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LE DERNIER LIVRE DE LA BIBLIOTHÈQUE. Une histoire du poème en prose, par Michel Murat


Cet article a paru dans Le Savoir des genres, sous la direction de Marielle Macé et Raphaël Baroni, Presses Universitaires de Rennes, « La Licorne », 2007



Le dernier livre de la bibliothèque. Une histoire du poème en prose.

Les formes instables, faiblement déterminées ou d'allure paradoxale ont été le casse-tête d'une approche essentialiste des genres, avant de pourvoir en arguments les partisans de leur «hybridation» ou de leur «éclatement» au nom des exigences de l'œuvre moderne. Pour qui raisonne dans une perspective conditionnaliste sur les usages et les savoirs, en revanche, l'exemplarité de ces formes est évidente. Leur histoire est riche de données (et même d'anecdotes) qui mettent en lumière des processus d'appropriation, de qualification, d'instauration, et gardent trace de leurs fortunes diverses, parmi lesquelles l'échec n'est pas moins intéressant que le succès; c'est une histoire envahie par le temps, par l'anxiété de la déhiscence, par les paradoxes de la projection et de la rétroaction — ceux que résume chez Mallarmé «l'ultérieur démon immémorial» — bien loin des constructions typologiques exposées dans l'Introduction à l'architexte de Genette.

C'est dans cette perspective que j'ai tenté de réfléchir à trois sujets classiques de la poésie française: le poème en prose, le vers libre et le «genre» dont le Coup de dés de Mallarmé devait être l'essai. Autant que d'une approche théorique, il s'agit pour moi d'une interrogation sur ce que Certeau appelle «l'écriture de l'histoire». Je me demandais (je me demande toujours) comment mettre en récit l'histoire d'une forme sans la métaphoriser de part en part, à l'exemple d'un titre comme La Vieillesse d'Alexandre[i]. Le vers libre et le Coup de dés ont donné lieu à deux ouvrages; je reprends ici dans une perspective plus large la question du poème en prose, que j'avais abordée à propos de Rimbaud[ii].

On peut douter que le poème en prose existe, attitude qui serait difficile à envisager pour l'épopée ou la satire. J'ai entendu exposer cette thèse révisionniste qui consiste à soutenir que la catégorie ne s'est constituée que dans les années 1960, au moment où il a fallu intégrer au canon des œuvres comme celles de Michaux ou de Ponge, qui ne rompaient pas seulement avec l'apparence du vers mais avec l'idée que l'on avait pu se faire de la poésie[iii]. C'est de ce moment que date la thèse de Suzanne Bernard[iv], remarquable par la contradiction qu'elle présente entre un modèle textualiste très restrictif, et un corpus largement ouvert, incluant toutes sortes de textes où le rapport prose/poésie présente une pertinence, y compris les Chants de Maldoror, le vers-librisme stricto sensu et l'écriture automatique des surréalistes. Cependant l'attestation historique du genre en tant que catégorie hypertextuelle ne fait aucun doute. Le terme devient d'usage courant dès les années 1870, après la publication posthume des Petits Poëmes en prose en 1869 par Asselineau et Banville. Pour Mallarmé c'est une notion tôt constituée, qu'il fera correspondre à une strate ancienne de son œuvre (celle de La Pipe ou de Pauvre enfant pâle) et s'efforcera de réorganiser sur d'autres bases (le «poème critique»). Quant à Huysmans c'est dès 1884 qu'il fait l'éloge du genre comme caractéristique de la décadence moderne, qu'il en établit la généalogie et en fixe le canon tout en l'inscrivant dans une perspective élargie. Ce qui doit nous étonner, c'est plutôt que de telles fondations aient été oubliées au point qu'après 1945 Aragon, parlant de Reverdy dans les Chroniques du bel canto, ou Georges Blin à propos de Baudelaire[v], aient eu le sentiment d'un commencement absolu: comme si la mémoire du genre ne parvenait pas à se fixer, ou qu'on lui en contestât le droit.

Sur un autre plan, on ne peut qu'être frappé de la pauvreté des hypothèses théoriques avancées jusqu'ici. En forçant le trait, elles se ramènent à deux. La première est traditionnelle et constitue une sorte de discours d'accompagnement et de légitimation; elle est tautologique, présupposant la définition du poème par l'unité d'effet (le plus souvent sans référence à Poe) et conférant aux procédés de poétisation de la prose une valeur de compensation ou de substitution; on en trouve une formulation détaillée dans la thèse de Suzanne Bernard. La seconde est la thèse de «défiguration du langage poétique» soutenue par Barbara Johnson[vi]. Non dépourvue de pertinence, cette thèse extrapole les propriétés du genre à partir d'un corpus manifestement trop étroit, puisqu'il se limite aux «doublets» de Baudelaire; elle est loin de fournir un modèle applicable ne fût-ce qu'à l'ensemble du recueil (pensons à Une mort héroïque ou aux Bons chiens, qu'il est impossible de saisir sous cet angle). Il faut attendre Graham Robb pour voir apparaître une idée vraiment neuve, sur laquelle je vais revenir.

