ! a été adapté pour la scène à plusieurs reprises (par ex. par Anne Lenk au Thalia Theater de Hambourg et par Zino Wey au Residenztheater de Munich).

Sa création romanesque, composée jusqu’à présent (février 2022) de cinq livres – Fenêtre sur l’abîme (2008), Assommons les pauvres ! (2011), Calcutta (2014), Apatride (2017) et Le testament russe (2020) – appartient à la production littéraire féminine contemporaine qui continue de se développer et que Christelle Reggiani (2020, 426-431) place entre deux dates symboliques, la mort de Roland Barthes le 26 mars 1980 et l’éclatement en 2017 de l’affaire Harvey Weinstein. « Femmes écrivant en français » (Rice 2020, 516) pour les uns, « Françaises d’adoption » (De Chalonge 2020, 283) pour les autres, ou encore, si leur conversion à la langue française s’est faite tardivement, écrivain(e)s « exophones » (Zach 2014) ou « translingues » (Ausoni 2018) – c’est-à-dire francophones sans enfance, les écrivaines qui viennent d’ailleurs constituent un corpus hétéroclite, mais elles ont souvent en commun une personnalité remarquable (De Chalonge 2020, 266). Leurs écrits sont les manifestations de ce que Margarita Alfaro Amieiro, Stéphane Sawas et Ana Belén Soto Cano appellent la « xénographie féminine » (2019), à savoir une production littéraire qui appartient à des femmes migrantes et qui se définit par la rencontre et la mise en scène de l’altérité, sous ses nombreuses manifestations (linguistiques, culturelles, artistiques, idéologiques, sexuelles, etc.). Avec leur place privilégiée dans la littérature contemporaine, les xénographies entraînent de nouvelles façons de penser les relations entre les différents espaces et identités qui constituent notre monde.

En effet, ce dernier s’inscrit avant tout dans l’œuvre de Shumona Sinha à travers une série de métamorphoses : d’abord poète d’expression bengalaise – lauréate du Best Young Poet Award du Bengale-Occidental – autrice d’anthologies et traductrice de poésie, Shumona Sinha devient romancière de langue française. Ensuite, sa création romanesque relève de ce que le critique littéraire Adam Kirsch appelle « le roman global » (2017), qui conçoit le monde comme un réseau d’espaces et de personnages interconnectés et met en scène des problématiques d’actualité. Celles qui sont représentées dans l’œuvre de Shumona Sinha concernent notamment la migration féminine dans le contexte politique de la fin du deuxième et du début du troisième millénaire, ainsi que la condition des exilés et des réfugiés. Ces thématiques rendent compte de la tendance de la littérature contemporaine, documentée par Alexandre Gefen dans son essai Réparer le monde. La littérature française face au xxie siècle (2017), à prendre en charge les problèmes du monde actuel pour souligner le besoin de ce dernier d’être régénéré.

À la lumière de ces observations, nous invitons les chercheuses et les chercheurs qui s’intéressent à l’œuvre de Shumona Sinha à présenter leurs travaux lors du premier colloque international consacré à son œuvre. Quelques-unes des pistes et thématiques envisagées (liste non limitative) pourraient être les suivantes :

– lectures féministes, postcoloniales, décoloniales et politiques de l’œuvre de Shumona Sinha ;

– approches psychanalytiques de son œuvre ;

– exploration des figures et expériences de migration féminine, et de la mise en scène du cosmopolitisme des personnages féminins ;

– analyse des processus de (re-)construction de l’identité des personnages féminins ;

– analyse théorique ou empirique des processus cognitifs (mémoire, raisonnement, imagination, émotions, perception, etc.) représentés dans les textes ou suscités par leur lecture ;

– exploration des usages et représentations du corps ;

– approches intertextuelles : les relations entre l’œuvre de Shumona Sinha et les littératures française et indienne, mais aussi les autres littératures du monde ;

– lectures géocritiques/géopoétiques : usages du temps et de l’espace ;

– analyse des traductions des romans de Shumona Sinha ;

– analyse des techniques narratives et des particularités linguistiques et stylistiques de son œuvre exophone.

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Les résumés, d’environ 300 mots, accompagnés d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer d’ici le 15 septembre 2022 à Marina Ortrud Hertrampf (marina.hertrampf@uni-passau.de).

Les avis du comité scientifique seront transmis en novembre 2022.

La publication des actes du colloque est prévue pour 2024.

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Comité d’organisation

Prof. Marina Ortrud Hertrampf et Dr. Diana Mistreanu
 
Comité scientifique

Prof. Béatrice Bloch, Université de Poitiers

Prof. Guillaume Bridet, Université de Bourgogne

Prof. Sylvie Freyermuth, Université du Luxembourg

Prof. Alexandre Gefen, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3

Prof. Timea Gyimesi, Université de Szeged

Prof. Dirk Weissmann, Université Toulouse II Jean Jaurès

Prof. Jean-Michel Wittmann, Université de Lorraine

Laurențiu Zoicaș, Maître de conférences, Université de Bucarest

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Ouvrages cités
 
Amieiro, Alfaro, Stéphane Sawas et Ana Belén Soto Cano (2019) : Xénographies féminines dans l’Europe d’aujourd’hui, Bruxelles : Peter Lang.

Ausoni, Alain (2018) : Mémoires d’outre-langue. L’écriture translingue de soi, Genève : Slatkine Érudition.

De Chalonge, Florence (2020) : « Le roman des romancières. 1914-1980 », in : Martine Reid (éd.) : Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II. XIXe-XXIe siècle. Francophonies, Paris : Gallimard, 263-376.

Gefen, Alexandre (2017) : Réparer le monde. La littérature française face au xxie siècle, Paris : José Corti.

Kirsch, Adam (2017) : The Global Novel. Writing the World in the 21st Century, New York : Columbia Global Reports.

Meyer, Éric Paul (2019) : Une histoire de l’Inde. Les Indiens face à leur passé, Paris : Albin Michel.

Reggiani, Christelle (2020) : « Depuis 1980 », in : Martine Reid (éd.) : Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II. XIXe-XXIe siècle. Francophonies, Paris : Gallimard, 426-472.

Rice, Alison (2020) : « Francophonies », in : Martine Reid (éd.) : Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II. XIXe-XXIe siècle. Francophonies, Paris : Gallimard, 473-533.

Sinha, Shumona (2008) : Fenêtre sur l’abîme, Paris : La Différence.

Sinha, Shumona (2011) : Assommons les pauvres !, Paris : L’Olivier.

Sinha, Shumona (2014) : Calcutta, Paris : L’Olivier.

Sinha, Shumona (2017) : Apatride, Paris : L’Olivier.

Sinha, Shumona (2020) : Le testament russe, Paris : Gallimard.

Zach, Matthias (2014) : « Extraterritoriality, Exophony and the Literary Text », in : Lassalle, Didier et Weissmann, Dirk (éds.) : Ex(tra)territorial : Reassessing Territory in Literature, Culture and Languages, Amsterdam-New York : Éditions Rodopi, 217-230.