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Florilège III Corpus et Critique du perfectionneur Textes classiques recherchent perfectionneur pour une collaboration réussie…

Les textes sont extraits de la nouvelle édition Christian Bourgois du Livre de l'Intranquillité de Bernardo Soares, traduit du portugais par Françoise Laye, présenté par Robert Bréchon et Eduardo Lourenço, publiée en 1999. La numérotation des textes correspond à celle de cette édition.

A commencer par Le Roi Lear (texte 289) Si j'avais écrit Le Roi Lear, j'aurais été pris de remords ma vie durant. Parce que cette œuvre est si grande que ses défauts paraissent énormes, ses défauts monstrueux tout autant que les détails, parfois minimes, qui surgissent entre des scènes que l'on devine la perfection qu'elles auraient pu avoir. ce n'est pas le soleil avec des taches ; c'est une statue grecque brisée. Tout le texte est truffé d'erreurs, d'absence de perspective, d'ignorances, de fautes de goût, de faiblesses et de négligences. Ecrire une oeuvre d'art ayant la taille exacte nécessaire pour accéder à la grandeur, et la perfection absolue nécessaire pour être sublime – personne au monde ne possède le don divin permettant de le faire, ni la chance de l'avoir fait. Ce qui ne peut sortir d'un seul jet souffre ensuite des imperfections de notre esprit. (…)

Shakespeare, bis repetita vs Heine le grand (texte 289) Aucun drame de Shakespeare ne peut nous satisfaire à l'égal d'un poème de Heine. La poésie de Heine est parfaite, alors que tous les drames, de Shakespeare ou d'un autre, sont imparfaits. Pouvoir construire, bâtir un Tout, composer quelque chose de semblable au corps humain, possédant une parfaite correspondance entre toutes ses parties et sa vie, une vie fondée sur l'unité et la congruence totales, unifiant la diversité d'aspects en ses deux parties !

Le(beau) corpus du perfectionneur (texte 290) …Des projets – je les ai eus tous ! L'Iliade que j'ai composée possédait une logique dynamique, un enchaînement organique de ses épodes qu'Homère ne pouvait obtenir. La savante perfection de mes vers – auxquels il ne manque que d'être accomplis par des mots – laisse lion derrière elle la précision de Virgile et la force de Milton. Les satires allégoriques que j'ai imaginées surpassent toutes Swift par la précision symbolique des détails, liés entre eux de façon rigoureuse. Et combien d'Horace, combien de Verlaine n'ai-je pas été ! … La critique des romantiques (texte 249) (…) Nous appelons « romantiques » aussi bien les grands qui ont échoué que les petits qui se sont révélés. En fait, ils n'ont pas d'autre point commun que leur évidente sentimentalité ; mais chez les uns, la sentimentalité désigne l'impossibilité d'utiliser activement son intelligence ; chez les autres, elle désigne l'absence de l'intelligence elle-même. Un Chateaubriand et un Hugo, un Vigny et un Michelet sont le fruit de la même époque. Mais un Chateaubriand est une grande âme qui a rapetissé ; un Hugo est une âme médiocre, qui a enflé avec le vent de son temps ; un Vigny est un homme de géni, obligé de prendre la fuite ; un Michelet est une femme obligée, elle, de devenir un homme de génie. Chez leur père à tous : Jean-Jacques Rousseau, se trouvent les deux tendances réunies. (…) Le déclin des idéaux classiques a fait de tous les hommes des artistes virtuels et, par conséquent, de mauvais artistes. Lorsque le critère de l'art était une construction solide, un respect scrupuleux des règles, bien peu pouvaient se risquer à être artistes, et parmi ceux-là, la plupart étaient fort bons. Mais lorsque l'art cessa d'être considéré comme une création, pour devenir l'expression des sentiments, alors chacun put devenir artiste, puisque tout le monde a des sentiments.



Julia Peslier

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Dernière mise à jour de cette page le 26 Janvier 2005 à 18h19.