Il me semble possible de proposer pour la phase de constitution du genre (en gros: 1830-1880) un modèle pragmatique plus complexe (quoique schématisant les données disponibles, et écrasant quelque peu les processus de genèse). Ce modèle articule plusieurs types de compétences, de savoirs et de visées interprétatives qui coexistent chez le lecteur et interagissent selon des modalités variables. L'hypothèse de base consiste à définir le poème en prose comme ré-élaboration stylistique d'un ensemble de genres ou formes discursives préexistants: «osmazôme de la littérature» comme disait Huysmans[vii], c'est-à-dire à la fois concentration (voire sublimation), et homogénéisation par un passage au second degré. La compétence qui lui correspond consiste donc d'abord en une mémoire générique relativement diversifiée, qui conditionne non la perception de l'hypo-texte en tant que tel mais l'activation de ses ressources topiques et de ses schèmes herméneutiques. Le poème en prose s'écrit sur le fond d'une mémoire littéraire, dont on peut énumérer les composantes, même si la liste n'est pas close; j'en retiendrai quatre: la description ou ekphrasis (la première pièce du recueil de Bertrand, Harlem); la fable, et plus précisément l'anecdote moralisante (Baudelaire, Un plaisant); l'épigramme (Le galant tireur); la méditation (A une heure du matin). La structure n'est pas très différente quand il y a transposition d'un texte poétique: c'est le cas des nombreuses traductions ou pseudo-traductions de chansons, ballades ou psaumes, mais aussi des «doublets» de Baudelaire, où l'on peut voir un exemple remarquable d'auto-traduction.

Un second type de compétence concerne la manière dont le genre s'inscrit dans les pratiques littéraires. Comme l'a bien montré Graham Robb à propos de Baudelaire[viii], c'est le rapport à la presse qui est déterminant (comme pour le feuilleton dans le cas du roman). Ce rapport à la presse connaît des mutations qui constituent un des fils conducteurs d'une histoire du genre: à l'époque de Baudelaire, le passage des petits journaux satiriques (comme Le Corsaire-Satan) aux grands quotidiens comme La Presse d'Arsène Houssaye ou Le Figaro; dans un second temps, facteur déterminant d'une littérarisation du genre, le transfert aux revues littéraires, perceptible dès le milieu des années 1860 (avec la Revue des lettres et des arts de Villiers de l'Isle-Adam et La Renaissance littéraire et artistique de Blémont); puis la diffusion du genre au-delà du cadre textuel du poème dans les revues du xxe siècle et en particulier dans la N.R.F., signe d'une autonomisation de la prose littéraire qui réinvestit un espace générique intermédiaire: chez Larbaud, Cingria ou Pourrat ce qui était poème en prose (et qui se définit, en référence à la structure temporelle de la revue, comme «chronique») tend à devenir page de littérature. Cette évolution correspond à un changement de statut de la forme, qui entraîne une réorganisation des postures énonciatives, de l'éthos du genre et du rapport au lecteur. Pour le dire en un mot, elle convertit une forme marginale en lui donnant une position centrale. Le reclassement littéraire de ce qui était au départ une sorte d'argot de la Bohème, «une langue de déclassés qui a conservé sa vocation primitive: n'avoir de sens complet que pour des initiés se trouvant dans un monde hostile[ix]», joue un rôle essentiel dans le projet de Baudelaire. Le travail du style, par l'invention d'une «prose poétique», sublime ce langage sans effacer la trivialité du monde (et des femmes) ni les stigmates du péché originel; il le transforme en poème, c'est-à-dire lui confère l'autonomie et la dignité de l'œuvre d'art. Sur ce plan la publication posthume des Petits poëmes en prose est un événement déterminant: réuni en un ensemble d'une cohérence frappante, surmontés de la lettre à Arsène Houssaye — dont l'ironie se trouve repoussée à l'arrière-plan par une poétique sérieuse — le recueil fait pendant aux Fleurs du mal et impose durablement l'idée d'une symétrie poème en vers/poème en prose. Elle modifie très profondément le statut de ces textes et leur environnement générique, les faisant passer du voisinage d'Alphonse Karr ou Paul de Kock à celui de Leconte de Lisle. Le poème en vers ne connaît pas chez Baudelaire une mutation comparable; son lieu de prépublication est d'ailleurs la revue, Revue de Paris ou Revue des Deux-Mondes, non le journal; on en dirait autant des poèmes en prose de Mallarmé ou même de Charles Cros. Le lien avec le reportage va tomber dans l'oubli, et c'est en tant que livre que les Petits poëmes en prose sont à l'origine d'une tradition générique; Rimbaud (très probablement), Claudel ou Valéry n'en ont eu connaissance que sous cette forme.

