Atelier



Pour une histoire de l'idée de littérature

par Alexandre Gefen
(CNRS, Université de la Sorbonne nouvelle)


Le présent essai est issu de l'introduction à L'Idée de littérature. De l'art pour l'art aux littérature d'intervention, éditions José Corti, 2021.




Ce texte est reproduit dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula avec l'aimable autorisation de l'auteur et de son éditeur.




Dans les heures ayant suivi l'annonce de l'octroi du prix Nobel de littérature à Bob Dylan en 2016, se joua un psychodrame culturel planétaire dont l'idée même de littérature fut l'enjeu. Fallait-il ou non accorder un prix Nobel à l'auteur de Like a Rolling Stone ? La question se posa comme un brûlant problème de frontières : on se mit à gloser de la différence entre les arts, des rapports entre le musicien et l'écrivain : « lorsque le comité Nobel accorde un prix littéraire à un musicien, il perd l'opportunité de rendre hommage à un écrivain », écrivit par exemple Anna North dans le New York Times1 en laissant au passage entendre que la littérature n'était pas si forte qu'elle pouvait se passer d'une occasion de reconnaissance. On en vint à défendre une vieille lune, la spécificité des différents arts : « l'écriture de chanson et la poésie sont des arts entièrement différents, même s'ils ont des similarités mètre, rythme, rime, etc. » avança Bijan Stephen2 ; « présumer que [ces deux arts] procèdent de manière identique avec les mots nie les vertus spécifiques de chacune des formes », renchérit Matthew Schnipper3. Au contraire de cette stricte séparation, « plusieurs se réjouissent de ce choix, qui hissent la chanson au rang d'œuvre et rappellent que Homère était bassiste », explique l'écrivain et traducteur Claro4 – ce fut d'ailleurs la position officielle de Sara Danius, membre de l'académie Nobel, qui en appela au barde Homère et à Sapho, ou de ceux qui évoquèrent la figure de Rabindranath Tagore, prix Nobel en 1913 et auteur de chansons et de drames dansés. Les polémiques ne s'arrêtèrent pas là et se polarisèrent également sur les qualités expressives du musicien : comparant Bob Dylan à Yeats et Gide, Tim Stanley expliqua dans le Telegraph que « l'ampleur de leur expression et la densité thématique de leurs textes dépassent Dylan par des années-lumière5 », tandis que le jeune romancier et poète haïtien Makenzy Orcel affirma : « parler de littérature, c'est parler de travail sur la langue, de construction d'une œuvre, pas de nasiller quelques chansons6 ». Cette même question formelle servit de contre-argument pour rapatrier Dylan dans le champ littéraire, au nom de sa capacité à faire langue, à posséder un style : « le statut d'écrivain se mérite à partir du moment où l'on crée avec les mots, où l'on joue avec la langue, où l'on suscite images, pensée, émotions avec le verbe », défendit le critique français Serge Kaganski7. Notons au passage que l'autre grand critère par lequel la modernité a jugé de la « littérarité » du littéraire, de son inscription dans le champ de la littérature, à savoir la fiction (c'est l'idée rendue célèbre par Coleridge qu'une « suspension volontaire de l'incrédulité » et qu'un mode de référence particulier à la réalité caractérisent la littérature) fut également invoqué, l'œuvre de Dylan étant accusée d'un rapport immédiat, référentiel et donc non littéraire au monde : « Les écrivains de fiction inventent le réel, ils racontent des histoires, et pas seulement la leur », écrit Michel Schneider pour discréditer Dylan8. Je ne donne ici que quelques rapides exemples des raisonnements échangés, qui allèrent jusqu'à exhumer le critère romantique de qualification de la littérature par la pauvreté du poète, preuve si l'en est que nous sommes encore tributaires d'une conception romantique de la littérature : « Je n'ai connu aucun poète qui ait pu vivre de sa plume », justifia Fernando Arrabal9, récusant Bob Dylan au nom des valeurs dérivées attachées à ce que Nathalie Heinich nomme le « sacrifice de la personne » dans le régime « littéraire » romantique de la littérature10.


Avec cette affaire, tout se passe donc comme nous avions affaire à la coprésence de systèmes de valeurs incompossibles et de critères contradictoires dans un débat global dont l'espace des débats sociaux serait la caisse de résonnance mondiale. Comme le comprend bien le critique Makenzy Orcel : « C'est le mot littérature qui pose problème, ce n'est même pas Dylan lui-même11 ». Que la définition de la littérature, de son champ, de ses valeurs, soit devenue l'objet d'un dissensus ouvert, on en trouvera confirmation dans les étonnements ayant déjà suivi l'attribution du précédent Prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Aleksievich, qui revendique un travail d'enquête journalistique et a été souvent considérée comme une historienne – le seul cas où le prix Nobel causa tant de remous fut au demeurant son attribution à un autre écrivain non exclusivement écrivain, Winston Churchill, en 1953… Question de territoire que l'on retrouvera en 2010 lors de l'entrée des Mémoires de guerre au programme de terminale, une pétition de professeurs de lettres affirmant que le choix du général de Gaulle était une « négation de leur discipline12 ».


Nous assistons à une crise théorique majeure, si ce n'est à un changement de paradigme : sans même évoquer la repolitisation la plus contemporaine de la littérature, son usage pour dénoncer des violences de genre à l'heure de MeToo, recréer des relations ou nous mettre en alerte face aux catastrophes environnementales, avec Svetlana Aleksievch et Bob Dylan, notre idée de littérature s'éloigne d'un modèle de pureté formelle, de retrait éthique du monde, et semble s'ouvrir à d'autres champs (l'histoire, le journalisme), à d'autres arts comme la musique, tout en se croisant volontiers avec les pratiques des sciences sociales (enquêtes historiques, immersion sociologique, expérimentation philosophique, travail de terrain ethnologique). Après l'échappée esthétique tentée par la modernité, l'heure est à une littérature d'intervention. La littérature qui nous est contemporaine refuse les genres littéraires traditionnels, se penche sur son présent, décide de faire résonner les voix d'anonymes (c'est le principe profond du folk), s'inquiète des vulnérabilités et des dépendances, promeut un rapport renouvelé aux formes de vies les plus variées et aux milieux. Elle est attentive à être perçue par tous, ne s'inquiète plus de se distinguer des cultures populaires par l'originalité de sa langue, ne se sépare pas des amateurs, et préfère se combiner à d'autres arts que de poursuivre l'aventure de la forme pure. De manière significative, alors que le testament d'Alfred Nobel destinait le prix à un auteur ayant produit « la plus extraordinaire œuvre en direction d'un idéal13 » au point qu'on a pu montrer que les valeurs modernes d'autonomie de l'art avaient été jusqu'aux années 2010 une nécessité pour accéder à la consécration14, un jury suédois alternatif, la Nouvelle Académie, qui s'est constituée après les scandales ayant entaché le jury Nobel en 2017, fait de la littérature un instrument pour « promouvoir la démocratie, la transparence, l'empathie et le respect, contre les biais d'inégalité, d'arrogance et de sexisme15 » : au lieu d'une littérature pensée comme un idéal en elle-même, c'est une littérature conçue comme instrument d'action sociale et politique qu'il s'agirait plutôt de promouvoir.


La fin de la littérature ?


Loin d'être un problème isolé, l'affaire Dylan est ainsi le symptôme d'une profonde remise en cause de la vision idéaliste, esthétique et esthétisante, de la littérature née avec le romantisme. Cette phase de doute catégoriel est à mettre en regard avec le véritable déluge de discours sur la fin de la littérature depuis le début du xxie siècle : en France, Pierre Jourde et Jean-Philippe Domecq s'en prennent au désengagement de nos écrivains contemporains16, Richard Millet stigmatise le Désenchantement de la littérature17 et Renaud Camus pleure La Grande Déculturation18, Lionel Ruffel pense notre époque comme Dénouement19, Jean Bessière se demande Qu'est-il arrivé aux écrivains français ?20, William Marx fait l'histoire d'un certain Adieu à la littérature21, Dominique Maingueneau et Tzvetan Todorov en prophétisent la fin22 – tout se passe comme si le destin de la littérature était désormais de hanter le lieu de sa disparition. La thèse est ancienne : Michel Foucault, tout en soulignant la relativité historique du concept de littérature, avait défini lui aussi la littérature par sa réflexivité critique (« La littérature se loge dans la question “Qu'est-ce que la littérature23 ?” ») pour l'inscrire dans une même dialectique pessimiste qui conduit à son extinction : « Il est d'ailleurs caractéristique que la littérature depuis qu'elle existe, la littérature depuis le XIXe siècle, depuis qu'elle a offert à la culture occidentale cette figure étrange sur laquelle nous nous interrogeons, il est caractéristique que la littérature se soit toujours donné une certaine tâche, et que cette tâche ce soit précisément l'assassinat de la littérature24 », poursuivait Foucault. Cette idéologie de la négativité critique a été érigée par Maurice Blanchot en doxa de la modernité : pour celui-ci, le livre en tant qu'accomplissement manque, il n'existe que comme fragment, la littérature est à jamais incomplète, « elle est l'approche de ce qui échappe à l'unité25 », et, en tant que projet, la littérature ne peut donc dire que ses propres lacunes et parler de sa propre mort, elle ne peut vivre que comme « cadavre » manifestant son impossibilité et augurant sa propre apocalypse sous le signe du « négatif26 ». On retrouvera le thème de « l'épuisement » aux États-Unis chez John Barth en 196727, dans les années 1970 autour des essais néo-conservateurs de René Wellek et d'Allan Bloom, comme plus tard dans le débat suscité par l'ouvrage d'Alvin Kernan, The Death of Literature (1990)28, qui analyse la perte générale d'autorité de l'écrit à l'ère des médias post-industriels. En se plaignant de l'hyperinflation des œuvres, en soulignant la dissolution des frontières de la « haute et basse littérature » et l'atomisation des préoccupations du roman dans des querelles microscopiques (« un million de marchés de niche »), en opposant une écriture contemporaine fragile aux grands récits puissants du passé, Lars Iyer29 rejoint dans un manifeste influent ceux qui, en France, s'inquiètent de la disparition des grands récits-cadres, effacés au profit d'illusoires débats, de sous-produits médiatiques traductibles immédiatement en anglais et influencés par « l'ignorance, le naufrage de l'enseignement public, les définitions identitaires », selon les méchants mots de Richard Millet30. En dehors même de cette tradition critique, le célèbre critique japonais Kôjin Karatani, rappelant que la littérature comme expression de la sensibilité collective a émergé simultanément au Japon et en Occident au XVIIIe siècle, constate que la littérature de fiction, qui avait acquis une importance de plus en plus centrale dans l'espace culturel coréen et asiatique, est en repli au profit d'écritures visant à l'affirmation de minorités ou s'intéressant à l'écologie31, toutes préoccupations qui modifient profondément les cadres de compréhension du littéraire.


