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Des centrements. Coups d'œil sur la sémiotique à Paris 8, par Michel Costantini

Dossier Banlieues de la théorie (textes initialement parus dans l'Agenda de la pensée contemporaine, 10, printemps 2008).




Des centrements
Coups d'œil sur la sémiotique à Paris 8



Décentrement: espèce de déplacement; suppose que la place dont on se dé-gage soit conçue ou ressentie comme un centre. Ci-dessous, un éloge du décentrement fondé sur l'expérience du passé, enthousiaste et péripatétique, forgé dans l'épreuve du présent, ambigu et périphérique, alimenté par l'attente du futur, par définition incertain et par principe radieux. Des centrements successifs donc sur le triple présent d'Augustin, présent d'énonciation présente, présent d'é-vocation du passé, présent de pro-jection vers le futur. Qu'on me pardonne ces traits d'union qui dés-unissent, car ils sont l'une des figures du dé-centrement.


Dates: soit esquisse d'un réseau récent de l'Opus Verbi


1963: Emile Benveniste, devant l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dit, puis  couche par écrit une «belle étude», aux dires milanais de Roman Jakobson, intitulée «Coup d'œil sur le développement de la linguistique».

1974: Jakobson prononce à Milan, en ouverture du premier congrès de l'Association Internationale de Sémiotique, «Coup d'œil sur le développement de la sémiotique», où il traite de «belle étude» l'article de Benveniste intitulé «Coup d'œil etc.», dont on se souviendra avec Gérard Dessons, enseignant à Paris 8, dans son livre de 1993 sur Emile Benveniste (2006: 30, note 1) qu'il est lui-même «un clin d'œil au premier chapitre du Cours de linguistique générale [de Saussure] «coup d'œil sur l'histoire de la linguistique». Que de coups pour un seul clin! Un second peut-être,

2006: mon sous-titre s'accroche à ces titres, comme une vigne à son espalier (concept mis en avant, et qu'exemplifie l'Elpénor de Giraudoux, par Henri Blanc, enseignant à Paris 8 Vincennes, dans «Un récit en espalier»), je m'appuie sur ces titres,nanus gigantum humeris insidens, selon le mot de l'éminent grammaticus Bernard de Chartres, un du vieux réseau, avec Jean de Salisbury, qui nous transmit ce mot, et quelques autres, au douzième siècle.

1982: Jean-Claude Coquet, enseignant à Paris 8 ([Centre expérimental de] Vincennes puis Vincennes-Saint-Denis), de 1969 à 1996, aujourd'hui émérite, baptise «Ecole de Paris» ce regroupement de collègues et disciples d'Algirdas Julien Greimas dont il fait partie.

1993: François Rastier s'étonne, feint de s'étonner, s'indigne, feint de s'indigner, lors d'un colloque Hjelmslev à San Marino: «Un sémioticien français affirmait naguère que la sémiotique était née en 1966!» — date de parution de l'important article de Greimas «Eléments pour une théorie de l'interprétation du récit mythique», dans Communications  8 (pp. 28-60), ainsi que de son livre Sémantique structurale.

2006: S'étonner d'un tel étonnement, s'indigner d'une telle indignation face à cette assertion selon laquelle ce dernier ouvrage serait fondateur de la sémiotique. Oui, la sémiotique a quarante ans! Car, si un sémioticien digne de ce nom ne saurait cacher sinon par cette ingratitude que dénonce François Rastier au cours d'une démonstration dont on retiendra tout, sauf précisément ce point de la naissance, ne saurait cacher ceux qui furent à San Marino nommés ses «oncles influents», soit, plus ou moins selon les personnes et les moments: «Husserl, Merleau-Ponty, Jakobson, Benveniste, Coseriu, mais aussi Wölfflin, Panofsky, Cassirer»; si un sémioticien digne de ce nom ne peut davantage ignorer, sinon en faisant montre d'une insupportable autant que stupide présomption, que la réflexion sur le signe – la signification, le sens, la signifiance… – remonte, de même que la femme selon Alexandre Vialatte, à la plus haute Antiquité (ou, si l'on veut préciser, à la philosophia des Grecs — pas la femme, mais la sémio-logie, discours sur le signe!); si un sémioticien digne de ce nom ne saurait nier, sauf à d'une certaine façon se contredire gravement, que le nom même de sa discipline, illustré dans l'alpha de sa forme et l'oméga de son acception par le titre de Kristeva en 1969, Sémèiotikè, repose sur un emploi au moins aussi vieux que Galien – en un sens médical certes, relatif au diagnostic, mais on est «en droit de penser, sans anachronisme, que le mot (…) a toujours eu au moins potentiellement le sens plus général qui lui a été donné à l'époque moderne, pour parler de l'étude générale des signes» –, reste que le propos de Rastier est fort injuste, donc en l'occurrence faux, s'agissant d'une sémiotique qui dans son paraître «oublie» peut-être parfois ses sources, mais dans son être au moins nécessairement les prolonge — les interprète, les infléchit, les contredit, les retrouve, bref les travaille.