Il faut tenir compte enfin d'un troisième facteur, indissociable de la désignation et de la conceptualisation du genre. Comme une sorte de Janus, le poème en prose s'inscrit dans deux perspectives génériques distinctes, contemporaines mais non synchrones, compatibles entre elles mais nettement divergentes. La première vise à l'élaboration d'une poésie non versifiée, susceptible de fournir une alternative au poème en vers dans ses attributions génériques, topiques et stylistiques traditionnelles(pensons par exemple aux Natchez). C'est dans cette perspective que s'inscrivent les transpositions et (pseudo-)traductions si nombreuses de la Chanson d'Atala au Livre de jade de Judith Gautier. Dans ce cas le statut générique de poème est donné comme une propriété du texte-source réel ou supposé, et le travail se focalise sur les procédés de restitution de schèmes formels liés au vers et aux superstructures métriques (comme le refrain). Il conduit à l'élaboration de dispositifs tel que les espacements et le découpage en paragraphes, dont les incidences sur la syntaxe et l'organisation des schémas narratifs sont faciles à mettre en évidence. Dans les instructions dont Aloysius Bertrand accompagne son Gaspard de la nuit, le rôle constitutif de la mise en page dans la perception générique est assumé avec une netteté qui fait — rétroactivement — de ce paratexte un moment fondateur: «Règle générale. —Blanchir comme si le texte était de la poésie[x]». La poésie est définie comme appareil visible, forme de la page et non forme du vers; c'est déjà la pensée du Coup de dés, et c'est aussi le cadre qui permettra l'émergence d'unités non métriques, vers libre ou «verset», au sein du poème en prose. L'autre perspective est celle que j'ai déjà évoquée à propos de Baudelaire: c'est la constitution de la prose littéraire en objet esthétique autonome, indépendant du sujet traité, susceptible par conséquent de s'approprier en les transformant par le style toutes sortes de formes préexistantes, anecdote, étude de cas, description d'œuvre d'art ou notice encyclopédique (comme chez Ponge et Michaux). Les derniers textes écrits par Baudelaire, comme Mademoiselle Bistouri ou Portraits de maîtresses, inclinent nettement dans ce sens. La promotion esthétique du poème en prose est parallèle à celle de la prose narrative chez Flaubert et les Goncourt; on en constate la convergence à de multiples reprises dans les années 1880, chez Huysmans ou dans les Moralités légendaires de Laforgue (sans doute l'héritier le plus proche de l'esprit de Baudelaire).

Le poème en prose s'inscrit ainsi dans un double horizon d'attente; il sollicite une double compétence générique. Au niveau du texte comme unité, la relation est disjonctive. Soit la prose se dispose en poème, par la mise en page et (ou) par des procédés de structuration textuelle qui produisent une sorte de périodicité ou en suggèrent l'analogie. Soit le texte se présente comme prose, avec un découpage régi par des enchaînements logiques (et non par un principe de parallélisme ou de contraste): la poétisation procède en quelque sorte de l'intérieur, selon un principe poétique de concentration des effets que cautionne une symbolique de l'expressivité (l'identification du je au sujet existentiel étant une base indispensable du protocole de lecture). Au niveau du recueil, les deux perspectives peuvent coexister. Prenons l'exemple de Bertrand: dans Gaspard de la Nuit le projet de «poésie non versifiée» est nettement dominant; il définit la perspective générique d'ensemble et détermine son inscription dans une histoire globale des formes. Mais une part du texte, comme le montrent les documents de genèse, procède d'un travail sur la prose narrative, qui opère non par composition de micro-éléments articulés mais par déconstruction et si l'on peut dire blanchiment de séquences de récit. Certains poèmes en prose, comme Les Grandes Compagnies, sont écrits en marge d'un roman historique à la manière de Scott ou Nodier dont ne subsistent que quelques vestiges métonymiques, tous les éléments préconstruits étant précipités dans l'implicite: plutôt que des «osmazômes», ce sont des fantômes de romans. D'autre part le recueil produit par lui-même une qualification générique globale, surtout lorsque le rassemblement se fait sous un titre rhématique. C'est le cas de Baudelaire: des textes que leur structure propre situe assez loin, voire dans un autre cadre générique (comme Une mort héroïque, qui est un tale à la manière de Poe) se trouvent rangés sous un modèle typique, et la lecture tend à les rapprocher; le même phénomène joue a contrario dans le cas de morceaux restés hors du cadre, en particulier dans les journaux intimes.

Les deux traits fondamentaux du poème en prose, à savoir son caractère «second» (le recyclage de formes antérieures) et la divergence de visée entre poésie non versifiée et prose littéraire, permettent de comprendre certains aspects déconcertants de l'histoire du genre. Cette histoire n'a rien de linéaire; elle est faite d'écarts et de recommencements, et à chaque étape décisive un scénario du même type semble se reproduire. On le constate d'abord de Baudelaire à Bertrand: au moment même où il institue le genre en reconnaissant le caractère fondateur de Gaspard de la nuit, Baudelaire fait l'aveu d'une déviation par rapport à son «brillant modèle» (déviation d'un tout autre ordre que la transposition de la petite ville ancienne à la métropole moderne): «je m'aperçus […] que je faisais quelque chose (si cela peut s'appeler quelque chose) de singulièrement différent[xi]». Puis de Baudelaire à Rimbaud: Rimbaud a certainement lu les Petits Poëmes en prose, bien qu'il n'en parle dans aucun document qui nous soit parvenu. Il poursuit le projet d'évocation des «villes énormes», et nombre de poèmes s'éclairent par le dialogue avec un intertexte baudelairien. Mais il reprend sur de tout autres bases le partage entre prose et poésie. Après le moment équivoque des Déserts de l'amour — où le format du poème en prose est adapté à une sorte de micro-roman — les Illuminations optent nettement pour la poésie non versifiée, le statut poétique du sujet et du texte qu'il produit étant assumé dans sa pleine dimension mythique ou sacrale (il suffit de comparer Génie à Perte d'auréole pour comprendre la puissance de cette requalification). Par les options stylistiques qu'il adopte (découpage, ponctuation, syntaxe), Rimbaud renoue avec la visée générique de Bertrand; il remet la forme au cœur de la poésie moderne. Mais il faut souligner que cette réorientation est fortement accentuée par le choix éditorial de La Vogue (qu'il soit imputable à Kahn ou plus probablement à Fénéon) de rassembler les vers de 1872 et les poèmes en prose sous le titre unique d'Illuminations. Cette décision peut-être contingente, en tout cas non assumée par l'auteur, a fondé toute la tradition éditoriale jusqu'à Bouillane de Lacoste, et en particulier l'édition du Mercure de France qui fut le livre de chevet de nombre d'écrivains du xxe siècle. Le rassemblement sous un mot que sa forme même inscrit dans une lignée de poésie romantique (à la suite des Méditations et des Contemplations, il semble former le point culminant d'une série) s'oppose nettement au partage de l'œuvre baudelairienne en deux livres. Il associe étroitement le travail de restructuration du vers métrique et l'invention de formes non métriques, faisant apparaître l'émergence du vers libre comme une résultante de ce rapport, forme intermédiaire ou espace de transition. En un mot, il contribue à mettre le poème en prose au cœur de la «crise de vers», ce que ni Baudelaire ni Huysmans n'avaient envisagé.

