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Urbanités autochtones: la création artistique autochtone en contextes urbains

Urbanités autochtones: la création artistique autochtone en contextes urbains

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marie-Eve Bradette)

Appel de textes pour un ouvrage collectif à paraître aux Presses de l’Université de Montréal,

sous la direction de Marie-Eve Bradette, Julie Graff, Gabrielle Marcoux et Alexia Pinto-Ferretti

 

Immobile sur ma terre non cédée / Couverte d’un béton qui l’étouffe / Je laisse derrière moi les loques coloniales / Pour retrouver ma chair nue au soleil (Maya Cousineau Mollen, Bréviaire du matricule 082)

 

Dix années se sont écoulées depuis l’organisation de l’exposition collective Hochelaga revisité. En 2009, le commissaire mohawk Ryan Rice réunissait des travaux de six artistes autochtones confronté.e.s aux divers effets de la colonisation au cœur de la métropole montréalaise. Les notions d’origine, d’exil, de migration, de traversée, d’occupation et de conquête, leitmotivs des œuvres réunies au cœur de cette exposition, peignaient un portrait de Montréal en tant que carrefour spatial, temporel et historique. L’exposition offrait dès lors une réponse critique vis à vis «[d]es stratégies d’effacement et [d]es récits imposés par les premiers colonisateurs [qui] ont délibérément exclu, ignoré et éliminé les premiers occupants de cette terre, privant Montréal du passé, du présent et de l’avenir de son identité “originelle”» (Rice 2009 :5). Une décennie plus tôt, en 1996, était présentée au centre Oboro l’exposition collective Nations in Urban Landscapes, dirigée par Marcia Crosby. Les trois artistes autochtones représenté.e.s y traitaient des fossés culturels issus de contextes géopolitiques néocoloniaux complexes en milieux urbains.

Dans le domaine des représentations littéraires, on assiste, depuis le début de la décennie 2010, notamment dans les littératures autochtones de langue française, à un véritable tournant urbain. Le besoin d’affirmation de plusieurs écrivain.e.s autochtones les amène à se questionner sur la construction de leur identité au croisement de leur ancrage dans la ville et de leur appartenance à un territoire ancestral. Tantôt c’est le « choc de deux cultures » qui se fait le motif de cette inscription de l’urbain dans le texte, comme dans l’écriture de Virginia Pésémapéo Bordeleau (De rouge et de blanc, 2012: 11), tantôt c’est plutôt la ville qui ramène le souvenir de l’intérieur des terres et de la langue innue, comme dans le dernier recueil de Joséphine Bacon (Uiesh/Quelque part, 2018).

Dans tous les cas, si, en 1996 et en 2009, Crosby et Rice considéraient comme primordial de (re)donner une place aux voix autochtones actuelles tout en « légitimant au passage la souveraineté et l’esprit des premiers gardiens de Montréal » (Rice 2009 :5), ce besoin de décolonisation des réalités urbaines demeure tout aussi vivace aujourd’hui. En effet, les cris de réclamation et de résurgence des épistémologies territoriales et identitaires véhiculés par ces oeuvres trouvent écho, par exemple, dans les slams et la poésie de Natasha Kanapé Fontaine (2016), dans celle de Maya Cousineau Mollen (2019), dans les dialogues de la série Mohawk Girls de Tracey Deer et dans les réalisations multimédias du collectif ITWE.

Les oeuvres artistiques et littéraires autochtones actuelles, non seulement dans le contexte montréalais, mais à travers toute l’Amérique du Nord, expriment un déploiement des identités qui se trouve autrement freiné par « la naturalisation de la réserve comme espace indien de référence » (Comat, 2012, sp). Ainsi, face à diverses stratégies de marginalisation, d’invisibilisation et d’illisibilité des corps (physiques et politiques) autochtones, de nombreux artistes, écrivain.e.s et acteurs sociaux assurent une présence discursive et physique, active et souveraine, des individus et regroupements autochtones au sein du tissu urbain. Dans ce contexte, nous souhaitons nous éloigner des discours polarisants pour aborder plutôt, dans un projet d’ouvrage collectif, la complexité et la pluralité des représentations artistiques et littéraires autochtones autour de la question de l’urbanité.

Nous envisageons deux axes principaux à partir desquels articuler les réflexions : nous nous intéresserons dans un premier lieu aux diverses manières dont l’urbanité, dans tout son potentiel et ses défis, est négociée et (ré)appropriée dans les créations littéraires et visuelles autochtones actuelles en Amérique du Nord. La seconde section sera consacrée au vaste déploiement des voix et des corps autochtones au sein même du tissu urbain, que ce soit par exemple à travers des murales, des projets de création collaborative dans l’espace public, des productions littéraires qui visent à recartographier le rapport à l’espace, ou la mise sur pied de festivals ponctuels et d’événements créatifs éphémères. En filigrane de l’ensemble de nos réflexions, nous nous demanderons si la ville peut devenir un lieu de convergences et de (ré)conciliation, et éventuellement un espace rhétorique et artistique anticolonial et/ou noncolonial.

Ces deux axes organisateurs peuvent se décliner selon différentes questions de recherche  qui, toutes, cherchent à mettre en relief la pertinence des productions artistiques et littéraires autochtones pour réfléchir au motif de l’urbain :

  • L’inscription des langues autochtones dans le tissu urbain
  • L’art public urbain
  • La création d’espaces d’appartenance (alternative art spaces, safe spaces…)
  • Les relectures décoloniales/anticoloniales du patrimoine historique
  • Les souverainetés spatiales dans les représentations artistiques et littéraires de la ville
  • La notion de mobilité dans les récits / Négociation des pôles ville/réserve
  • Le traitement de la ville comme territoire ancestral
  • Les arts et littératures autochtones comme stratégies de transformation des modes d'habitation de l'espace urbain.
  • Les mémoires du territoire devenu urbain
  • La décolonisation et l’autochtonisation des institutions muséales et/ou artistiques en milieu urbain
  • La présence d’une esthétique de l’urbanité dans les oeuvres littéraires et artistiques autochtones

Cet ouvrage collectif est prévu pour une publication aux Presses de l’Université de Montréal et souhaite rassembler des textes de chercheur.e.s universitaires et communautaires, praticien.ne.s, intellectuel.le.s, militant.e.s, écrivain.e.s et artistes qui s‘impliquent de manière théorique, pratique, praxiologique et/ou artistique.

Les propositions de textes (académiques, littéraires, manifestes, entretiens avec des artistes, etc.) devront être soumises à l’équipe éditoriale au plus tard le 14 février 2020 à l’adresse suivante urbanitesautochtones@gmail.com. Ces propositions prendront la forme d’un résumé de 300 mots maximum, avec un titre, même provisoire.

Les auteur.e.s seront avisé.e.s à la fin du mois de février 2020 de la décision du comité. En cas d’avis positif, l’auteur.e s’engagera à remettre son article entièrement rédigé (de 4000 à 6000 mots maximum, bibliographie et notes incluses) au plus tard le 1er juin 2020.