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Variations, n° 27 :

Variations, n° 27 : "Soziale Medien / Social Media / Réseaux sociaux"

Publié le par Marc Escola (Source : Antony Kussmaul)

Variations # 27 (2020)

 

CfP : "Soziale Medien / Social Media / Réseaux sociaux"

 

Le développement des réseaux sociaux que l’on observe depuis plus d’une décennie a marqué un tournant majeur dans l'utilisation de l'Internet. La fréquentation assidue de plateformes sociales telles que Facebook, Instagram, Youtube ou encore Twitter fait apparaître clairement qu’ "une fois de plus,  l’ensemble des moyens employés par les gens pour se rendre visibles au monde, et rendre le monde visible pour eux, a subi une réorientation substantielle en ce qui concerne les nouveaux dispositifs servant à immortaliser des moments et à les partager " (« once again, the entire set of ways people make themselves visible to the world, and make the world visible to them, has undergone a substantial reorientation with respect to new devices that capture and share », Jurgenson 2019 : 2). La dimension visuelle de la communication numérique, en particulier, se double parfois même de l’espoir de créer par la "normalisation, l'exagération et la mise en relief" des formes d’expression (« Typisierung, Überzeichnung und Pointierung ») un code émotionnel compréhensible à l'échelle mondiale et susceptible de surmonter les barrières linguistiques conventionnelles (Ullrich 2019 : 11). Le cahier thématique intitulé "Soziale medien/ Social media/ Réseaux sociaux" de la revue comparatiste Variations se focalisera ainsi sur les formes narratives, photographiques, cinématographiques mais aussi et surtout textuelles, de ce que l’on appelle le Web 2.0.

Les réseaux sociaux sont devenus un véritable facteur culturel exerçant une influence considérable sur le contenu, la production et la réception de la littérature. Les théories de la lecture ne sont pas les seules à souligner que les "espaces d'affinité" (« affinity spaces ») avec leurs "trajectoires multiples orientées par les intérêts" (« multiple interest-driven trajectories ») contrôlent les processus de réception et privilégient les formes textuelles qui correspondent aux conventions de genre des "récits numériques" (« digital narratives ») (Vlieghe/Muls/Rutten 2016 : 26). De plus, le "changement de dispositif technique" (« Shift im technischen Dispositiv ») (Gellai 2018 : 4) est depuis longtemps devenu le sujet même de textes littéraires et essais qui ont intégré de manière durable les comportements, les idéologies et l'esthétique de l'ère du numérique. Comme le suggèrent notamment l'essai scénique Rein Gold (2013) d'Elfriede Jelinek ou le "Roman-Twitter"(« Twitter-Roman ») Lookalikes (2011) de Thomas Meinecke, la littérature contemporaine – pour le dire sans ambages – oppose  les positions des " pessimistes du Net" (« Netzpessimisten ») à celles des "optimistes du Net" (« Netzoptimisten ») (Hayer 2017 : 75), soulignant d’un côté les dimensions régressives, isolationnistes et totalitaires de la communication en ligne, de l’autre ses moments ludiques, émancipateurs et fédérateurs. Le fait que les réseaux sociaux et la valeur de la connectivité deviennent des thèmes centraux de la littérature et des théories du Net s’observe également au travers d’un changement de paradigme dans la "poésie numérique" (« digital poetry »). Dans son étude Aesthetic Animism, David Jhave Johnston a fait remarquer en ce sens que l'orientation esthétique et thématique de la cyberpoésie dans la période "post-internet" ne se réfère plus utopiquement aux pôles de "l'indépendance et de la vision" (« independence and vision »), mais place plutôt un "mélange incertain de plateforme et de processus" (« uncertain blend of platform and process ») au centre du débat artistique (Johnston 2016 : 57).

À la lumière de ces considérations, les contributions pour le nouveau numéro de Variations devront s’inscrire dans le cadre des pistes de réflexion suivantes :

1) Écritures de la connectivité

Le Cercle (2013) de Dave Eggers compte sans aucun doute parmi les romans portant sur les réseaux sociaux les plus lus dans le monde. De même que GRM de Sibylle Berg (2019), Vernon Subutex (2015-2017) de Virginie Despentes, Les Tweets sont des chats (2013) de Bernard Pivot ou encore Love in the Age of Microblogging (圍脖時期的愛情, 2011) de Wen Huanjian (聞華艦), pour ne citer que quelques exemples, de nombreux textes, outre le livre à succès d'Eggers, abordent le sujet des réseaux sociaux d’une manière esthétiquement innovante en rendant l'espace d'expérience défini par les techniques culturelles numériques telles que les "partages & likes", les "fake-news", les "clouds" et les "bulles de filtres" narrativement tangible. Dans ce contexte, la question des stratégies narratives qui se rapportent à la connectivité, à l'échange et à la sérialisation et qui traitent, dans le contenu, des processus d'écriture de l'ère du numérique, est particulièrement intéressante.