Par-delà les partages culturels, bien des thématiques de ce sentiment de désertion sont donc communes. La nostalgie aristocratique, de droite, d'une littérature puissante et rare rejoint à gauche le regret du pouvoir critique perdu de l'écriture : on regrette à la fois le magistère des belles-lettres et la réflexivité contestatrice de la littérature moderne. Le tout aboutit à une description post-apocalyptique de ce qui serait le champ littéraire contemporain, dans une sorte de théologie négative influencée par Blanchot et Agamben où la littérature s'accomplirait dans sa perte, en trouvant des modèles dans les œuvres post-modernes d'Antonio Bolaño, de Vila-Matas (qui fait des figures de Bartleby ou de lord Chandos, artistes sans œuvre, des modèles32), ou d'Antoine Volodine (chez qui les écrivains survivent dans le Bardo Thödol, l'enfer des Tibétains33). Mathurin Régnier se plaignait déjà en 1608 : « Motin la Muse est morte, ou la faveur pour elle ; /En vain dessus le Parnasse Apollon on apelle34 », et il est facile d'historiciser la notion d'épuisement, aisé de relativiser pour les moquer ces discours déclinistes35, où l'on glisse de la peur de la perte de la créativité individuelle à une peur de la perte de ce bien collectif que serait la littérature. Mais, de la même manière que les lamentations d'Henri-François d'Aguesseau dans Des causes de la décadence de l'éloquence (1699), monument contre l'écroulement culturel que Sainte-Beuve compara aux lamentations de Pline le Jeune sur le déclin de l'Antiquité36, enregistraient la scansion entre une ère rhétorique déclinante et des sensibilités esthétiques émergentes et nouvelles, ces discours pessimistes sur l'impossibilité d'une révolution poétique radicale, la dissolution des grandes utopies et la perte de la mission sartrienne d'interpellation du monde, disent aussi clairement que les débats sur le prix Nobel de littérature la rupture qui s'est produite dans notre idée de la littérature.


Petite histoire de l'autonomisation du champ littéraire


Mais quelle est au juste cette rupture ? De manière très frappante, les innombrables discours qui pullulent sur la mort de la littérature recourent à son anthropomorphisation : la littérature, que l'on écrit souvent avec un L majuscule pour mieux mettre en scène sa biographie et ses aventures, est une sorte d'être doté d'une vie propre, d'une conscience de son propre destin et faisant l'objet d'une inquiétude collective. Plus qu'un simple travers des métarécits de l'histoire littéraire qui aiment à prendre figure de romans37 ou de pièces de théâtre (dans L'Adieu à la littérature, l'histoire littéraire de William Marx se dit dans une tragédie en trois actes « expansion, autonomisation puis dévalorisation38 »), ces personnifications et ces allégorisations de la littérature dénotent l'idée d'une autonomie radicale de la littérature, considérée non comme une simple « catégorie historique de la perception artistique » pour reprendre cette notion à Pierre Bourdieu39, mais comme une entité dotée d'une énergétique propre, agissant par elle-même dans l'histoire.


Si des notions comme celles de plaisir propre à la forme, d'unité et d'intégrité de l'œuvre d'art ont été déjà avancées par Aristote40, une focalisation depuis la fin du xviiie siècle sur le plaisir esthétique41 et l'organicité de la forme singularisent clairement les théories artistiques modernes.


Je fais ici l'hypothèse que le point commun des discours venant défendre la littérature ou en déplorant la défaite tient précisément à cette idée d'autonomie, concept autour duquel s'organisent en réalité la plupart des débats contemporains, autonomie des discours, des valeurs littéraires comme de la sphère sociale de production de la littérature et de ses espaces de réception. Pour comprendre cette notion pluridimensionnelle, il importe de revenir à la constitution du champ esthétique, espace commun dans lequel la littérature s'est trouvée embarquée en s'alignant avec les autres arts au début du XIXe siècle pour participer, à partir des Beaux-arts réduits à un même principe de Charles Batteux (1746)42, d'une sphère unique des « arts libéraux » qu'Alexander Gottlieb Baumgarten nomme « esthétique » (Aesthetica, 1750). Si la constitution de la littérature comme champ trouve ses prémisses avec les institutions et socialités du xviie siècle (académies, système de censure, célébration de l'écrivain, etc.)43, c'est au siècle suivant qu'émerge un système cohérent et autosuffisant de valeurs littéraires, considérées comme relevant non de la morale ou de la raison, mais d'un principe unifié, le Beau. Indissociable de l'individualisme moderne et de la réappropriation par l'art d'un sentiment religieux déclinant, la notion d'« esthétique » permet de rendre compte des productions artistiques indépendantes du pouvoir et valorisant la subjectivité et la liberté émergeant au XVIIIe siècle. Devenu un champ du savoir autonome, chez Kant aussi important en philosophie que la métaphysique et la morale, l'esthétique trouve vite ses premiers mystiques chez Johann Georg Hamann, qui fait de la poésie la langue maternelle de l'espèce humaine – en 1796 le « plus ancien programme systématique de l'idéalisme allemand », texte de Schelling recopié par Hegel, fait de la poésie « l'éducatrice de l'humanité » et de l'acte esthétique, « l'acte de raison suprême44 ». La conception organiciste et unifiée du Beau, qui, par opposition à l'utile, « n'a pas sa fin hors de soi et n'existe pas à cause de la perfection de quelque autre chose, mais à cause de sa perfection interne45 », trait essentiel de son autonomie, est théorisée avec enthousiasme par Karl Philipp Moritz en 1785.


Né au début du xviiie siècle chez lord Shaftesbury et radicalement nouveau, l'autre concept central de l'autonomie esthétique, la notion de « désintéressement esthétique46 » s'est d'abord développée dans l'Angleterre du xviiie jusqu'à être formulée avec radicalité chez Archibald Alison : dans ce que Jerome Stolnitz nomme une « révolution copernicienne », l'auteur des Essays on the Nature and Principles of Taste (1790) fait de la perception esthétique, plaisir gratuit de l'imagination et sensation interne, une attitude propre s'exerçant librement, en émancipant l'artiste de l'assujettissement à des catégories hétéronomes. Les célèbres idées kantiennes de « satisfaction désintéressée » du jugement artistique et de la beauté comme « finalité sans fin », développées en 1790 dans la Critique de la faculté de juger, sont ainsi l'aboutissement de cette longue élaboration philosophique, qu'accompagnent des notions nouvelles comme l'idée de liberté du jugement et de beauté pure : pour Kant, on le sait, les jugements de goût sont libres et individuels, ils accompagnent la liberté de l'imagination dans sa contemplation des formes. Parallèlement, le cercle de Iéna constitué autour des frères Schlegel avance l'idée d'un « autotélisme » du langage poétique, qui caractérise une parole qui ne parvient pas à représenter de manière transparente le monde, mais manifeste une intériorité subjective47 et fait de la forme roman, « paradigme de la poésie absolue48 », le genre par lequel seule peut se réaliser l'unité de l'être. L'ironie qui caractérise ce rêve d'absolu littéraire n'est rien d'autre que la réflexivité d'un discours qui fonctionne sur lui-même.


La distinction par rapport à l'idée d'une littérature devant représenter ou expliquer le monde en en produisant la vérité, le modèle, est radicale. Ces conceptions se diffusent en France par l'intermédiaire de Mme de Staël, qui commente de retour d'Allemagne l'idéalisme de la critique kantienne considéré comme « une application du sentiment de l'infini aux beaux-arts » mû par « l'enthousiasme » et qui est « l'image extérieure de l'idéal49 ». Le « groupe de Coppet » y contribue également, en produisant une « critique des beautés » fondée sur le sentiment50 que relaiera Chateaubriand, dans un contexte de rupture avec l'ancien régime des belles-lettres particulièrement accentué par le changement de régime politique. Dès 1804, Benjamin Constant évoque l'idée d'un « art pour l'art51 », concept qui deviendra, sans que Constant en réalise d'emblée la portée, une doctrine commune aux littérateurs dans les années 183052 en se diffusant par l'intermédiaire du journal Le Globe et par la voix de Théophile Gautier. On en sait la formulation dans la préface à Mademoiselle de Maupin (1835), qu'il faut citer dans son intégralité pour comprendre la violence polémique de cet idéalisme, largement tournée contre le progrès matérialiste : « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid ; car c'est l'expression de quelque besoin ; et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. – L'endroit le plus utile d'une maison, ce sont les latrines53. » Comme l'a montré José-Luiz Diaz, ce mouvement passe par plusieurs phases : la découverte de « l'art pur » par le second Cénacle dans les années 1827-1830, la revendication irrévérencieuse et fantaisiste de « l'art pour l'art » de Gautier et de Banville, pour aboutir au « scepticisme grandiose d'Ascète inutile de l'Art54 » de Baudelaire et de Flaubert. Parti de la poésie, il embrasse à partir de Balzac le roman. « L'art pour l'art » parvient en trois décennies à effacer les finalités, « émouvoir, apprendre et plaire », que l'âge classique avait assigné à l'art en suivant Cicéron, tout comme tout rapport au vrai : le beau, le vrai et le bien peuvent être désormais distingués55. Le geste artistique devient un geste de séparation, d'arrachement aux mondes des plaisirs et des besoins ordinaires : c'est son pouvoir d'élévation et non de véridiction qui doit opérer.


