La métalepse, conçue comme franchissement de la frontière entre deux mondes "celui que l'on raconte et celui où l'on raconte" (Figures III, page 245), donne forme aux lieux où s'origine le procès narratif fictionnel et, par la multiplicité des ses usages et la fréquence de sa présence, établit la primauté de la question de la fiction dans l'histoire des théories poétiques et esthétiques depuis Aristote jusqu'aux théories du Nouveau Roman. C'est ainsi que les relations entre littérature et réalité dans l'histoire littéraire des deux derniers siècles s'organiseraient selon trois grandes tendances correspondant aux diverses évaluations du procédé de la métalepse : la métalepse "involontaire" c'est-à-dire, chez Balzac ou Dumas, la métalepse à fonction narrative de régie et non esthétique qui appartient à "l'ère des certitudes mimétiques" où l'écrivain conçoit le texte dans sa subordination à un réel tout puissant ; la métalepse à fonction autoreprésentative qui coïncide chez Ricardou ou Robbe-Grillet avec une "autonomie de la fiction" et une immanence du récit ; la métalepse à fonction dissolutive qui brise aussi bien la clôture du réel que la clôture de la fiction pour instaurer l'espace poreux d'échange et d'ambiguïtés que dessinent nombre de récits contemporains. Cette cartographie est cependant précisément d'échapper partiellement à la vectorisation périodique pour désigner plus largement un territoire où Cervantès et Queneau sont habitants d'un même monde où, au XVIè siècle comme au XXè siècle, la littérature et le réel s'y laissent appréhender selon ce même rapport de confusion paradoxale.
L'étude du procédé narratif de la métalepse offre un angle d'approche sur la question des indices de fictionnalité et ouvre sur celle de l'histoire de la perception de la fiction par ceux-là même qui la produisent.
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