De Baudelaire à Mallarmé, en revanche, la filiation est indiscutable: les textes sont presque contemporains (1864-65), et les deux premiers parus portent une dédicace «à Charles Baudelaire[xii]». Le partage générique entre vers et prose (ce sera le titre du recueil de 1893) est maintenu sur des bases semblables, sans recouvrement entre le vers «strict» et la prose «d'écrivain fastueux». Dans les publications en revue, effectives ou projetées, Mallarmé groupe ses poèmes en prose sous le titre de«pages»: «pages oubliées» (I, 1330), «pages déchirées[xiii]» (I, 674), Pages tout court pour le recueil de 1891 chez Deman. Cette désignation par le support s'oppose au titre de Poésies adopté en pour le volume de 1887, puis pour l'édition Deman, ainsi qu'à l'emploi de titres génériques (Plusieurs sonnets, Petit air, Chansons bas) ou à l'usage méta-poétique du mot «poème» dans Don du poème: elle est d'un autre ordre. Le terme de «page» présuppose l'appartenance du texte à un ensemble manuscrit, carnet ou cahier, dont il serait solidaire, et le situe dans la sphère de l'écriture intime, entre autobiographie et exercice spirituel(c'est précisément la fiction à laquelle Rimbaud recourt dans le texte liminaire d'Une saison en enfer: «feuillets détachés de mon carnet de damné»); il met aussi l'accent sur le caractère secondaire, anthologique ou fictivement citationnel, du geste qui institue le poème en prose.

La différence avec Baudelaire apparaît dans la distance prise avec l'usage même de l'étiquette. Mallarmé, dont les textes s'inscrivent clairement dans un canon du genre (Huysmans les intégrera tous dans son anthologie virtuelle), s'abstient de les développer par séries et d'organiser un corpus de référence en sous-genres, comme Baudelaire avait entrepris de le faire[xiv]. Au contraire il en reconfigure le cadre, comme s'il voulait en préserver le caractère problématique ou empêcher une cristallisation. Dans Divagations — comme déjà dans Pages — il intègre ces poèmes dans un volume de prose, à côté des essais critiques (option différente de celle de Baudelaire et inverse de celle des Illuminations). Surtout il fait jouer de plusieurs manières la relation constitutive entre hypo-texte et poème. Pour le corpus des poèmes en prose, réuni en tête du volume et principalement composé de textes anciens, il pose une équivalence: Anecdotes ou poèmes. Il s'en remet à un «lire-comme», renvoyant la décision à la visée du lecteur; il laisse ouvertes les deux options, mais aussi le rapport entre elles, disjonction ou équivalence. La dernière section du volume s'intitule Grands faits divers. La formule est exactement symétrique du titre de Baudelaire, Petits poëmes en prose. C'est l'hypo-genre qui fournit la désignation, et la requalification («grand») opère sur le contenu thématique. La disparition du tiret, en mettant à distance l'expression toute faite (et son usage journalistique), invite à une ressaisie conceptuelle plus abstraite. La formule suggère une littérarisation directe, sans médiation générique, et (en tant qu'elle porte sur le contenu) plutôt mythique que stylistique. D'autre part la Bibliographie du volume contient une importante proposition, dans laquelle Mallarmé définit le «poème critique» en tant que «forme actuelle» issue d'une convergence entre sa propre recherche et «ce qui fut longtemps le poème en prose[xv]». Mallarmé parle de «forme» parce qu'il envisage les dispositifs typographiques, intervalles et «cassures du texte», nécessaires à un nouveau «traitement de l'écrit», c'est-à-dire à une réorganisation des enchaînements logiques et argumentatifs. Il réinvestit par conséquent le travail sur la disposition et la mise en page, dont Bertrand avait montré l'importance, en en faisant l'opérateur même de la réflexion. La «cassure» du paragraphe devient le «pli» critique. Ce déplacement d'une portée considérable prépare le «recommencement» global du vers, du poème et du livre dans le Coup de dés. Les effets seront longs à s'en faire sentir, mais on peut remarquer que le choix de Mallarmé exerce une influence directe sur ceux de Valéry, chez qui le pli critique se referme sur le poème en prose, pratiqué par intermittence dans les Cahiers mais jamais assumé ni publié comme forme poétique[xvi].