Le mot « esthétique » devient à la mode et les discours romantiques deviennent des normes du goût : selon Alain Viala56, l'idéalisation de la littérature à partir de la figure du poète, sa transformation en une véritable religion est menée en France après 1815 par Théodore Jouffroy, et surtout par Victor Cousin dans ses leçons de philosophie en Sorbonne et à l'École normale supérieure, qui influencent Sainte-Beuve et Balzac57 : tributaire du kantisme, mais aussi des frères Schlegel qu'il a rencontrés, le philosophe français, qui deviendra ministre de l'Instruction publique en 1840, avance que « ce qui fait l'art, c'est avant tout la réalisation de l'idée58 », ce qui le conduit à « revendiqu[er] l'indépendance, la dignité propre et la fin particulière de l'art59 ». Ce mouvement vers l'autonomie est global dès le début du xixe siècle : tandis que le De l'Allemagne de Mme de Staël connaît un immense succès en Europe, parallèlement, en Angleterre, Coleridge, découvreur de l'idéalisme de Iéna qu'il introduit dans le domaine anglais (en même temps qu'il traduit Goethe et Schiller), produit une métaphysique de la volonté et une méthode lui permettant de retrouver l'universel dans l'individuel, contre le rationalisme des Lumières. Il place au centre de sa tentative de synthèse – la Biographia Literaria (1817), sorte d'autobiographie mêlée de réflexions critiques – une théorie littéraire accordant un rôle central à l'imagination qui permet d'accéder à des vérités inaccessibles autrement,comme l'illustre sa propre poésie torturée, expressionniste et parfois fantastique jusqu'au délire60. ce mouvement est poursuivi par Matthew Arnold, qui s'approprie la notion de désintéressement à travers ses lectures de Sainte-Beuve et place la poésie au-dessus de tous les discours61.


Construisant sa propre théorie du beau en s'inspirant d'un néo-platonisme informé par Schlegel, Edgar Allan Poe sépare le beau de la raison et du sens moral, qu'il différencie même de la passion, « instinct immortel, profondément inscrit dans l'esprit de l'homme62 », qui lui permet d'accéder par fulgurance à une vie supérieure et harmonieuse, doctrine où se mêle une composante de l'idée moderne d'autonomie, celle d'une rationalité spécifique de l'art, faite à la fois de logique et de symétrie et interne au poème63. Baudelaire lisant Poe renvoie son esthétisme à une lutte contre l'utilitarisme supposé propre à la démocratie américaine, « pays où l'idée d'utilité, la plus hostile du monde à l'idée de beauté, prime et domine toutes choses64 ». Les connotations autodestructrices et la thématique mortifère que Poe associe à l'extase artistique contribueront durablement à la définition moderne de l'art comme s'opposant à la morale au nom des libertés de la fiction.


À ce stade, celui de la modernité, le catéchisme de l'autonomisation est constitué, ses circuits économiques opérationnels65, et la religion de l'art pourra se radicaliser, des décadents français aux esthètes victoriens, Wilde ou Pater, en se fixant comme éthique un amoralisme artiste et comme horizon esthétique la musique, art supposé le plus pur, car le plus éloigné de toute représentation du monde. Il s'agit de faire, avec Schopenhauer ou Nietzsche, de l'expérience esthétique une expérience suprême, non sans y reverser des connotations mystiques. « Aussi, êtes-vous destinés [les poètes], sous peine d'effacement définitif, à vous isoler d'heure en heure du monde de l'action, pour vous réfugier dans la vie contemplative et savante, comme en un sanctuaire de repos et de purification », prédit Leconte de Lisle dans la préface de 1852 à ses Poèmes antiques66. Cette « théorie de l'évasion esthétique67 » constitue la littérature en un système de valeurs et de références à la fois indépendant et supérieur : dans des propositions qui ont fait date et restent constamment citées aujourd'hui, Flaubert prescrit au roman de ne tenir que sur son style seul (« C'est pour cela qu'il n'y a ni beaux ni vilains sujets et qu'on pourrait presque établir comme axiome, en se posant au point de vue de l'Art pur, qu'il n'y en a aucun, le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses68 ») au détriment du sujet, tandis que Mallarmé promeut un « purisme69 » qui dénie à la langue sa capacité à accéder au réel et coupe langue poétique du langage commun. « En grève devant la société70 », dénonçant « l'Art pour tous » comme une « hérésie », car l'artiste « doit rester aristocrate71 », il en assume l'obscurité, en revendique la rareté et ouvre même, en visant de céder « l'initiative aux mots72 », un programme d'impersonnalisation où le langage poétique se passerait de l'incarnation de son auteur pour viser l'absolu d'un Livre – somme qui ne vise plus à connaître le monde, mais qui serait le monde vrai, révélé par la langue et dans la langue. Non seulement le sujet est indissociable de la forme, comme l'avait avancé le discours esthétique contre la tradition rhétorique et les normes classiques, mais, dans la mesure où la motivation du signe est désormais sentie comme arbitraire, le travail du poème est de réinventer un langage propre pour ressaisir le monde73.


À la fin du siècle, le texte littéraire n'est plus seulement destiné à représenter le monde comme le tenaient les différentes formes du réalisme, mais il tend à s'y substituer : l'idéal d'absolu littéraire assume l'isolement de la parole, le risque solipsiste, et se console de l'exil du monde par l'apologie du formalisme, c'est-à-dire de l'idée que le sujet vrai du poème serait sa manière de jouer du langage – formalisme dont la métaphysique est, chez Mallarmé, l'idée que la vérité du monde est d'essence linguistique. On sait la conclusion de l'entretien que Mallarmé donne à Jules Huret pour son Enquête sur l'évolution littéraire : « Au fond, voyez-vous, me dit le maître en me serrant la main, le monde est fait pour aboutir à un beau livre74. »


La critique littéraire a pu montrer l'ambivalence de la position mallarméenne qui n'a cessé de s'intéresser à des formes littéraires plus modestes75, mais il n'en demeure pas moins que naît à la fin du xixe français ce que Albert Thibaudet appelé un « culte hyperbolique du livre76 » où un idéal de poésie absolue, apparenté à la musique ou à l'art abstrait du poème disposé sur la page, conduit à une doctrine de l'autosuffisance de l'art, monde à soi seul existant et doté de valeur, au détriment du réel, aboutissant à ce que la Nouvelle Revue française appellera en 1947 une « littérature dégagée77 », que le poète soit le seul à restaurer la motivation originale du langage perdu dans l'arbitraire du signe selon la doctrine romantique et postromantique, ou qu'il assume cette démotivation pour jouer avec le signifiant dans une perspective moderniste à partir du formalisme russe78. Se formule – pour emprunter à Adorno sa description de la position de Paul Valéry, successeur de Mallarmé s'il en est – « une théorie de l'art [qui] voudrait encore étendre l'autonomie jusqu'au point où elle ne rencontre plus d'obstacle que la contingence79 », théorie de l'autosuffisance du langage par-delà même de la subjectivité du poète. « La parole poétique n'est plus parole d'une personne : en elle, personne ne parle et ce qui parle n'est personne, mais il semble que la parole seule se parle. Le langage prend alors toute son importance ; il devient l'essentiel80 », affirmera Maurice Blanchot en commentant Mallarmé en 1952, à l'heure où naît en France la poétique structurale, théorie littéraire ad hoc pour expliquer les écritures formalistes en germe dans le projet mallarméen81. Ainsi, l'autonomisation vis-à-vis du monde économique est suivie d'un projet plus large où l'idée même d'auteur se doit d'être dépassée, projet qui anime les poètes de Mallarmé à Valéry, T. S. Eliot et Ezra Pound. Du cosmopolitisme littéraire du début du xxe siècle aux doctrines de l'après-guerre82, c'est tout le contexte culturel, géographique et historique de l'œuvre qui se doit d'être évacué, le texte devenant sa seule loi, au risque de la tautologie. La littérature entreprend de « se recourber dans un perpétuel retour sur soi, comme si son discours ne pouvait avoir pour contenu que de dire sa propre forme », selon les mots célèbres de Michel Foucault83.