Tout simplement parce qu'il s'agit de savoir quel est le centre — fût-il mobile ou provisoire, fût-il plutôt du regard que du regardé —, le centre d'où l'on part pour vivre tous ces décentrements, pour les vivre comme autant de centrements successifs. Autrement dit: quoique le même Roman Jakobson ait nommé le même Augustin, l'évêque d'Hippo Regius, non seulement «le génial penseur <des signes> du cinquième siècle» (post Christum) dans son article tchèque de 1933 sur le film, mais encore et plus précisément — cédant de fait à la tentation très grecque de chercher toujours et sans cesse le premier, ho protos, tentation contre laquelle s'élève Rastier — l'ait considéré comme le «premier théoricien du cinéma», selon l'expression d'un entretien de 1967, il ne viendrait à l'idée de personne de décréter acte de naissance de la sémiotique du cinéma, ni au demeurant de la sémiotique générale, le De doctrina christiana ou telle section du De Trinitate. Le centre — fût-il mobile ou provisoire, fût-il plutôt du regardant que du regardé — est au départ nécessaire et nécessaire au départ, comme il appert de la métaphore althussérienne des deux trains, en attendant celle du tramway. La sémiotique subjectale est celle qui prend le train en marche (il n'y a pas de commencement), et ne sait pas où il va (il n'y a pas de fin), mais discerne et s'attache à décrire les positions factuelles et mouvantes de l'entre-deux (c'est le parcours de la distance).


Point de vue et millefeuilles


D'emblée d'ailleurs sont plusieurs centres, celui du réseau (e.g. Greimas 1966), celui de l'objet global (e.g. «le sens»), celui de l'objet local (e.g. «la langue»), celui de l'énonciation (e.g. Paris 8, 2006, la présente rédaction). Ainsi peut-on s'interroger: comment naît le sens? Comment se représenter la genèse du sens? Autres questions de naissance, autres questions (peut-être absurdes ou métaphysiques) que la sémiotique, qui n'entend pas se substituer à la philosophie – contrairement à quelques provocations éparses autant que tactiques – ne visait pas à travailler, pendant deux décennies au moins préférant ceci avec une vigueur quasi excommuniante: comment le sens se manifeste-t-il, comment rendre compte de la façon, des multiples façons, dont il se manifeste? Questions beaucoup plus modestes, en effet, qui font son labeur quotidien depuis quarante ans, avec tous les excès et toutes les impasses dont il est loisible d'établir l'inventaire. Quant aux réponses: pour qu'il y ait sens, il suffit qu'il y ait identité et différence; pour qu'il y ait sens, il suffit qu'il y ait déplacement d'un centre. Si l'on s'en tient à la lettre de l'une ou l'autre de ces affirmations, on n'obtiendra rien. Si l'on s'en tient avec intelligence et souplesse à la première, on pratiquera une sémiotique statique. Si l'on s'accorde à prendre en compte la seconde, on optera pour une sémiotique dynamique. C'est cette seconde démarche qui est au cœur de la sémiotique dionysienne, que baptiser ainsi définit adéquatement et triplement en sa forme décentrée, décalée — décalée, décentrée du nom de Denys (encore un, l'Aréopagite, du vieux réseau, avec sa puissante théorie de la circulation du sens), du lieu d'installation (à la suite de Denis l'acéphale, cet habitat banlieusard), de l'origine vincennoise enfin, où l'on voit qu'on erre, quand on confond celle-ci, l'origine, le ho protos, avec l'arkhè, le «ce-à-partir-de-quoi», commencement non seulement déduit et décrété, mais potentiellement fragile et labile, tout dépendant qu'il est d'un point de vue.

