Revue
Nouvelle parution
XVIIe siècle, n° 295 :

XVIIe siècle, n° 295 : "Liens jaloux au XVIIe siècle"

Publié le par Marc Escola

Malgré l’apparence de condamnation morale et religieuse dont elle est traditionnellement l’objet, la jalousie, motif partout allégué des actions humaines, relève en fait du paysage social le plus ordinaire, des évidences morales les mieux partagées par les contemporains. Le pari de ce numéro est de prendre au sérieux l’omniprésence, dans les textes du XVIIe siècle, du paradigme de la jalousie. Les contributions réunies amorcent, par leur richesse, une véritable archéologie de la jalousie à l’âge classique, laquelle livre son lot de surprises.

Le dossier a pour double ambition de ne vouloir ignorer ni l’historicité de ce langage culturel de la jalousie au XVIIe siècle, ni la dimension anthropologique de ses enjeux. Du point de vue de son historicité, il s’avère que le moment absolutiste est profondément marqué, sur le plan des émotions partagées, par la jalousie, pour trois raisons. Premièrement, la faveur donne au souverain des moyens d’action et lui permet de se constituer une élite de courtisans, suscitant affection, désir et jalousies multiples. Deuxièmement, la figuration de la souveraineté royale se trouvant aimantée par celle de la jalousie divine, le monarque absolu, enivré d’émulation et entouré de jalousies en tout genre, y compris celles d’ennemis nécessaires à sa gloire, se prend au piège de l’illusion de l’unité avec ses sujets, dénoncée par Machiavel. La troisième raison concerne l’individu : subjectivation à chaque fois singulière et prise dans des réseaux de relations plurielles.

Ce que révèle l’ensemble de ce volume, c’est que toute recherche se fonde sur une anthropologie plus ou moins explicitée. Les sciences humaines reposent aujourd’hui sur l’idée que le monde est régi par le jeu des intérêts et par les rapports de force qu’il induit. La jalousie nous invite à déplacer ce regard. Elle nous conduit à reconnaître le caractère primitif du lien, et sa fragilité. Si les réflexions d’un philosophe, d’une psychanalyste, d’une historienne, convergent en faisant ressortir l’irréductibilité de la jalousie à l’intérêt, celles des littéraires, en l’occurrence tous également spécialistes d’histoire culturelle, bousculent aussi la théorie.

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Sommaire

Hélène Merlin-Kajman – Introduction

Gérald Sfez – Machiavel et le maléfice de jalousie

Marcianne Blévis – « Il s’étrangeait de moi » : la jalousie dans les Mémoires de Marguerite de Valois

Michèle Fogel – Des mots de plus à propos des Mémoires de Marguerite de Valois

Gérald Sfez – Post-scriptum à l’article de Marcianne Blévis

Anne Régent-Susini – « Dans le lit même de son époux » : le prédicateur et le Dieu jaloux

Hall Bjørnstad – « Jaloux de sa gloire » : cinq observations à propos d’une émotion absolutiste

Delphine Amstutz – La Faveur et la Jalousie. Gouverner par l’émotion dans la France du premier XVIIe siècle

Lise Forment – La racine qui se voulait élever plus haut que la corneille : réflexions sur un parallèle

Éva Avian – Donner l’avantage aux lecteurs : le style dénué de jalousie des Fables

Hélène Merlin-Kajman – Être ou ne pas être jaloux : brefs aperçus littéraires sur la subjectivation par la jalousie

Varia

Marie Lezowski – Trésors cachés. Enfants et jeunes filles en quête de richesses invisibles dans la Toscane méridionale du XVIIe siècle

Jean-Yves Vialleton – Les titres des lettres dans les recueils épistolaires : le cas du Recueil Faret

Comptes rendus

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