L'évolution des usages du terme manifeste ce changement. D'un point de vue sémantique, en français, le mot « littérature » vient concurrencer le terme de belles-lettres à partir des années 1735 et conserve une acception générale incluant la science et l'histoire jusqu'au xixe siècle, signification inclusive qui subsiste au demeurant encore dans certaines expressions (la méthode de « revue de littérature » en sciences exactes par exemple). Dès 1750, l'année où Baumgarten publie la première partie de son Æsthetica, on trouve des premières traces d'autonomisation dans les usages du mot (ainsi dans le règlement de la Société royale des Sciences et Belles-Lettres de Nancy, on trouve la recommandation suivante « dans les pièces de pure littérature, on aura égard à la pureté du langage84 »), mais, selon l'hypothèse de Philippe Caron, c'est dans les Salons du XVIIIe siècle que les critiques qui accompagnaient l'exercice de la parole comme plaisir mondain pour récuser l'idée de faire des belles-lettres un métier85 s'effacent, tandis que la culture du bien-dire s'éloigne de l'érudition encyclopédique issue de la Renaissance et perd peu à peu son sens « instrumental86 » en se coupant de la tradition rhétorique. Si le mot reste associé longtemps à un « certain type de socialité extérieure » et si une ambition morale, spéculative ou éducative s'associe encore à la qualité de l'expression au début du xixe siècle (c'est encore le cas chez Mme de Staël qui assure la promotion du mot « littérature » en Europe), les connotations hédonistes et anti-utilitaristes accompagnent la spécialisation du mot, qui cesse au cours du xixe siècle de pouvoir qualifier les écrits scientifiques et historiques, dont les discours se spécialisent. En sorte que, en français comme en allemand (il apparaît dans son sens moderne dans la revue fondée par Lessing, les Briefe, die neueste Literatur betreffend), et plus tardivement en anglais, le mot vient se substituer au tournant du xixe à « poésie », qui portait le sens pré-esthétique d'art du langage87. Si l'acception englobante du mot « littérature » résiste jusque tard dans le xixe siècle, une série de plus en nettes d'oppositions (« art » vs. « littérature » ou « poésie » vs. « littérature ») dégagent le mot de sa gangue d'impureté lexicale et de son sens ancien – c'est la fonction de l'idée formulée par Baudelaire en 1862 dans une lettre à Flaubert d'une « littérature pure88 » ou celle de « Poëte, ou littérateur pur » chez Mallarmé89, de « littérature d'art » chez Lanson en 189590 ou encore de « poésie pure » chez l'abbé Bremond dans les années 1920. Autrement dit, le mot littérature devient l'autre nom de l'autonomisation des belles-lettres entamée à l'époque romantique et poursuivie par les Parnassiens, à commencer par la poésie, mais aussi et rapidement des autres genres, emportés par le tournant esthétique de l'art, catégorie considérée comme commune à la littérature, à la musique et à la peinture (pensons au terme parallèle de « musique absolue » lancé en 1846 par Wagner91).


L'extension de l'idée de littérature


On me pardonnera le rappel de cette généalogie de la « souveraineté » pour reprendre la formule que privilégiait Georges Bataille92, qui visait à faire comprendre dans quel contexte « esthétique » naissait le mot « littérature » au sens moderne. Je ne commenterai pas plus les phases tardives de cette autonomisation et sa confrontation victorieuse aux doctrines marxistes réclamant un art engagé, appel problématique à l'action de l'art pour l'art dont le surréalisme et le tournant de la « nouvelle critique » sont deux moments bien connus : s'est constitué un catéchisme esthétique93, cœur doctrinal puissant que le critique Julien Benda a nommé pour mieux le critiquer dans les années 1940 le « littératurisme », c'est-à-dire, pour citer son exégète Pascal Engel, « l'exigence que la littérature forme un monde clos irréductible à tout autre discours et en particulier au discours scientifique et philosophique, mais, en même temps, qu'elle soit une sorte de genre supérieur à tous les autres, incluant aussi bien la science que la poésie, l'art et la philosophie ; le refus de lui accorder le moindre statut cognitif et la revendication de sa plus totale subjectivité, en même temps que l'affirmation de son droit quasi exclusif à accéder à la vérité ; le refus d'expliquer la création littéraire par autre chose qu'elle-même ; le refus d'associer l'œuvre d'art à d'autres valeurs que purement esthétiques et notamment à des valeurs morales94 ».


Cet ensemble de propositions constitue, il me semble, le meilleur résumé possible de la conception qui est encore largement la nôtre et qui a donc formé le modèle de l'œuvre d'art littéraire depuis le romantisme – une littérature « blanche », entée sur l'ordre subjectif (et donc autonomisée de l'impératif d'universalité), mais qualifiée par la forme, centrée sur ses propres interrogations, et compréhensible uniquement par une discipline endogène (la stylistique) ou connexe à son propre champ (la linguistique et ses dérivés : sémiologie ou narratologie). Il faut ajouter que cette idée de la littérature, désormais entrée en crise, possède deux traits un peu moins souvent notés : un idéal de valeur pour lequel la qualité est résolument opposée à la quantité (et donc à la lisibilité) et une prétention à délivrer un savoir universel et supérieur malgré son repli réflexif – dispositifs de distinction récupérés par l'élitisme républicain et son idéal méritocratique. Cet idéal-type du champ de la littérature d'action et de production restreinte informe et innerve dans une certaine mesure la littérature populaire – même pour les auteurs de best-sellers, la réussite littéraire du style et de la forme romanesques restent des valeurs déterminantes, même si l'objectif de cette réussite se dit en des termes différents, puisqu'il s'agit de plaire non à ceux qui lisent le plus, mais à ceux qui lisent peu ou ne lisent plus.


C'est donc bien la définition kantienne implicite que nous utilisons de l'art comme plaisir libre et « désintéressé95 » qui est à l'origine de notre difficulté à classer Dylan, et c'est cette définition esthétique qui nous gêne pour comprendre l'art populaire et transmédial du chanteur américain, tout autant que nombre d'autres pratiques et de formes du contemporain, qui brouillent les hiérarchies convenues du champ. Comme j'ai essayé de le montrer dans Réparer le monde : la littérature face au XXIe siècle96, une enquête sur la littérature d'aujourd'hui nous confronte de fait à une littérature pensée comme performance, action, à une intervention en dehors du cadre esthétique qui prévalait jusqu'alors. L'idée, teintée de néo-humanisme, d'un acte littéraire participe d'un retour à une « transitivité ». La notion d'autonomie de l'art se trouve critiquée au nom de la notion de relation et de l'exigence d'intervention : littératures relationnelles et littératures de terrain font de l'écriture une forme d'attention au monde et de la lecture une forme nouvelle de partage.


La relativisation des critères d'intransitivité, de désintéressement et d'autotélisme nous est indispensable pour lire les œuvres contemporaines dans leur diversité (études de terrain, fictions à projet, enquêtes, récits de témoignage, non-fictions, etc.) et comprendre l'inflexion contemporaine en direction d'une littérature d'analyse, d'alerte et d'intervention. Il en va de même des formes d'action et de performation qui occupent une partie de la création littéraire contemporaine et qui renouent avec le régime communicationnel et politique ancien de l'action rhétorique ; au risque de sembler moins innovant, voire réactionnaire si l'on pense au retour du roman réaliste, le moment contemporain retrouve un régime artistique tout autant déterminé par l'ingéniosité et le savoir-faire que par l'originalité comme unique valeur créative.


Plutôt que de parler de l'émergence d'une « non-littérature97 » qui échapperait radicalement à notre matrice conceptuelle, mieux vaut ainsi peut-être considérer que le projet d'autonomie esthétique n'aura donc peut-être été qu'une simple parenthèse et la focalisation sur la fonction poétique spécifique du langage littéraire qu'une myopie théorique : sur la longue durée, la littérature est un dispositif de médiation cognitive et affective dans le langage et par le langage, dans sa double dimension de représentation et d'action. Comme l'a montré Thomas Pavel98 en s'appuyant sur ce qu'il nomme une « histoire spéculative » du roman, les vertus cognitives, thérapeutiques, éthiques ou politiques sont aussi anciennes que la littérature elle-même et relèvent bien d'une fonction d'ordre anthropologique propre à l'activité verbale, utilisée à fin de représentation, d'analyse et de projection de la vie individuelle et sociale dans son futur – même la littérature de divertissement participe de l'exercice joyeux de nos compétences à saisir la variété des situations et modes de vie, et l'on peut gager que le principe de plaisir qui l'accompagne tient à l'entraînement à bas coût et ludique de nos fonctions cognitives.


D'un point de vue disciplinaire et épistémologique, cette sortie contemporaine de l'intransitivité, qui a été l'horizon de deux siècles de la littérature, n'est donc en rien une mort de la littérature ni des études littéraires. Elle nous impose néanmoins, je crois, un renouveau de nos objets d'étude comme de nos méthodes d'analyse, en nous ouvrant à une nouvelle interdisciplinarité où la littérature nous serait plus proche parce que ses objets seraient reconnus comme communs. Sur un plan académique, cette transformation éloigne les études littéraires de la linguistique pour la rapprocher d'autres paradigmes disciplinaires, dont les sciences cognitives et l'anthropologie. Elle l'expose au passage à des réductionnismes comme la neurobiologie ou le néo-darwinisme (pour lequel la littérature participe de la nature de l'homme en tant qu'espèce et de son évolution, comme aptitude élaborée d'adaptation à un milieu et de régulation sociale), mais la rouvre aussi à des dialogues fructueux avec des disciplines comme la sociologie ou l'éthique, comme à une interrogation nouvelle et « extralittéraire » de ses mécanismes.


L'idéalisation de l'autonomie est profondément liée à celle de l'idéalisation de la vocation, de l'inspiration, car les représentations mythifiées de l'activité et de son objet (la littérature) sont liées aux visions exaltées de ses acteurs (l'écrivain, le lettré)99. En ne se focalisant pas uniquement sur ce modèle d'ordre religieux de l'écrivain et du lettré, qui prévaut encore largement dans les consciences, s'ouvre pour la critique la possible réintégration sur la longue durée des faits du « littéraire » à la richesse des pratiques scripturales dans leur diversité, qu'il s'agisse d'en faire une pratique de distinction par la forme ou de réunion rituelle de la communauté. Ce sont les formes concrètes du recours à la littérature, telles qu'elles sont pratiquées par les écrivains, préparées par leurs médiateurs (curateurs, critiques, libraires, interprètes, pédagogues) et actualisées par les lecteurs selon des formes variables à des moments qui peuvent eux-mêmes varier, qui doivent être étudiées lorsque la littérature n'existe plus comme une idée univoque, lorsque le mot désigne presque par homonymie des pratiques « littéraires » différentes au sens global du Dictionnaire du littéraire, publié en 2002 par les sociologues et historiens Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala100, lorsque la critique prend acte de ces particularismes, lorsque l'espace prescriptif tend à se dissoudre dans un débat globalisé et numérisé. Les œuvres littéraires que nous étudions ne sont que la partie émergée d'un iceberg, celui des formes ordinaires et démocratiques du littéraire, car c'est désormais par centaines de milliers que des écrivains amateurs se réunissent dans des ateliers d'écriture ou entreprennent de raconter leur vie dans des témoignages. De la même manière que le discours sur l'art travaille désormais sur une portion mineure des pratiques artistiques réelles, les écritures ordinaires sociales, que ce soit sur Internet ou dans des communautés, sont en effet peu visibles et insuffisamment étudiées faute de cadre théorique et surtout d'une idée adéquate de la littérature.


