Atelier

Les conventions littéraires sont l'équivalent de codes linguistiques qui associent des signifiants à des signifiés afin de représenter une réalité et de transmettre de l'information entre un émetteur et un récepteur. Elles constituent le pacte, tacite ou explicite, qui régule la mimèsis et permet la coordination - problématique, car soumise aux aléas historiques et psychologiques - d'une stratégie d'écriture et d'une pratique de lecture.

La tradition classique propose une législation qui intègre à travers la notion de degré mimétique à la fois le mode de la représentation, le genre littéraire, la finalité rhétorique du discours, le niveau de style et les objets de la représentation : d'un côté, le degré bas, auquel correspond des objets communs, le style comique et une volonté de divertir ; de l'autre, le style élevé propre à la tragédie, grave et ne s'intéressant qu'à des acteurs nobles afin d'éduquer le public. Durant la longue histoire des genres mimétiques, d'innombrables codes, aussi bien génériques qu'idéologiques, viendront encadrer la mimèsis et en définir le caractère convenable, vraisemblable, réaliste, etc. Le courant anglo-saxon dit " conventionnaliste ", issue de la philosophie contractualiste de Hume et de la théorie des jeux de D. Lewis, donnera une extension plus générale à cette notion, en insistant sur le pacte, souvent ludique, que noue tout lecteur avec un auteur et/ou une tradition littéraire. Dans cette perspective, les codes de le représentation seront tracées par un arbitrage complexe entre des préconventions tacites (inhérentes, par exemple, aux genres et aux représentations sociales), des conventions implicites ou explicites propres à telle ou telle œuvre, des pratiques socio-historiques plus ou moins structurées de lecture et des hypothèses personnelles.

La " bibliothèque ", c'est-à-dire l'ensemble des références hypertextuelles que peut convoquer le lecteur, s'y voit attribuer un rôle au moins aussi important que le monde référentiel, car le lecteur, à l'instar d'un joueur, peut s'éduquer/être éduqué à percevoir les stratégies de l'auteur, selon des processus de collaboration qu'il incombe à la théorie littéraire d'étudier (pensons au fameux pacte autobiographique analysé par Ph. Lejeune dans Le pacte autobiographique, 1975). Loin d'être un processus de transmission transparent par encryptage/décryptage du réel, la représentation est donc nécessairement conventionnelle : quelle que soit le modèle proposé pour la définir, force est de constater le rôle des normes de l'histoire et de la tradition littéraires au cœur d'opérations en apparence aussi naturelles que la narration, la description ou l'énonciation poétique, constat qui peut conduire à s'amuser des aspects ludiques de l'artifice littéraire comme à dénoncer les stratégies de domination auctoriale.

Alexandre Gefen

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Dernière mise à jour de cette page le 15 Juillet 2002 à 11h31.