Atelier


L'Analyse pragma-énonciative des figures. Journée CONSCILA du 19 octobre 2007

Anna Jaubert, Université de Nice Sophia-Antipolis, ILF, CNRS UMR 6039

Dire et plus ou moins dire. Analyse pragmatique de l'euphémisme et de la litote



Les figures dites de « style » sont aussi et probablement avant tout, des supports d'actes de langage. Des actes qui, on le sait, pour se faire reconnaître, exigent la prise en compte de leur contexte d'énonciation, et qui, de ce fait, sont à proprement parler des actes de discours. Une telle conception nous conduira à dépasser, ou du moins à neutraliser partiellement, la traditionnelle typologie opposant figures de mots et figures de pensée. C'est une énonciation autre, problématisante, que met en scène le langage figuré. « Le sens est ce qui répond à la question du sens » (Wittgenstein, et problématologie de Meyer) : toute « différance » (si fugitive soit elle) frappant la désignation des choses enclenche un questionnement. C'est à travers lui que se manifeste le point de vue qui littéralement fait sens. Cette subjectivité quintessenciée, libre de marques indexicales (les embrayeurs ou déictiques ne sont pas nécessairement au rendez-vous), et néanmoins fortement conditionnée par le contexte, nous invitera à réfléchir sur l'acte modalisateur lui-même, que telle ou telle figure manifeste.


Pour promouvoir une théorisation des figures qui dépasse les classements formels répertoriant les lieux d'un écart constaté (morphologique, syntaxique, sémantique... par contraste avec un mode de désignation plus transparent), nous nous intéresserons non plus au comment (qui reviendra à son heure), mais au pourquoi, ou plus exactement au pour quoi faire des figures Ainsi proposerons-nous l'analyse couplée de deux d'entre elles, bien connues mais parfois mal distinguées, l'euphémisme et la litote. Ces figures sont co-orientées sémantiquement, puisque toutes deux pratiquent le moins disant, mais elles divergent dans leur visée pragmatique, puisque l'une dit moins pour (tenter de) faire entendre moins (en gros pour « adoucir » le caractère inquiétant du référent), et que l'autre au contraire dit moins pour faire entendre plus : c'est le célèbre « je ne te hais point » de Chimène. Une analyse énonciativo-pragmatique pourra, selon nous, rendre compte de cette bifurcation dans la construction du sens : l'implicite du discours et sa composante dialogique y auront leur mot à dire (il n'est pas étonnant que dans son ouvrage sur l'implicite C. Kerbrat-Orecchioni sollicite abondamment la litote et jamais l'euphémisme). La polarité négative du message, qui fait de la litote un acte de dénégation, est-elle constitutive de la figure ? Dans une approche qui articule valeur illocutoire et valorisation du parcours signifiant, un corpus d'interactions théâtrales nous aidera à faire le point.



Anna Jaubert

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Dernière mise à jour de cette page le 16 Septembre 2007 à 0h40.