Le champ de l'art a enregistré une crise au moins aussi ancienne et conséquente, doublement caractérisée par la dissolution de l'art dans l'industrie de la consommation culturelle et la puissance d'« artification101 » qui agrège au champ esthétique des activités qui n'en relevaient pas, comme la cuisine ou le cirque. La dévaluation du statut symbolique de l'œuvre d'art combiné à sa simplification est identifiée par Adorno dès 1953 dans un article sur le jazz, à travers le concept d'Entkunstung (« désartification102 ») ; cette modification de périmètre s'accompagne en parallèle d'une extension du champ artistique à de nouveaux objets ou pratiques dénuées de propriété conventionnellement ou formellement artistique par « artification ». Des « boîtes de Brillo » d'Andy Warhol, qui avaient tant frappé Arthur Danto et l'avait conduit à parler d'un art « anesthétique », dont l'existence impliquait que « l'art était indépendant, sur le plan philosophique, de l'esthétique103 », à la dissolution de l'art dénoncée par Yves Michaud (« L'art s'est volatilisé en éther esthétique104 »), l'art contemporain est confronté depuis plusieurs décennies à la possible désarticulation de l'artistique et de l'esthétique. À la suite d'Arthur Danto, Carole Talon-Hugon propose de libérer le champ artistique du « paradigme esthétique de l'art » qu'elle estime limitatif105 ; de son côté, avec autant de virulence, Jean-Marie Schaeffer a proposé de dire Adieu à l'esthétique, en affirmant que « la délimitation de la notion d'“œuvre d'art” est indépendante de la problématique esthétique » en sorte que « l'histoire ou l'anthropologie de la création artistique ne sauraient être réduites à celles de la production d'artefacts destinés à la réception esthétique106 », la réception esthétique étant définie par Schaeffer autant comme une doctrine ou une idéologie que comme une forme d'attention particulière, une activité cognitive intensifiée portant attention non sur l'intérêt pragmatique d'un objet, mais sur ses propriétés107. D'un côté, les œuvres artistiques, au sens d'artefacts sensibles, peuvent se dégager de l'exigence formelle réflexive associée à l'esthétique, d'un autre, l'attention esthétique peut se porter sur des objets non artistiques, mouvement sans doute plus brutal dans l'art que dans la littérature, qui a pris l'habitude depuis Montaigne d'étendre son regard à la vie ordinaire et qui s'accomplit ultimement dans une « dé-définition de l'art » : non seulement l'art n'a plus d'objet et de champ spécifique, mais il ne recourt plus à des usages spécifiques de son médium. Ainsi, tout autant que les activités, les objets et les acteurs du champ artistique semblent être soumis à ce régime de perturbation, lui-même accéléré par l'hypervalorisation des styles de vie artiste promu par le capitalisme créatif et son projet d'artification généralisée de l'expérience. Au moment même où la reproductibilité numérique et sa dataification poursuivent l'érosion de l'aura engagée par la démocratisation culturelle, les modèles de l'intervention et de la performance se substituent à ceux de l'exposition et de la représentation, en art comme en littérature, où ils avancent la capacité de l'écriture et de la lecture à changer l'individu et le monde en créant de nouvelles formes de relation.


Tel est le projet de ce livre qui s'attache à confronter les représentations portées par l'idée de littérature et les pratiques littéraires actuelles, à mettre en regard notre idée et nos usages. Je voudrais montrer comment l'idée esthétique de la littérature a configuré le champ littéraire, en a déterminé l'histoire et la géographie, en a informé la théorie des genres et l'analyse des pratiques, en a tracé la sociologie, et je voudrais expliquer comment les œuvres, les pratiques et théories contemporaines tendent à s'écarter et à reformuler ce paradigme esthétique, en substituant à la conception restreinte d'un champ restreint une idée étendue de la littérature : à opérer le passage d'un régime littéraire fermé, régi par des principes référentiels ou formels et donc de distinction, à un régime ouvert conçu où le recours à l'écrit est simplement pensé comme une activité intensive d'investissement de la langue et de subjectivation considérée avec modestie comme relevant de l'ordinaire, volontiers hétéronome et socialisée.


Barthes, reprenant la vieille question philosophique du bateau de Thésée, décrivait la littérature « tel le vaisseau Argo qui gardait toujours le même nom bien que toutes les pièces en eussent été changées peu à peu », avant de conclure que « la littérature n'est au fond que le nom stable d'une fuite incessante de concepts, de formes, d'expériences108 » : il nous incombe de réfléchir aux nouvelles pièces dont est fait le vaisseau nommé « littérature », et je souhaiterais observer le fonctionnement d'un idéal-type né il y a deux siècles en décrivant ce qui ressemble bien à son remplacement par une conception élargie et pragmatique du fait littéraire. Pour le dire autrement, il s'agira de décrire une révolution silencieuse en train de se dérouler sous nos yeux : le passage d'une littérature conçue comme sphère autonome, au périmètre étroit, se pensant comme un absolu, animé par des écrivains occidentaux, happy few producteurs d'une langue difficile pour d'autres happy few, écrivant par inspiration en se retirant de l'ordre social et se référant à l'histoire de la littérature comme champ d'intelligibilité et à la littérature comme un être possédant sa vie propre, à une littérature-monde. Éventuellement accomplie par des amateurs, potentiellement destinée au très grand public, optionnellement mêlée à d'autres arts, portant l'attention d'écriture sur des objets ordinaires, s'exerçant de manière éventuellement collaborative, rayonnant dans l'oralité ou les réseaux sociaux, cette littérature est plus directement aimantée par les questions concrètes du sujet ou ses velléités d'intervention sur le monde que par la recherche d'une célébrité éternelle et in absentia.


Loin de moi l'hypothèse que cette littérature fonctionnant en régime étendu et hétéronome, contextualisée et adressée, ait totalement remplacé la « littérature restreinte » : elle s'y superpose, elle y est coprésente et impose une analyse fine des discours. Durant toute l'ère moderne, la littérature de recherche s'oppose à la littérature de plaisir, la poésie pure à la poésie en contexte, l'écrivain s'oppose à l'écrivant, comme disait Barthes, l'artiste à l'artisan, l'éditeur indépendant à l'éditeur industriel, les vrais libraires aux épiciers, le lecteur intéressé par le texte au lecteur simplement passionné par le récit, et les catégories coexistent. Des retours aux valeurs esthétiques sont même avancés par le courant du New Aestheticism et du New Formalism109. L'aura du littéraire et la nécessité de ses intercesseurs continuent d'exercer leur puissance. En France du moins, l'institution scolaire continue de transmettre les normes et les valeurs romantiques qui sont entrées dans les manuels à l'occasion de la réforme de 1882, les doctrines de l'art pour l'art devenant un objet d'étude dans les programmes au début du xxe siècle, comme les instruments critiques qui l'escortent (l'attention à la forme, réputée indissociable du « fond » par exemple), méthodes renouvelées par l'arrivée de la « nouvelle critique » textualiste et narratologique dans les programmes des lycées des années 1980.


Un atelier d'écriture dédié à l'autobiographie n'est pas exclusif d'un recueil de poèmes hermétique, et des récits documentaires accrochés au réel peuvent s'éclaircir d'excursus littéraires, comme Le Lambeau (2018), de Philippe Lançon, récit de la reconstruction d'un homme blessé lors des attentats de Charlie Hebdo. La présence des classiques dans nos mémoires enrichit cette opposition entre une littérature instrumentale et une littérature autotélique de la mémoire d'un régime rhétorique de l'écriture, tandis que les formes de littérature grand public, qui maltraitent par maladresse la forme littéraire ou donnent l'impression de l'instrumentaliser, résistent si fortement aux analyses de la critique littéraire qu'elles en sont généralement exclues. Des formes caractéristiques de la littérature hétéronome peuvent être récupérées par un rêve d'art pour l'art, tandis que des textes pensés selon une exigence textuelle d'avant-garde peuvent être utilisés comme des viatiques – pensons aux Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes, vade-mecum du désir contemporain. À la manière de l'écriture de Marguerite Duras, dont les procédés de déconstructions et de répétitions sont devenus un poncif de l'écriture féminine grand public, ou des je-me-souviens de Georges Perec banalisés par les ateliers d'écriture en tous genres, les aventures de l'écriture, un temps les plus radicales, nourrissent dans une historicité décalée les best-sellers les plus communs – combien de peintres du dimanche pratiquent avec un siècle de retard l'impressionnisme… Le régime classique a survécu au régime littéraire, comme celui-ci survit au régime contemporain et post-littéraire – régimes qui ne sont que des idéaux-types et qui ne recoupent pas aussi parfaitement la dichotomie entre littérature de grande consommation et littérature restreinte que l'aurait voulu Pierre Bourdieu, à preuve ces formes intermédiaires offertes par les romans middlebrow, j'y reviendrai. On ne saurait sous-estimer l'extraordinaire extension du champ littéraire qui caractérise le monde contemporain – sur un simple plan sociologique, rappelons juste que, selon l'enquête de 2008 sur les pratiques culturelles des Français du ministère de la Culture, 8 % d'entre eux ont eu, dans l'année de l'enquête, une pratique du journal intime ou des notes personnelles et 6 % de l'écriture de poèmes, nouvelles ou romans. Durant le confinement du printemps 2020, une autre étude a montré que 10% des français se sont lancés dans un projet d'écriture.


