Colloques en ligne

Ce que le document fait à la littérature (1860-1940)

On ne cesse pas de le redire: une œuvre littéraire n’est pas un document ; un document n’est pas une œuvre littéraire. Le document n’est pas un produit de l’imagination ; il n’est pas l’œuvre d’un auteur ; ce qu’il donne, c’est justement, comme on dit, « ce qui ne s’invente pas ».

Pourtant, depuis le XIXe siècle au moins, la notion et le mot de document sont devenus indispensables à la réflexion sur les œuvres, à l’étude de leur genèse, à celle de leur réception. « L’idée de document » est liée de toutes sortes de manières à « l’idée de littérature ».

Le colloque que l’on propose se donne comme tâche d’interroger tous les aspects de cette relation, depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’au milieu du suivant.

Sans prétendre faire le tour d’une question qui est vaste, et que les communications qui suivent ont pour but d’explorer, on peut au moins poser un certain nombre de questions :

1. Le mot « document » n’a pas exactement le même sens, ne désigne pas exactement les mêmes objets, les mêmes pratiques, selon qu’on l’emploie à propos de Flaubert, de Zola, de Schwob, de Cendrars, de Breton, de Bataille… Peut-on opérer un recensement ? Un classement ? En tout cas préciser notre vocabulaire ?

2. Est-il possible d’écrire une histoire du document, de sa récolte, de ses usages ? De l’emploi du mot dans la théorie et dans la critique ?

3. Serait-il exact d’affirmer que la question du document a gagné en importance au long de la période qui nous intéresse ? Et si c’est le cas, peut-on l’expliquer ? Cette importance croissante, si elle est avérée, peut-elle être comprise par rapport à des modèles : celui de la photographie ? des sciences ? du journalisme ?

4. Il est courant que le document soit considéré comme un matériau, une materia prima. Mais les traitements que l’on en fait sont multiples : le travail d’artialisation (pour parler comme Montaigne) auquel se livre, par exemple, Flaubert est autre que le travail de montage d’un Lautréamont, d’un Cendrars ou d’autres artistes plus récents. Est-il possible de décrire et de classer ces modes de traitement ? De dessiner une évolution – qui irait par exemple dans le sens d’une préférence de plus en plus nettement marquée pour le brut, le non-ouvragé ?

5. Le document, c’est ce qui enseigne (documentum, docere). L’emploi du mot touche fatalement à l’autonomie du littéraire. Comment articuler le goût du document,  ou la passion du document, et le grand récit selon lequel l’histoire de la littérature, durant le siècle qui nous intéresse, serait celle d’une autonomisation ?

Textes réunis par Corinne Flicker, Philippe Jousset et Claude Perez

mis en ligne avec le soutien de l'Université de Lausanne.

DOI : https://doi.org/10.58282/colloques.1730