2) Théories auctoriales dans l’univers du numérique

Le Web 2.0 a, de façon originale, soulevé la question des conceptions littéraires relatives au statut d’auteur. De même qu’il est possible pour les écrivains d'attirer l'attention sur eux-mêmes en tant que personnes et sur leur travail par le biais d'un "façonnement de soi" (« self-fashioning ») particulier dans les réseaux sociaux, on peut observer, à la faveur de la transition numérique, d’autres dynamiques culturelles dans le "domaine littéraire" qui ne touchent pas seulement à des aspects essentiels du droit d'auteur au travers du "partage" des textes, mais aussi, entre autres, au "contenu généré par l'utilisateur" (« user generated content ») qui se manifeste sous la forme de critiques littéraires et de "fanfictions" écrites collectivement au sein des forums. La méthode de la "lecture à distance" (« distant reading ») de Franco Moretti (cf. 2013) et l'esthétique du copier-coller de "l'écriture non créative" (« uncreative writing ») d'auteurs tels que Kenneth Goldsmith (2011) et Vanessa Place (cf. 2015) ne sont que deux approches parmi d’autres que l’on peut envisager pour saisir les transformations de la compréhension traditionnelle du statut d’auteur dans le domaine des sciences et de la littérature (sur Goldsmith/Place cf. Haensler 2019). 

3) Cyberpolitiques

Comme cela apparaît clairement dans les débats publics, les réseaux sociaux détiennent, dans le domaine politique, un potentiel explosif considérable. On s’accorde ainsi peu ou prou à dire que la société est plongée dans une phase de transition historique. Les intellectuels s’emparent du phénomène des réseaux sociaux pour sensibiliser la population aux dangers de la surveillance et de la manipulation. Les ambivalences intrinsèques à ce phénomène émergent lorsque la force subversive et mobilisatrice des réseaux sociaux joue un rôle dans l’apparition et la propagation de mouvements tels que les "Printemps arabes", les manifestations à Hong Kong ou les "Fridays for Future". La question des thèmes, des acteurs et de la localisation médiatique du discours politique sur le Web 2.0 se pose ainsi également en dehors de la sphère littéraire et artistique.  

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Variations est une revue trilingue établie à l'Université de Zurich et spécialisée dans le domaine des sciences comparatives, culturelles et médiatiques. Les articles peuvent être rédigés en allemand, en anglais ou en français.

Les propositions pour le numéro 27 (2020) peuvent être soumises jusqu'au 9 février 2020 sous la forme d'un résumé (300-400 mots) accompagné d'une courte bio-bibliographie à l'adresse suivante : variations@rom.uzh.ch.

La sélection et l'édition des contributions seront effectuées dans le cadre d'un processus d'évaluation par les pairs. Les candidats recevront une réponse du comité de rédaction d'ici la fin du mois de février 2020.

Les articles rédigés devront être soumis au plus tard le 31 mai et ne devront pas dépasser 32 000 caractères (espaces compris).

La revue paraîtra au cours de l'été 2020 et sera publiée par la maison d’édition Winter Verlag sise à Heidelberg.

Vous trouverez de plus amples informations sur la revue à l'adresse suivante :

www.variations.uzh.ch

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Sources

Sibylle Berg: GRM. Brainfuck, Köln 2019.

Dave Eggers: The Circle, New York 2013.

Kenneth Goldsmith: Uncreative writing : managing language in the digital age, New York 2011.

Szilvia Gellai: Netzwerkpoetiken in der Gegenwartsliteratur, Stuttgart 2018.

Philippe P. Haensler: Stealing styles. Goldsmith and Derrida, Place and Cixous, in: Orbis Litterarum. Volume 74 (2019), Issue3, 1–18.

Björn Hayer: Das multiple Ich. Gegenwartsliterarische Identitätskonstruktionen im Spiegel der neuen Medien: Jelinek, Kehlmann, Glavinic, Meinecke, in: Monika Wolting (Hg.): Identitätskonstruktionen in der deutschen Gegenwartsliteratur, Göttingen 2017, 65–77.

Wen Huanjian (聞華艦): Weibo shiqi de aiqing / Love in the Age of Microblogging ( 圍脖時期的愛情,2011), Shenyang, PR China: Shenyang Publisher, 2011; Online: www.weibo.com/wbsqdaq?page=23&pre_page01&end_id=3524183151207743&max_msign=-1#1356145648785 (zuletzt abgerufen am: 17.12.2019)

Elfriede Jelinek: Rein Gold. Ein Bühnenessay, Hamburg 2013.

David Jhave Johnston: Aesthetic Animism. Digital Poetry's Ontological Implications, Cambridge 2016.

Nathan Jurgenson: The Social Photo. On Photography and Social Media, London/New York 2019.

Meinecke: Lookalikes, Berlin 2011.

Pivot, Bernard: Les Tweets Sont Des Chats. Paris: Albin Michel, 2013.

Vanessa Place: Jacques Derrida interviews Vanessa Place. Outward from Nothingness (2013). Link: http://outwardfromnothingness.com/jacques-derrida-interviews-vanessa-place/

Wolfgang Ullrich: Selfies. Die Rückkehr des öffentlichen Lebens, Berlin 2019.

Joachim Vlieghe, Jae Muls, Kris Rutten: Everybody reads: Reader engagement with literature in social

media environments, in: Poetics, Volume 54 (2016), 25–37.