Qu'il s'agisse de cette question des publics, de celle de l'histoire ou la géographie de la littérature, comme des méthodes d'analyse qui en sont proposées, il est donc essentiel de garder à l'idée que l'idéologie esthétique de la littérature restreint et conditionne notre vision du fait littéraire : ce qui est en cause dans les débats de ce début du xxie siècle, ce n'est pas la mort de la littérature, mais l'idolâtrie de l'intransitivité. On visera ainsi à l'élargissement de notre idée de la littérature en la relativisant et en réintroduisant de l'étrangeté dans les fausses évidences caractérisant un discours comme « littéraire ». L'observation des différentes dimensions de la définition esthétique de la littérature comme l'étude de leur dysfonctionnement dans le champ contemporain emporté par un mouvement multiple d'extension et de nouveaux discours montrent que l'on gagne en compréhension si l'on se refuse à faire des valeurs et des critères de la littérature autonomisée les seules normes du littéraire – et, au contraire, à les opposer à d'autres théories du littéraire. L'appétence extensive et inclusive qui caractérise certaines tendances contemporaines permet précisément de mieux comprendre dans sa spécificité le régime esthétique de la littérature, sa définition, en sortant celle-ci d'une essentialisation et d'une personnalisation qui n'en sont qu'un trait idéologique, en la dotant d'une histoire externe et d'un cadre interprétatif à la fois plus large et épistémologiquement décentré des catégories littéraires traditionnelles d'obédience essentiellement linguistique. Au contraire, afin de comprendre les nouvelles cultures du texte et les sauts définitionnels qu'ils imposent à la notion de littérature, on gagne à accueillir des interprétations croisées du fait littéraire, que ce soit du côté des sciences cognitives ou de l'anthropologie culturelle, qui insistent sur sa fonction et ses effets, ou du côté des approches pragmatiques pour lesquelles l'œuvre d'art doit être considérée comme un projet et une relation et non comme une fin en soi.


Un dernier point de méthode : ce livre ne vise ni à déplorer la dissolution de la littérature « proprement littéraire », pour emprunter une expression à Pierre Michon110, dans des formes variées d'expressivité, ni, au contraire, faire l'apologie aveugle des écritures transitives, sociales, amateurs ou expérimentales qui dérogent aux normes de l'autonomie : je souhaite décrire, non promouvoir ou condamner a priori, les mutations de l'idée de littérature et de ses théories. Certes, la description et la prise en compte de cette conception extensive de littérature, qui intègre des formes de vie littéraires élargies, est assurément riche d'intérêt tant épistémologique qu'institutionnel : le périmètre des départements de lettres et la relation de l'institution académique à la société s'étendent assurément si l'on inclut dans les formations des ateliers d'écriture, la francophonie, les études culturelles ou bien des approches interdisciplinaires avancées avec d'autres départements universitaires ; de même, notre appréhension du fait littéraire s'enrichit si l'on y agrége les écritures autobiographiques amateures, le slam ou encore les fanfictions. Sans imposer de choix, si cet essai parvient à interroger les principales constituantes de notre définition de la littérature en même temps que les dynamiques d'extension qui s'y opèrent, il aura atteint son but.




1 Anna North, « Why Bob Dylan Shouldn't Have Gotten a Nobel », The New York Times, 13 octobre 2016, en ligne : https://www.nytimes.com/2016/10/13/opinion/why-bob-dylan-shouldnt-have-gotten-a-nobel.


2 Bijan Stephen, « Nobel Failure », Vice News, 13 octobre 2016, en ligne : https://news.vice.com/en_us/article/wjpqnm/bob-dylan-is-a-legend-but-he-doesnt-deserve-his-nobel-prize.


3 Matthew Schnipper, « Op-Ed : The World Does Not Need Bob Dylan, Nobel Prize Winner in Literature », Pitchfork, 13 octobre 2016, en ligne : http://pitchfork.com/thepitch/1321-op-ed-the-world-does-not-need-bob-dylan-nobel-prize-winner-in-literature/.


4 Claro, « L'incroyable vérité sur l'affaire du prix Dylan de littérature attribué à Bob Nobel (sic) », Le Clavier Cannibale, 13 octobre 2016, en ligne : http://towardgrace.blogspot.com/2016/10/lincroyable-verite-sur-laffaire-du-prix.html.


5 Tim Stanley, « A World that Gives Bob Dylan a Nobel Prize Is a World that Nominates Trump for President », The Telegraph, 13 octobre 2016, en ligne : https://www.telegraph.co.uk/news/2016/10/13/a-world-that-gives-bob-dylan-a-nobel-prize-is-a-world-that-nomin/.


6 Cité par Milcar Jeff Dorce, « Bob Dylan – prix Nobel : mort de la littérature ou la littérature vers de nouvelles voies ? », 26 octobre 2016, en ligne : http://ayibopost.com/bob-dylan-prix-nobel-mort-de-la-litterature-ou-la-litterature-vers-de-nouvelles-voies/.


7 Serge Kaganski, « Pourquoi Bob Dylan mérite le prix Nobel de littérature », Les Inrockuptibles, 13 octobre 2016, en ligne : https://www.lesinrocks.com/2016/10/13/actualite/bob-dylan-merite-prix-nobel-de-litterature-11872014/.


8 Michel Schneider, « Dylan nobélisé : “Et pourquoi pas le Nobel de physique aux Bogdanov ?” », Le Point, 13 octobre 2016, en ligne : http://www.lepoint.fr/culture/dylan-nobelise-et-pourquoi-pas-le-nobel-de-physique-aux-bogdanov-13-10-2016-2075800_3.php.


9 Fernando Arrabal, « Fernando Arrabal sur le Nobel de littérature », Le Monde, 23 octobre 2016, en ligne : https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/23/le-palmares-des-poetes_5018743_3232.html.


10 Nathalie Heinich, Être écrivain : création et identité, Paris, La Découverte, coll. « Armillaire », 2000, p. 34-35.


11 M. J. Dorce, « Bob Dylan – prix Nobel », art. cit.


12 Voir « De Gaulle est-il un écrivain ? », Slate.fr, 4 juin 2010, en ligne : http://www.slate.fr/story/22525/de-gaulle-bac-litterature.


13 Alfred Nobel, Testament, 27 novembre 1895, en ligne : https://www.nobelprize.org/alfred_nobel/will/will-full.html.


14 Voir Andrew Goldstone, Fictions of Autonomy : Modernism from Wilde to De Man, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 192.


15 The New Academy, en ligne : https://www.dennyaakademien (non consultable à la date de rédaction de ce livre).


16 Pierre Jourde, La Littérature sans estomac, Paris, L'Esprit des péninsules, 2002 ; Jean-Philippe Domecq, Qui a peur de la littérature ?, Paris, Mille et une nuits, 2002, et Misère de l'art, Paris, Calmann-Lévy, 1999.


17 Richard Millet, Désenchantement de la littérature, Paris, Gallimard, 2007. Voir aussi, du même auteur, Le Dernier Écrivain, Saint-Clément, Fata Morgana, 2005 ; Harcèlement littéraire : entretiens avec Delphine Descaves et Thierry Cecille, Paris, Gallimard, 2005, et L'Opprobre : essai de démonologie, Paris, Gallimard, 2007, essai où Millet se délecte de la démonisation ayant suivi ses discours apocalyptiques.


18 Renaud Camus, « La Grande déculturation », éditorial no 45 du site In-nocence, décembre 2007, en ligne http://www.in-nocence.org/pages/parti/editoriaux/edit_45_main.html ; texte repris et augmenté dans La Grande Déculturation, Paris, Fayard, 2008.


19 Lionel Ruffel, Le Dénouement, Lagrasse, Verdier, coll. « Chaoïd », 2005.


20 Jean Bessière, Qu'est-il arrivé aux écrivains français ? D'Alain Robbe-Grillet à Jonathan Littell, Loverval, Labor, coll. « Liberté j'écris ton nom », 2006.


21 William Marx, L'Adieu à la littérature : histoire d'une dévalorisation, xviiie-xxe siècle, Paris, Éd. de Minuit, coll. « Paradoxe », 2005.


22 Dominique Maingueneau, Contre Saint Proust ou la fin de la littérature, Paris, Belin, 2006 ; Tzvetan Todorov, La Littérature en péril, Paris, Flammarion, coll. « Café Voltaire », 2007. Voir aussi Johan Faerber, Après la littérature : écrire le contemporain, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2018.


23 Michel Foucault, La Grande Étrangère : à propos de littérature, édité et présenté par Philippe Artières, Jean-François Bert, Mathieu Potte-Bonneville et Judith Revel, Paris, Éd. de l'EHESS, coll. « Audiographie », 2013, p. 75.


24 Ibid., p. 82-83.


25 Maurice Blanchot, « La recherche du point zéro » [1953], in Le Livre à venir, Paris, Gallimard, 1959, p. 246-255, cit. p. 250 ; rééd., coll. « Folio Essais », 1986, p. 275-285, cit. p. 279.


26 Maurice Blanchot, « Les deux versions de l'imaginaire » [1951], in L'Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 266-277, en particulier p. 268-273.


27 John Barth, « The Literature of Exhaustion », Boston, The Atlantic, août 1967, p. 29-34 ; repris dans The Friday Book : Essays and Other Nonfiction, New York, Putnam, 1984, p. 62-76. Sur la comparaison entre l'exhaustion américaine et l'épuisement français, voir Dominique Rabaté, Vers une littérature de l'épuisement, Paris, J. Corti, 1991, p. 190 sq.


28 Alvin B. Kernan, The Death of Literature, New Haven (Conn.), Yale University Press, 1990.


29 Voir Lars Iyer, « Nude in Your Hot Tub, Facing the Abyss (A Literary Manifesto After the End of Literature and Manifestos) », The White Review, novembre 2011, en ligne : http://www.thewhitereview.org/feature/nude-in-your-hot-tub-facing-the-abyss-a-literary-manifesto-after-the-end-of-literature-and-manifestos/.