Et en effet, le point de vue crée l'objet. Sentence révérée, répétée, contestée, détestée, souvent inouïe. Car elle engage, et pas un peu, le Sujet (quelle cécité, dès lors, puisque la phrase est authentiquement ou crue sûrement saussurienne, de penser que Saussure, en tout cas le saussurianisme ne suspend pas le Sujet, mais l'évacue, l'abolit, et tel un bibelot, le jette aux oubliettes!). Le point de vue: où ce dernier se situe, d'où il voit — et parle. Que le Sujet bouge, l'Objet aussi — passons de même pour lui à la majuscule —, ses limites, ses contours, son modelé — ombres et lumières —, l'intensité de ses stries et de ses renflements, l'apparence de ses distinctions et de ses symétries, etc. Exemple de bougé: au nom de Benveniste, étudier l'énonciation quand le dogme imposait de l'exclure. Mais que dit, en vrai, le dogme, en tout cas la première épître d'Algirdas à ses apôtres, qui souvent d'ailleurs, à trop vouloir le servir, le desservirent, zélotes démesurément zélés? Elle parle d'un «paramètre de subjectivité, non pertinent pour la description et qu'il faut par conséquent éliminer du texte (à moins que l'analyse n'ait choisi ce paramètre comme objet de description)». Bouger, c'est choisir un autre paramètre, un autre point de vue. Souffler n'est pas jouer, bouger n'est pas trahir. Tel est, sur ce parcours, le premier déplacement, ici dit de paramètre, qui sera ailleurs tout simplement dit déplacement d'intérêt, d'insistance, de focalisation, voire de dominante: la présence, la manifestation, les choix — et leurs conséquences — du sujet agissant ou énonçant deviennent l'objet privilégié de l'étude.

Mais il y a plus, on maintiendra décidément les majuscules. Le point de vue du Sujet crée l'Objet. La sémiotique est ce perpétuel changement d'angle, ou de focale. Réglé, pas sauvage, articulé, pas anarchique, hiérarchique (on parlait de Denys). A chaque point de vue correspond un objet? Alors il nous faut, tout de même que récuser l'amalgame externe, refuser la confusion interne. Le premier, qui reste souvent anonyme, porta parfois un nom, comme «sémanalyse», laquelle contrevient au principe hérité mais reformulé, selon lequel si un objet est descriptible, analysable, etc. d'un point de vue, alors nécessairement il l'est d'un autre, mais en aucune façon simultanément, Georges Devereux (éponyme du centre de recherches en ethnopsychiatrie de Paris 8) le rappela fermement en son temps; la seconde peut être décrite comme aplatissement des niveaux, qui contrevient au principe de Fabbri, entre mille autres, selon lequel le sens est un feuilletage, question centrale s'il en fut. Ce feuilletage suppose en sémiotique une minutieuse distinction, une forte articulation, et le sens de la conversion. Là comme souvent ailleurs, Roman Jakobson ouvre les voies, mais la sémiotique doit aller plus loin. Ainsi, pour le premier point, même caricaturales peut-être les propositions de Jan Šabršula sont représentatives: afin de préciser une terminologie «pas assez générale», celle de l'Ecole de Prague, il faudrait ajouter au rang des plèmes celui des sémions, surmonté par celui des épisémions élémentaires puis des épisémions complexes. Sur le second point,  la critique que Jean-Claude Coquet a formulée dès 1972 de la fameuse proposition jakobsonienne d'équivalence, s'interrogeant sur le rapport d'«interdépendance entre chaque niveau» et soulignant que ce qui manque à celle-là, ce sont «les règles qui assujettissent ces niveaux les uns aux autres», ou, vingt ans plus tard, l'insistance de Henri Quéré sur l'économie interne du dispositif de référence (sc. ici le parcours génératif façon Greimas), qui est selon lui «axée sur la stratification des instances qui présentent alors un aspect feuilleté et ramifié» le montrent à l'envi; enfin, la position d'Herman Parret, surprenante peut-être aux yeux de certains, pour qui la conception dynamique ou «énergétique» du feuilletage, «contre tout structuralisme fixiste» est une conquête greimassienne, doit être prise au sérieux — ce serait, sur le point de l'histoire, un recentrage.