Le processus d'ancrage générique ne s'arrête pas pour autant, et il est favorisé par l'effervescence formelle et théorique du symbolisme. C'est alors qu'apparaissent les formules tautologiques qui seront souvent reprises par la suite. On lit par exemple dans La Revue blanche au moment où paraît Divagations que «le poème en prose présente ce caractère général que la prose, matière première, y est soumise à des exigences analogues aux poétiques[xvii]»: la formule convient assez bien à la production courante des revues littéraires, du Mercure de France à Vers et prose, et jusqu'aux débuts de la N.R.F.[xviii].

Mais au même moment l'histoire recommence.

La venue au premier plan de Rimbaud autour de 1908, et le glissement vers les Illuminations d'une référence longtemps centrée sur les poèmes en vers, Bateau ivre ou Voyelles, jouent un rôle décisif dans cette redéfinition. Trois noms doivent ici être avancés: Fargue, Reverdy, Max Jacob.

Les Poëmes de Fargue paraissent en 1912. La gestation a été interminable: les avant-textes[xix] montrent que le poème n'est pas un objet fermé, mais un assemblage de moments d'évocation que le travail préparatoire fait circuler d'un texte à l'autre, procédant par reprises et collages. Ce que nous lisons, c'est le stoppage par lassitude, sous la pression des éditeurs ou des amis, d'un poème ininterrompu. Le titre s'est imposé peut-être par défaut, se substituant à Nocturnes qui insistait trop sur l'analogie musicale et sur la filiation avec Bertrand. Mais c'est un choix significatif: il installe l'œuvre à un point neutre, où tous les genres et les formes existent comme compossibles sans qu'aucun soit revendiqué. Fargue n'entend pas s'approprier le genre du poème en prose. Bien au contraire, souligne Larbaud, «dans ces Poèmes la prose —nette et solide et sage […] —la prose a été imposée à l'auteur[xx]». Dans le partage que j'ai évoqué, Fargue incline ainsi du côté de Baudelaire. La parenté des Poèmes avec les chroniques (reprises dans plusieurs recueils, dont Le Piéton de Paris) atteste de l'ancrage du genre dans les supports périodiques ; poèmes et chroniques entretiennent aussi un rapport obscur mais essentiel avec la parole vivante, cette conversation pour laquelle Fargue disposait de dons exceptionnels. Mais plus nettement que chez Baudelaire la prose suffit à la poésie ; elle contient toutes les formes possibles de la prose, tous les modèles attestés du poème en prose, dont l'histoire est récapitulée dans un jeu d'allusions et d'échos, tous les schémas canoniques du vers; elle est tout cela à la fois, non par juxtaposition comme dans l'éclectisme polymorphe, mais dans l'épaisseur de sa profonde unité.

Ce qui chez Fargue procède des Illuminations, c'est la construction du poème par séquences d'images qui tiennent lieu de logique narrative ou descriptive. Le compte rendu d'Henri Ghéon dans la N.R.F. en prend acte, et propose sur cette base une redéfinition du genre[xxi]. Ghéon qualifie le poème en prose de «forme naturelle, forme nécessaire de l'illumination poétique», «noué profondément à la plus obscure substance» du poète, «sur le bord de l'inconscient». Le propos fournit un jalon dans l'histoire de la poésiemoderne : un point de passage de l'illumination rimbaldienne à l'automatisme bretonien via la conception symboliste de l'inconscient (issue de Hartmann). Mais le point qui nous concerne est que Ghéon reconstruit une généalogie du genre, par moments successifs reliés par homologie:«Si M. Fargue continue Baudelaire, c'est comme Rimbaud continuait Baudelaire; il ne l'imite point». De même, dira bientôt Reverdy en complétant la lignée, Baudelaire avait continué Bertrand en «réalisant un genre différent[xxii]». Ghéon (comme Reverdy après lui) reconnaît le rôle fondateur de Rimbaud pour le «genre actuel», et il met en évidence à propos de Fargue le rapport entre continuation et déviation, qui maintient le poème en prose dans sa tension critique.

Reverdy publie en 1915 son premier recueil sous le titre Poèmes en prose. Max Jacob, qui est son aîné, se sent dépossédé de ce droit d'aînesse et réplique en rassemblant ses propres poèmes sous le titre Le Cornet à dés; il les fait précéder d'une préface, datée de septembre 1916, dans laquelle il s'efforce à son tour de redéfinir le genre en tant que poème. Je ne m'étendrai pas ici sur leur querelle, ni sur le rôle qu'y joue la référence à Rimbaud, défendu par le premier contre le second malgré des réserves explicites; à ces questions Etienne-Alain Hubert a consacré un article définitif[xxiii]. Je me bornerai à souligner quelques points relatifs à leur stratégie générique.