30 R. Millet, Désenchantement de la littérature, op. cit., p. 33.


31 Voir Kôjin Karatani, « La fin de la littérature moderne », Fabula-LhT, no 6 (« Tombeaux de la littérature »), mai 2009, en ligne : http://www.fabula.org/lht/6/karatani.html.


32 Enrique Vila-Matas, Bartleby et compagnie, trad. de l'espagnol par Éric Beaumatin, Paris, C. Bourgois, 2003. Sur cette idée, voir aussi le bel essai de Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres : “I would prefer not to”, Paris, Hazan, 1997.


33 Voir Antoine Volodine, Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, Paris, Gallimard, 1998, passim.


34 Mathurin Régnier, « Satyre IIII. A Monsieur Motin », in Les Premieres Œuvres de M. Regnier, Paris, Toussaincts du Bray, 1608, p. 12.


35 Voir Dominique Viart et Laurent Demanze (dir.), Fins de la littérature, Paris, Armand Colin, 2012, et Fabula-LhT, no 6 (« Tombeaux de la littérature »), mai 2009, en ligne : http://www.fabula.org/lht/6/.


36 Charles-Augustin Sainte-Beuve, « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré » [22 avril 1850], in Causeries du lundi, t. II, 3e éd., Paris, Garnier frères, 1857, p. 44-62, ici p. 60, en ligne : https://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/sainte-beuve/sainte-beuve_causeries-du-lundi-ed-03_02?q=pline#body-3.


37 Voir Michel Murat, Le Romanesque des lettres, Paris, J. Corti, coll. « Les Essais », 2018.


38 W. Marx, L'Adieu à la littérature, op. cit., p. 12.


39 Pierre Bourdieu, Les Règles de l'art : genèse et structure du champ littéraire, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Libre examen. Politique », 1992 ; nouv. éd. revue et corrigée, 1998, p. 481.


40 Voir Jean-Marie Schaeffer, Adieu à l'esthétique [2000], Paris, Éd. Mimésis, coll. « L'Esprit des signes », 2016, p. 61, et Terry Eagleton, The Ideology of the Aesthetic, Malden (Mass.), Oxford, Blackwell, 1990, p. 4.


41 Voir en particulier J.-M. Schaeffer, Adieu à l'esthétique, op. cit., p. 10 sqq.


42 Voir l'article classique de Paul Oskar Kristeller, « The Modern System of the Arts : A Study in the History of Aesthetics », Journal of the History of Ideas, (I), vol. 12, no 4, octobre 1951, p. 496-527 et (II), vol. 13, no 1, janvier 1952, p. 17-46. Trad. fr. : « Le système moderne des arts », in Le Système moderne des arts : étude d'histoire de l'esthétique, trad. de l'anglais par Béatrice Han, Paris, Jacqueline Chambon, 1999, p. 9-109.


43 Voir Alain Viala, « Pour une périodisation du champ littéraire », in Clément Moissan (dir.), L'Histoire littéraire, Québec, Les Presses de l'université Laval, 1989, p. 96.


44 « Le plus ancien programme systématique de l'idéalisme allemand » [1795-1796], in L'Absolu littéraire : théorie de la littérature du Romantisme allemand, textes choisis et présentés par Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Poétique », 1978, p. 53-54. L'attribution du texte reste discutée (voir ibid., note 2, p. 39).


45 Karl Philipp Moritz, « Sur le concept d'achevé en soi » [Über den Begriff des in sich selbst Vollendeten, 1785], in Le Concept d'achevé en soi et autres écrits, 1785-1793, textes présentés et traduits par Philippe Beck, Paris, PUF, coll. « Philosophie d'aujourd'hui », 1995, p. 83.


46 Voir Jerome Stolnitz, « On the Origins of “Aesthetic Disinterestedness” », The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 20, no 2 (Winter, 1961), p. 131-143.


47 Voir Jean-Marie Schaeffer, La Naissance de la littérature : la théorie esthétique du romantisme allemand, Paris, Presses de l'École normale supérieure, coll. « Arts et lettres », 1983, p. 25.


48 Ibid., p. 35.


49 Mme de Staël, De l'Allemagne, 2e éd., t. III : La philosophie et la morale, Paris, H. Nicolle, 1814, p. 87-88.


50 François-René de Chateaubriand, « Sur les Annales littéraires, ou De la littérature avant et après la Restauration ; ouvrage de M. Dussault (février 1819) », in Œuvres complètes, Paris, Ladvocat, 1826, t. XXI : Mélanges littéraires, p. 335-318, cit. p. 350. Voir Jean-Thomas Nordmann, La Critique française au xixe siècle (1800-1914), Paris, Le Livre de poche, 2001, p. 32.


51 « Dîner avec Robinson, écolier de Schelling. Son travail sur l'esthétique de Kant. Idées très ingénieuses. L'art pour l'art, et sans but ; tout but dénature l'art. Mais l'art atteint au but qu'il n'a pas » (21 pluviôse an XII, 11 février 1804). Benjamin Constant, Journaux intimes, édition intégrale des manuscrits autographes, publiée pour la première fois avec un index et des notes par Alfred Roulin et Charles Roth, Paris, Gallimard, 1952, p. 58.


52 Voir John Wilcox, « La genèse de la théorie de l'art pour l'art en France », Revue d'esthétique, t. VI, fasc. i, janvier-mars 1953, p. 1-26 ; version en anglais : « The Beginnings of l'Art pour l'Art », Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 11, no 4, 1953, p. 360-377, en ligne : https://www.jstor.org/stable/426457. Voir aussi Albert Cassagne, La Théorie de l'art pour l'art en France chez les derniers romantiques et les premiers réalistes, Paris, Librairie Hachette, 1906 ; Rose Frances Egan, « The Genesis of the Theory of “Art for Art's Sake” in Germany and in England », Smith College Studies in Modern Languages, Part I (July 1921), Part II (April 1924), et Irving Singer, « The Aesthetics of “Art for Art's Sake” », The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 12, no 3, mars 1954, p. 343-359, en ligne : https://www.jstor.org/stable/426977 ; Carole Furmanek, « Tentatives de relégation – “l'art pour l'art”, “la poésie pure”, malentendus et constructions idéologiques douteuses », in Marie Blaise et Sylvie Triaire (dir.), De l'absolu littéraire à la relégation : le poète hors les murs, en ligne : https://www.fabula.org/colloques/document2436.php.


53 Théophile Gautier, Préface [mai 1834] de Mademoiselle de Maupin, double amour, Paris, Eugène Renduel, 1836 [1835], 2 vol., t. I, p. 5-76, cit. p. 47.


54 José-Luis Diaz, « L'autonomisation de la littérature (1760-1860) », Littérature, no 124 (« Histoires littéraires »), décembre 2001, p. 7-22, cit. p. 18, en ligne : https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_2001_num_124_4_1727.


55 Voir Harold Schweizer, « Literary Autonomy : The Growth of a Modern Concept », in The Cambridge History of Literary Criticism, vol. 6 : The Nineteenth Century, c. 1830-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 231-250, p. 240 sq.


56 Alain Viala, « Littérature restreinte et démocratie restreinte : retour à Victor Cousin », Communications, no 99, 2016/2, p. 33-40, p. 34, en ligne : https://www.cairn.info/revue-communications-2016-2-page-33.htm.


57 Voir A. Cassagne, La Théorie de l'art pour l'art, op. cit., p. 39-40.


58 Victor Cousin, Du vrai, du beau et du bien [1836], 2e éd. augmentée d'un appendice sur l'art français, Paris, Didier, 1854, p. 190. Sur l'héritage kantien de Cousin, voir Marguerite Murphy, « Pure Art, Pure Desire : Changing Definitions of “l'art pour l'art” from Kant to Gautier », Studies in Romanticism, vol. 47, no 2, Summer 2008, p. 147-160, en ligne : https://www.jstor.org/stable/25602139.


59 V. Cousin, Du vrai, du beau et du bien, op. cit., p. 198.


60 Sur la théorie de l'imagination, élaborée en opposition à Wordsworth, voir notamment Samuel Taylor Coleridge, Biographia Literaria ; Or Biographical Sketches of My Literary Life and Opinions, London, G. Bell, 1817, chap. xiii, p. 139-144 ; Raimonda Modiano, « Coleridge as Literary Critic : Biographia Literaria and Essays on the Principles of Genial Criticism », in Frederick Burwick (dir.), The Oxford Handbook of Samuel Taylor Coleridge, Oxford, New York, Oxford University Press, 2009, p. 204-236. Sur la dette de Coleridge à l'égard des philosophes allemands, de Kant à Schelling, voir notamment ses propres déclarations dans Biographia Literaria, op. cit., chap. ix, p. 66-75 ; Paul Hamilton, Coleridge and German Philosophy : The Poet in the Land of Logic, London, Continuum, 2007.


61 Jay Karl Ditchy, The Influence of Sainte-Beuve on Matthew Arnold, thesis, Ann Arbor (Mich.), University of Michigan, 1913, en ligne : https://archive.org/details/influenceofsaint00ditc.


62 « An immortal instinct, deep within the spirit of man, is thus, plainly, a sense of the Beautiful » : Edgar Allan Poe, « The Poetic Principle », Home Journal, no 36, 31 août 1850, en ligne : https://www.eapoe.org/works/essays/poetprnb.htm ; je traduis.


63 Voir notamment Claude Richard, Edgar Allan Poe journaliste et critique, Paris, Librairie C. Klincksieck, coll. « Études anglo-saxonnes », 1978, p. 534-553 ; George Kelly, « Poe's Theory of Beauty », American Literature, Duke University Press, vol. 27, no 4, janvier 1956, p. 521-536, en ligne : https://www.jstor.org/stable/2922338.