Déplacements du centre


Il fallait une métaphore pour le Sujet. Il fallait un acteur pour la métaphore, c'est un danseur qui l'obtint. «Le danseur est un centre (paradigmatique) qui se déplace à travers l'espace; ajoutons maintenant et dans le temps (syntagmatique)», écrivit un jour Jean-Claude Coquet, phrase qui devait devenir, transformée dans sa lettre mais non dans son esprit, et — en cela semblable au Mèdeis eisitô… de l'Académie platonicienne —, gravée sur le front des têtes sémioticiennes autant que dans le marbre des frontons dionysiens, «Le sujet est un centre qui se déplace à travers l'espace et le temps». S'il en va ainsi, la conséquence des centrements successifs est un parcours de distance. Distance entre deux termes, deux concepts, deux représentations. Distance entre deux personnes – ce qui m'éloigne ou me rapproche de toi – proxémique, dit-on. Distance entre deux acteurs, l'énonciateur et l'énonciataire, si le geste, ou l'attitude mouvante, si le motus ou le gestus véhiculent un message, et distance entre les deux distances, qui engagent le sens différemment, etc.

Distances: sont l'objet de toutes nos attentions.
Distance: la parcourir sans cesse.
Distance (bonne): ne jurer que par elle.

Tel est le triple credo, telles les trois idées reçues, ou à faire recevoir, de notre sémiotique.

Quand on décentre une fois, on ne cesse de décentrer — quelques temps d'arrêt qu'il convienne de s'imposer, quelque longueur que ces temps doivent durer. Décentreur d'un jour, décentreur toujours; décentrer, c'est une maladie chronique, jeux de la diachronie et mouvements au cœur de la synchronie. Renversements et dosages, inversion de dosages, flux et reflux, dominantes alternées et cœtera. Le décentrement isolé, unique a ses pièges que Henri Meschonnic (même université, même département, partenaire de boxe du sémioticien: un compagnon de palestre, en somme) rappelait fortement, incantatoirement, polémiquement, et donc discutablement : si tu décentres simplement, si tu décentres une fois pour toutes, tu ne fais que changer de centre monolithique, tu ne changes pas l'idée de centre, tu changes, tout au plus, de strabisme.


De la construction des systèmes à l'instanciation discursive

Observons maintenant, et pour en terminer avec le présent du passé et le présent du présent, ce déplacement majeur qui, en deux décennies (1975-1995), par l'invention de l'instance énonçante, permit d'opérer le passage «du principe d'immanence (le principe de la visée structuraliste, réduisant le langage à une organisation formelle et logique, et excluant le réel comme inconnaissable) au principe de réalité, selon lequel langage et réalité sont considérés comme continus l'un à l'autre et indissociables» (Sylvain Dambrine, Paris 8). Primat de l'effectuation discursive sur le système et la structure, qui chercher à prendre au sérieux et dans tous ses prolongements l'apophtegme benvenistien: nihil est in lingua quod non prius fuerit in oratione. Et qui entraîne une conséquence – historiquement apparue comme un préalable: le déplacement de l'Objet au Sujet, tout le Sujet, plein, clivé, en quête, non-Sujet, non-Sujet fonctionnel, en perpétuelle alternance de fixations et de mouvements, ce qui se dit aussi métastabilité.