De Reverdy ce que je retiendrai c'est d'abord la vigueur du geste d'appropriation: l'entrée en poésie sous un titre générique. C'est bien une refondation du poème en prose comme genre qui est ainsi revendiquée; la comparaison avec Fargue est éclairante. Les textes de Reverdy sont très brefs, souvent proches du format des Nouvelles en trois lignes de Fénéon: ils se présentent sur la page comme un bloc compact entouré de blanc. Ils s'imposent fortement comme unités, étant à la fois articulés et clos, configurés comme un mythos avec exposition, péripétie, dénouement. Ils relèvent souvent d'une sorte de fantastique intime ou onirique, mais pénétré de réflexion morale (Marche forcée, L'envers et l'endroit, Honteux à voir): de petites fables métaphysiques, peut-on dire par analogie avec les peintures de Chirico. La démarche de Reverdy est conceptuelle et non stylistique. Elle se situe à l'exact opposé de la saisie tautologique, qui conduit à la reconnaissance comme objet sui generis sous une appellation lexicalisée — poème-en-prose, pourrait-on dire — d'un morceau descriptif ou sentimental composé en prose poétique. Comme chez Fargue mais de manière différente, chez Reverdy chacun des termes est envisagé pour lui-même et pleinement assumé. «Poème» doit se comprendre à la manière de Mallarmé: ce qui justifie l'usage du mot n'est pas une propriété de l'objet mais une opération dans laquelle «il y a recommencement des matériaux ainsi que des conditions de la pensée[xxiv]», et par conséquent rupture avec la discursivité ordinaire qui soutient une conception du texte comme mimesis descriptive ou expressive. «Prose» comme chez Fargue, c'est-à-dire «nette et solide et sage»: pas de procédés rythmiques de poétisation, ni de disposition signifiante des unités, car ce sont des données propres à la poésie versifiée; pas d'images autonomes, détachables du texte, puisque les images font corps avec le récit. Il en résulte aussi que la mémoire du genre est incorporée au poème, qui la transforme en sa propre substance, si bien qu'elle n'apparaît jamais isolable localementsous forme de citation ni d'allusion; sur ce point l'écart avec Fargue, qui avait glissé dans ses textes une sorte d'anthologie stylistique de Baudelaire, Nerval et Rimbaud, est remarquable. Le souci de se distinguer de Max Jacob, dont l'inspiration est pour une large part «trouvée dans les papiers d'un autre», accentue une tendance à l'autarcie. De rares poèmes engagent un dialogue avec un intertexte rimbaldien et baudelairien, repérable à la reprise d'un titre (A l'aube) ou d'un motif caractéristique (le chiffonnier et la prostituée de Réalité des ombres). Ils ne font nullement saillie: aucune semiosis particulière, aucune hétérogénéité ne les signalent. La résonance profonde qui en émane est plutôt poétique que littéraire; je veux dire qu'elle ne met en œuvre ni l'histoire du genre comme tel, ni les options esthétiques et les stratégies qui lui sont associées, mais qu'elle parle de notre séjour: «Dans l'ombre un homme informe ou une femme sans âge cherche, et, sans qu'on puisse savoir de quoi, emplit sa hotte[xxv].» Cet homme informe n'est pas le poète. L'allégorie baudelairienne, par un retournement singulier, devient l'interprétant de la vie courante; l'esprit sort de la bibliothèque.

Chez Max Jacob au contraire c'est la bibliothèque qui entre dans l'esprit. Il suffit de regarder la table du Cornet à dés[xxvi] pour voir se déployer un véritable théâtre générique où les anecdotes de la vie, l'histoire, la mémoire des livres et celle des genres se mêlent en un salmigondis savoureux et irritant, un méli-mélo (c'est un des titres) de littérature universelle. Contentons-nous des deux Poèmes dans un goût qui n'est pas le mien dédiés l'un «à toi, Rimbaud», l'autre «à toi, Baudelaire[xxvii]» (celui-ci est une variante sur le modèle des Vocations); de Traduit de l'allemand ou du bosniaque; de Véritable poème, où l'adjectif commente la forme traditionnelle à couplets narratifs; de Fable sans moralité; de titres de coupures de presse comme Situation des bonnes au Mexique ou M. le Président de la République visite l'exposition d'horticulture; du Poème qu'il faut «lire dans le texte grec» où il se nomme «eidullos, petit tableau[xxviii]», et où il est question de «traduire en grec un roman de Daudet»; et pour finir, de copier Rafraîchissons les vieux thèmes:

Dans un pays où les ventes publiques de tableaux se font dans une cour, les cadres étaient à terre et plus de trois cents fenêtres que leurs propriétaires avaient louées étaient pleines de bouchers. C'était comme pour la guillotine! on venait voir tuer l'art et le bonheur. Plusieurs des bouchers qui étaient aux fenêtres avaient des jumelles[xxix].

La définition du genre comme retraitement d'un hypo-texte trouve ici une réalisation radicale; elle s'exhibe dans une sorte de parade. D'autre part le principe de poéticité est lui aussi exhibé dans une perspective que l'on pourrait dire jakobsonienne avant la lettre, en tant que retour du langage sur lui-même, par un usage acrobatique et parfois génératif du signifiant — qu'il faudrait comparer à l'usage de ses contemporains: Apollinaire, Roussel, Duchamp. Mais cette saturation même (le calembour, le méli-mélo des vieux thèmes) menace de se retourner contre le genre et de le réduire à un support ad libitum, sans autre propriété que le brio de son auteur, un peu comme avaient été les Guêpes d'Alphonse Karr: d'où le redressement qu'impose la préface.

