Atelier

Puisqu'aucune période n'existe naïvement, l'historien de la littérature a le droit de s'inventer des moments particuliers. Mieux vaut qu'il réfléchisse alors aux possibilités historiographiques. Avec tous les problèmes qu'une telle délimitation comporte, le critique alléguera par exemple la Fin-de-siècle, dont les caractères sont aussi définis par les œuvres. Ou encore, pour renouer avec les vieilles traditions, la considération d'un art symboliste, du décadentisme aideront à fixer l'historicité des textes par rapport à une délicate chronologie de la création. Avec le même souci des instants et des époques, les interprètes doivent se poser la question de l'évolution des œuvres singulières. Y a-t-il plusieurs Racine ? au moins deux, peut-être plus ? Ces interrogations ne portent qu'à deux conditions, que les scansions suggérées aient une pertinence herméneutique (et non pas seulement qu'elle répètent des connaissances biographisantes) et qu'elles ne servent pas de coupure absolue. Une œuvre est toujours plusieurs, de façon marquée ou évanescente. Parfois les différences sont plus liées à l'élection formelle qu'au temps, comme chez Maupassant qui joue plus essentiellement entre textes courts et longs qu'entre des moments distincts. Il n'empêche, l'évolution historique est toujours à considérer, elle ne peut être réglée d'avance au nom d'une « vision d'ensemble ». N'avoir cure que de masses textuelles revient à liquider pratiquement l'histoire dans le processus dynamique d'écriture et de lecture, et à confondre unité et singularité.

Laurent Dubreuil

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Dernière mise à jour de cette page le 29 Janvier 2003 à 14h04.