De l'Objet au Sujet

Wang Lunyue (docteur de Paris 8), qui a réfléchi sur les mouvements de détour, de détournement, et de retour, rappelle opportunément l'expression chinoise «dix mille mutations sans quitter le centre», qu'il thématise précisément sous le nom de «détour». Et comme ce détour ne fait pas quitter le centre, mais, à le bien comprendre, ne sert qu'à approfondir ce dernier, il n'est pas étonnant que le Sujet se trouve «sans souci de retour», comme dans un poème de Wang Wei, où celui-ci — le JE — se rend au pied du mont Chung-nam, marche jusqu'au lieu où tarit la source, et attend, assis, que se lèvent les nuages. «Sans souci de retour», non qu'il continue de cheminer de l'avant, toujours en quête, car il a trouvé; non qu'il ait trouvé l'autre, et que, parvenu là, il ne vive plus, ou se survive sans plus, mais parce qu'il s'en est toujours-déjà retourné, qu'il a trouvé le Même, dans la confusion entre monde intérieur et monde extérieur, entre «sentiment» et «paysage». La figure que prend l'ajustement est la demeurance à deux faces, celle du Sujet en ce topos où la vie universelle se poursuit – printemps enfui, automne déjà tardif, le printemps n'est plus loin – et demeurance de l'Objet, au sens psychico-mnémonique dans le déploiement du temps du Sujet : le sage, le noble conserve en lui le parfum du printemps jusque dans l'autre saison. Le rapport du  Sujet à l'Objet s'est déplacé, il n'est pas de quête et d'appropriation mais d'approche, d'allonge et de fusion.

Il a été noté que la «prise d'indépendance épistémologique» – le premier déplacement signalé –, qui se déclarera ainsi – deuxième déplacement–, dans les termes de la subjectalité, est étroitement liée au choix du corpus. Et c'est ainsi que la tradition d'insertion de la sémiotique générale — forcément générale — dans une problématique spécifique — comme lieu d'épreuve — de littérature française, pour en prendre la délimitation la plus restrictive, se retrouvera, organisant la confluence de la sémiotique standard et de la sémiotique subjectale, dans l'ouvrage d'un sémioticien de Paris 8 encore: Denis Bertrand, en son Précis de sémiotique littéraire (Nathan Université, 2000).


Du majeur au mineur

 C'est de ce point de vue que Sylvain Dambrine montre cette pratique d'intervention d'Act Up, le zap, comme transformant l'instance du corps, «instance de passage des relations de pouvoir», en instance «de force et de production de pouvoir, instance de forçage». Ce dernier est alors à lire comme l'effectuation d'actions excédant tant le champ des conduites et des actions possibles dans lequel cette effectuation a lieu que le mode de régulation de ce champ d'actions et son mode de prévisibilité. Et de ce fait, produisant les conditions d'efficience du discours minorisé.

Tout, dans cette sémiotique de déplacements successifs — du système à l'instance discursive, de l'Objet au Sujet, du majeur au mineur — appelle à ce que la discipline retrouve sa vocation, être critique et radicale. Dimension bien perdue, mais quand aujourd'hui [2008] des instances politiques du plus haut niveau, juste dans l'exacerbation ostentatoire d'un Zeitgeist beaucoup plus général, ont «besoin d'une histoire par jour» (Denis Bertrand, Paris 8), que leur devise de pragmatiques «la représentation (du monde) cède le pas à l'action (sur le monde)», doit en vérité s'entendre comme «l'action (efficiente) cède le pas à la représentation (spectaculaire)», quand le centre du pouvoir, tenu qu'il est par les «permanents du spectacle» (Marie-José Mondzain), s'obstine à cacher en exhibant, on peut être certain que la discipline de tout ce qui «ne cache ni ne dit, mais signifie», que la sémiotique, narrative et visuelle notamment, mais s'orientant décisivement et par un nouveau décentrement dans une démarche critique en cette crise, a de beaux jours devant elle.


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Décentrement permanent. Se déplacer sans cesse, se décentrer toujours, mais avec lucidité et cautèle. Déambuler certes, mais pas à l'image de ceux qui, cheminant par les places, croient trop souvent avoir derrière eux ce qui se trouve devant. Illorum tanquam cœci ambulant per plateas, plerunque anteriora posteriora putantes… Ainsi, au commencement de son De vulgari eloquentia, parlait Dante Alighieri.


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Michel Costantini

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Dernière mise à jour de cette page le 22 Septembre 2013 à 10h10.