Cette préface est décalée par rapport au recueil : on a l'impression d'entendre le Cocteau du Retour à l'ordre. Elle avance deux critères: le style, qui «donne la sensation du fermé», et la «situation», reconnaissable «au petit choc qu'on en reçoit, à la marge qui l'entoure, à l'atmosphère spéciale où [l'œuvre] se meut». Max Jacob poursuit par une critique de Rimbaud, dont le «désordre» (antinomique à l'exigence de «style») ne peut être un modèle, et propose une série de distinctions génériques:

Le poème en prose doit aussi éviter les paraboles baudelairiennes ou mallarméennes, s'il veut se distinguer de la fable. On comprendra que je ne regarde pas comme poèmes en prose les cahiers d'impressions plus ou moins curieuses que publient de temps en temps les confrères qui ont de l'excédent. Une page en prose n'est pas un poème en prose, quand bien même elle encadrerait deux ou trois trouvailles. Je considérerais comme tels les dites trouvailles présentées avec la marge spirituelle nécessaire. A ce propos, je mets en garde les auteurs de poèmes en prose contre les pierres précieuses trop brillantes qui tirent l'œil au détriment de l'ensemble. Le poème en prose est un objet construit et non la devanture d'un bijoutier. Rimbaud, c'est la devanture du bijoutier, ce n'est pas le bijou: le poème en prose est un bijou[xxx].

La difficulté du texte vient, me semble-t-il, de ce qu'il ne parvient pas à choisir entre deux conceptions. Le double critère du style et de la «situation» définit le poème en prose par sa structure interne et par son effet, comme un objet à la fois clos (ce que confirment les expressions d'«objet construit» et de «bijou») et dépaysant; définition remarquable mais qui convient bien mieux à Reverdy qu'à Max Jacob — comme si ce dernier avait voulu ramener l'œuvre de son cadet sous sa propre visée théorique. Les poèmes de Max Jacob, caractérisés par la parade générique et l'exhibition des calembours, ne sont pas clos à la manière d'un «bijou» mais d'un «cornet», ou encore d'un «cadre» comme dans le poème cité: c'est-à-dire un contenant. Pensons aux boîtes de Duchamp: la première, celle de 1914, contient la reproduction photographique de notes manuscrites et de dessins, ainsi qu'une réduction photographique de trois «stoppages-étalons»; le dispositif assure la reproduction, la réduction, l'homogénéisation du format, la transformation du geste d'invention en document d'archive (les boîtes sont celles qui contenaient les plaques photographiques utilisées par la reproduction). De même dans le Cornet à dés, le genre est un contenant qui permet de réunir les hypo-genres (et de les agiter comme les dés dans le cornet); c'est un cadre qui leur confère une relative homogénéité, en particulier en neutralisant les différences d'échelle (le Roman feuilleton ramené à dix lignes); c'est aussi une «marge spirituelle» (c'est-à-dire abstraite, indépendante des procédés de mise en page: c'est le genre qui fait marge) qui «situe» les matériaux sollicités et transforme leur substance en spectacle. Sans doute cette idée est-elle trop radicale pour que Max Jacob ait pu l'assumer; d'où la pique contre la «devanture», qui en offrait pourtant l'exact équivalent: dans la redéfinition du genre vers laquelle il tend il est impossible de distinguer la devanture et le bijou; c'est leur réunion qui forme «l'objet construit».

Il faudrait poursuivre cette histoire, à laquelle il manque un épisode important, à savoir l'intervention d'André Breton qui fait basculer le poème en prose dans l'automatisme psychique, et ce qui s'ensuit de «terreur» et de ruses, avant tout chez Ponge et Michaux. Mais le geste même de Breton nous obligerait à sortir du genre, qui est l'objet de ce colloque. Je me borne par conséquent à l'indiquer, et je conclus sur le genre, puis sur l'idée du genre.

Dans A Rebours l'anthologie de poèmes en prose était le dernier livre de la bibliothèque: «Des Esseintes se dit que sa bibliothèque fermée sur ce dernier livre, ne s'augmenterait probablement jamais plus[xxxi].» Le dialogue entre Max Jacob et Reverdy le confirme. Le premier fait entrer la bibliothèque dans la «devanture» avec une jubilationqui chez le second se convertit en angoisse. Reverdy la conjure en écrivant L'esprit sort:

Que de livres! Un temple dont les murs épais étaient bâtis en livres. Et là-dedans, où j'étais entré on ne saura comment, je ne sais par où, j'étouffais; les plafonds étaient gris de poussière. Pas un bruit. Et toutes ces idées si grandes ne bougent plus; elles dorment, ou sont mortes. Il fait dans ce triste palais si chaud, si sombre!
De mes ongles j'ai griffé la paroi et, morceau à morceau, j'ai fait un trou dans le mur de droite. […][xxxii]