64 Charles Baudelaire, « Notes nouvelles sur Edgar Poe » [1857], in Œuvres complètes, t. II, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la pléiade », 1976, p. 319-337, cit. p. 328. Voir Michel Brix, « Baudelaire, “disciple” d'Edgar Poe ? », Romantisme, no 122 (« Maîtres et disciples »), 4e trimestre 2003, p. 55-69, en particulier p. 67, en ligne : https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_2003_num_33_122_1221.


65 Voir Martyn Lyons, Le Triomphe du Livre : une histoire sociologique de la lecture dans la France du xixe siècle, trad. de l'anglais, Paris, Promodis, Éd. du Cercle de la librairie, 1987.


66 Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Paris, Marc Ducloux, 1852, p. ix-x.


67 « Escapist theory », selon les mots de H. Schweizer, « Literary Autonomy », art. cit., p. 245.


68 Gustave Flaubert, lettre à Louise Colet, 16 janvier 1852, en ligne : https://flaubert.univ-rouen.fr/jet/public/correspondance/trans.php?corpus=correspondance&id=9900.


69 Stéphane Mallarmé, prière d'insérer de Divagations [Paris, Bibliothèque Charpentier, Eugène Fasquelle, 1897], in Œuvres complètes, t. II, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003, texte p. 81-277, dossier p. 279-338, notice, notes et variantes p. 1610-1680, cit. p. 1610.


70 Jules Huret, Enquête sur l'évolution littéraire, Paris, Bibliothèque-Charpentier, 1891, p. 61-62.


71 S. Mallarmé, « Hérésies artistiques. L'Art pour tous » [L'Artiste, 15 septembre 1862], in Œuvres complètes, t. II, op. cit., p. 360-364, cit. p. 360, 362.


72 S. Mallarmé, « Crise de vers », dans Divagations [1897], in Œuvres complètes, t. II, op. cit., p. 204-213, cit. p. 211.


73 Voir en particulier Gérard Genette, « Formalisme et langage poétique », Comparative Literature, vol. 28, no 3 (« Contemporary Criticism : Theory and Practice »), Summer, 1976, p. 233-243.


74 J. Huret, Enquête sur l'évolution littéraire, op. cit., p. 65.


75 Voir notamment Bertrand Marchal, « Introduction » aux Œuvres complètes de Mallarmé, t. I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. ix-xli, p. x-xii ; Jean-François Hamel, Camarade Mallarmé : une politique de la lecture, Paris, Éd. de Minuit, coll. « Paradoxe », 2014, et Pascal Durand, Mallarmé : du sens des formes au sens des formalités, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Liber », 2008.


76 Albert Thibaudet, La Poésie de Stéphane Mallarmé : étude littéraire [1912], 5e éd., Paris, Gallimard, 1930, p. 451.


77 « Vive la littérature dégagée », répondra Jean Paulhan à Sartre en bandeau de l'un de ses Cahiers de la Pléiade (no 2, avril 1947).


78 Sur ce basculement, voir Patrice Maniglier, « Du mode d'existence des objets littéraires : enjeux philosophiques du formalisme », Les Temps modernes, no 676, mai 2013, p. 48-80.


79 Theodor W. Adorno, « Les écarts de Valéry » [Valérys Abweichungen, 1960], in Notes sur la littérature [Noten zur Literatur], trad. de l'allemand par Sibylle Muller, Paris, Flammarion, 1984, p. 101-139, cit. p. 139.


80 Maurice Blanchot, « L'expérience de Mallarmé » [1952], in L'Espace littéraire, op. cit., p. 30-41, cit. p. 34.


81 Voir Vincent Kaufmann, La Faute à Mallarmé : l'aventure de la théorie littéraire, Paris, Éd. du Seuil, coll. « La Couleur des idées », 2011.


82 Je suis ici le métarécit d'Andrew Goldstone, Fictions of Autonomy, op. cit., passim.


83 Michel Foucault, Les Mots et les Choses : une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 1966, p. 313.


84 Cité par Philippe Caron, Des « belles-lettres » à la littérature : une archéologie des signes du savoir profane en langue française (1680-1760), Louvain, Paris, Bibliothèque de l'information grammaticale, 1992, p. 171.


85 Voir, par exemple, les Réflexions sur l'utilité de la littérature de Sallengre (1715) citées par Philippe Caron, ibid., p. 324.


86 Voir P. Caron, Des « belles-lettres » à la littérature, op. cit., p. 189.


87 Sur le concept en allemand, voir Robert Escarpit. La Définition du terme littérature, projet d'article pour un dictionnaire international des termes littéraires, extrait des Comptes rendus du 3e Congrès de l'Association internationale de littérature comparée, Utrecht, 21-26 août 1961, Bordeaux, Université de Bordeaux, s. d., p. 5, qui cite l'exemple du Compendium der deustchen Litteratur-Geschichte de E. J. Koch, paru en 1790. Sur l'anglais, voir Clark Thomas Pollock, The Nature of Literature, Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1942, p. 5 sq.


88 Charles Baudelaire, lettre à Gustave Flaubert, 31 janvier 1862, in Correspondance, t. II, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, avec la collaboration de Jean Ziegler, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1973, p. 225-226, cit. p. 225.


89 S. Mallarmé, « Grands faits divers », chapitre « Confrontation », dans Divagations [1897], in Œuvres complètes, t. II, op. cit., p. 260-264, cit. p. 242, cité par J.-L. Diaz, « L'autonomisation de la littérature », art. cit., p. 21.


90 Gustave Lanson, Histoire de la littérature française [1895], 14e éd., Paris, Hachette, 1920, p. 1090 ; chapitre VI, III, vi en ligne : http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/critique/lanson_histoire-litterature-francaise ?q=genres#body-7-3-6.


91 Voir Carl Dahlhaus, Die Idee der absoluten Musik, Kassel, DTV, 1978.


92 Georges Bataille, Manet, Genève, Skira, 1983 (voir en particulier p. 35-36).


93 J'emprunte l'expression à M. Brix, « Baudelaire, “disciple” d'Edgar Poe ? », art. cit., p. 63.


94 Pascal Engel, Les Lois de l'esprit : Julien Benda ou la raison, Paris, Ithaque, 2012, p. 182.


95 Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger [1790], livre I : « Analytique du Beau », § 2.


96 Voir mon livre Réparer le monde : la littérature face au xxie siècle, Paris, J. Corti, coll. « Les Essais », 2017.


97 Voir la proposition du colloque de Lausanne, « “Écritures” contemporaines : production, publication et réception de la (non) littérature », 24 janvier 2020 (https://www.fabula.org/actualites/ecritures-production-publication-et-reception-de-la-non-litterature-lausanne_90990.php) ou bien Gaëlle Théval, « Non-littérature ? », Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2017-3 | 2018 (« Littératures expérimentales »), en ligne : https://journals.openedition.org/itineraires/3900.


98 Voir Thomas Pavel, La Pensée du roman, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2003.


99 Voir N. Heinich, Être écrivain, op. cit.


100 Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala (dir.), Le Dictionnaire du littéraire, Paris, PUF, 2002.


101 Concept introduit et développé par Nathalie Heinich et Roberta Shapiro dans De l'artification : enquêtes sur le passage à l'art, Paris, Éd. de l'EHESS, coll. « Cas de figure », 2012. Voir aussi le numéro de la Nouvelle Revue d'esthétique, « Artification / désartification », no 24, 2019/2.


102 Il affirme alors : « L'art est privé de son caractère artistique » [Kunst wird entkunstet] (Theodor W. Adorno, « Mode intemporelle. Au sujet du jazz » [1953], in Prismes : critique de la culture et société [Prismen, 1955], trad. de l'allemand par Geneviève et Rainer Rochlitz, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 1986, p. 102-113, cit. p. 113]. L'expression Entkunsting der Kunst, « désartification » ou « désesthétisation de l'art » apparaît dans la Théorie esthétique [Ästhetische Theorie, 1970], trad. de l'allemand par Marc Jimenez, Paris, Klincksieck, « Collection d'esthétique », 1989, p. 34-36. Voir l'article de Philippe Lacoue-Labarthe, « Remarque sur Adorno et le jazz : (D'un désart obscur) », Rue Descartes, no 10, juin 1994, p. 131-141.


103 Arthur Danto, Ce qu'est l'art [What Art Is, 2013], trad. de l'anglais (États-Unis) par Séverine Weiss, postface d'Olivier Quintyn, Paris, Questions théoriques, Post-Éditions, 2015, p. 171.


104 Yves Michaud, L'Art à l'état gazeux : essai sur le triomphe de l'esthétique, Paris, Stock, coll. « Les Essais », 2003, p. 9.


105 Voir Carole Talon-Hugon, L'Art victime de l'esthétique, Paris, Hermann, coll. « Hermann Philosophie », 2014. Voir aussi pour le domaine de la peinture, Jacqueline Lichtenstein, Les Raisons de l'art : essai sur les théories de la peinture, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2014.


106 J.-M. Schaeffer, Adieu à l'esthétique, op. cit., p. 59.


107 Ibid., p. 40-41.


108 Roland Barthes, « Préface à l'Encyclopédie Bordas » [1970], in Œuvres complètes, nouvelle édition revue, corrigée et présentée par Éric Marty, t. III (1968-1971), Paris, Éd. du Seuil, 2002, p. 627-631, cit. p. 627.


109 Voir Sascha Bru, Ben De Bruyn, Michel Delville (dir.), Literature Now : Key Terms and Methods for Literary History, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2016, p. 205-207.


110 Pierre Michon, « D'abord, contemporain » [1989], in Le roi vient quand il veut : propos sur la littérature, textes réunis et édités par Agnès Castiglione, avec la participation de Pierre-Marc de Biasi, Paris, Albin Michel, 2007, p. 13-20, cit. p. 19.




Alexandre Gefen

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