Mais une telle conclusion est trop belle, trop allégorique. Je reprendrai donc le point de vue de la théorie, en affirmant que le poème en prose est bien un «osmazôme de la littérature», mais non sur le plan des essences qu'évoque Huysmans (le «suc cohobé»). C'est, si on me permet ce bizarre couplage, un osmazôme pragmatique: un concentré en même temps qu'une «devanture» de ce que la littérature fait, des compétences qu'elle met en œuvre, des opérations de reconnaissance et de méconnaissance auxquelles elle soumet la singularité des œuvres. C'est aussi un Laboratoire central (encore Max Jacob) de manipulations génériques; mais nous ne devons accorder aucun privilège «créateur» à cet aspect particulier. Ce phénomène n'est en effet pas dissociable du moment de l'histoire où il s'inscrit. Le laboratoire générique du poème en prose est lui-même soumis aux processus d'autonomisation du champ. Il coïncide avec le cœur du processus, dont il accélère les effets et les rend lisibles; son cours, me semble-t-il, s'arrête avec lui.


Michel Murat



[i] Jacques Roubaud, La Vieillesse d'Alexandre. Essai sur quelques états récents du vers français, Ramsay, 1988.

[ii] Je me permets de renvoyer à ces ouvrages: Michel Murat, Le Vers libre, à paraître en 2008; Le Coup de dés de Mallarmé: un recommencement de la poésie, Belin, 2005; L'Art de Rimbaud, José Corti, 2002.

[iii] C'est le propos que tenait Michel Sandras, auteur d'un bon livre sur le sujet (Lire le poème en prose, Dunod, 1995), dans un exposé présenté à mon séminaire de Paris IV.

[iv] Suzanne Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours, Nizet, 1959 (rééd. 1988).

[v] Louis Aragon, Chroniques du bel canto [1946], EFR, 1979; Georges Blin, «Introduction aux Petits Poèmes en prose», Le Sadisme de Baudelaire, Corti, 1948.

[vi] Barbara Johnson, Défigurations du langage poétique, Flammarion, 1979.

[vii] Joris-Karl Huysmans, A rebours (1884), Gallimard, Folio, 1977, p. 320.

[viii] Graham Robb, «Les origines journalistiques de la prose poétique de Baudelaire», Les Lettres romanes, XIV, 1990, p. 15-25.

[ix] Graham Robb, article cité, p. 24.

[x] Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, Gallimard Poésie, 1980, p. 301. Les «Instructions à M. le Metteur en pages», destinées par Bertrand à son éditeur, ont été publiées en 1925 dans l'édition de Bernard Guégan (Payot).

[xi] Charles Baudelaire, Œuvres complètes, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1961, p. 230.

[xii] Il s'agit de L'Orgue de Barbarie et de La Tête qui parurent en juillet 1864 dans La Semaine de Cusset et de Vichy. Voir Mallarmé, Œuvres complètes, éd. B. Marchal, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, t. I, 1998, p. 1327.

[xiii] Mallarmé, op. cit., p. 1330, 674. Le choix de l'adjectif «oublié», quel que soit son caractère topique, me paraît l'indice d'une homologie spirituelle, et presque d'une identification, entre Mallarmé et Bertrand: «Un anachronisme a causé son oubli. Cette adorable bague jetée, comme celle des doges, à la mer, pendant la furie des vagues romantiques, et engouffrée, apparaît maintenant, rapportée par les lames limpides de la marée» (lettre de février 1866 à Victor Pavie, op. cit, p. 690).

[xiv] Voir la liste des «Poëmes à faire», op. cit., p. 312.

[xv] Mallarmé, Œuvres complètes, éd. cit., t. II, 2002, p. 277.

[xvi] A une exception près, celle d'Alphabet.

[xvii] Alfred Athys, cité par Michel Sandras, p. 17.

[xviii] Même si Gide s'en défend, comme le montre un propos de 1910: «ce n'est plus le moment d'écrire des poèmes en prose» (rapporté par Jacques Rivière dans son compte rendu de Miracles d'Alain-Fournier pour la N.R.F., 1924).

[xix] Un important dossier se trouve à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.

[xx] Valery Larbaud, «Les poèmes de Léon-Paul Fargue», Le Mercure de France, n° 1196, juin 1963, p. 258.

[xxi] La NRF, août 1912, p. 345-351(citation: p. 348).

[xxii] Nord-Sud, n°3, 15 mai 1917.

[xxiii] Etienne-Alain Hubert, «Reverdy et Max Jacob devant Rimbaud: la querelle du poème en prose», Circonstances de la poésie, Klincksieck, 2000, p. 255-276.

[xxiv] Mallarmé, Œuvres complètes, éd. cit., t.II, p. 200.

[xxv] Les Poèmes en prose ont été repris par Reverdy dans Plupart du temps (1945), Gallimard Poésie, 1969, t.I, p. 46.

[xxvi] Max Jacob, Le Cornet à dés, Gallimard Poésie, 2003; c'est l'édition de référence procurée par Etienne-Alain Hubert, avec un texte revu et un dossier critique.

[xxvii] Op. cit., p. 35, 41.

[xxviii] Ibid., respectivement p. 85, 205, 140, 138, 93, 45.

[xxix] Ibid., p. 198.

[xxx] Ibid., p. 23-24.

[xxxi] Op. cit., p. 321.

[xxxii] Op. cit., p. 43.



Michel Murat

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Dernière mise à jour de cette page le 16 Avril 2008 à 17h28.