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Sur le pas des portes. Images et fonctions de la porte au dix-huitième siècle (Sorbonne Université)

Sur le pas des portes. Images et fonctions de la porte au dix-huitième siècle (Sorbonne Université)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Morgane Muscat)

Sur le pas des portes : Images et fonctions de la porte au dix-huitième siècle

Journée d’étude

16 mai 2020, Paris, Sorbonne Université,

avec le soutien du CELLF (UMR8599) et de l’ED III

Responsables : Manon Courbin, Floriane Daguisé, Morgane Muscat

 

De l’entrée dans la ville aux seuils des immeubles, la littérature du XVIIIe siècle ouvre une succession de portes, de portails ou de grilles. Elles servent à opposer l’intérieur domestique à l’extérieur de la rue, ou à matérialiser l'entrée dans l'espace privé en fractionnant les lieux de l’intime pour y ménager des recoins toujours plus secrets. La disposition des pièces, la fragmentation de l’intérieur, la contiguïté des salons et des boudoirs, particulièrement sensibles dans les espaces de l’amour et de la séduction, redessinent les relations aux lieux et aux autres. On s’est intéressé aux phénomènes de recomposition spatiale et de mise en réseau produits par ces réaménagements (voir les travaux de Michel Delon, Christophe Martin ou, plus récemment, ceux de Fabrice Moulin) ; pourtant les portes qui en sont les intercesseurs ou les obstacles n’ont pas suscité de travaux spécifiques.

Si notre réflexion initiale s’ancre dans le genre romanesque, elle ne s’y limite pas : seront ainsi bienvenues les contributions portant sur les innovations scéniques permises par les portes au théâtre, sur ses manifestations dans les contes ou dans les productions poétiques, autour des rémanences du genre antique du paraclausithyron (poème élégiaque adressé à une porte close) par exemple. Nous exclurons néanmoins l’acception métaphorique de la narratologie qui regarde les seuils fictionnels comme autant de portes d’entrée des textes. Les contributions en histoire de l’art et de l’architecture sur les traités contemporains, et ce qu'ils disent des ornements des portes ou de leur agencement, apporteront également un éclairage précieux et nourriront les échanges sur la porte, ses fonctions et ses images dans l'espace littéraire.

Loin d'être seulement un encadrement symbolique, la porte s’inscrit au cœur de l’économie fictionnelle : à la fois frontière et interface, seuil où se noue la tension dramatique, écran qui accueille le fantasme, la porte, qu'elle soit béante, entr’ouverte ou fermée intervient dans le rythme de l’action, l’accélérant subitement quand elle s’ouvre sur un événement imprévu, ou le suspendant pour un instant d’introspection ou de contemplation.

L’objet-porte assume ainsi trois fonctions majeures :

-          Un passage. Il s’agit là de la fonction la plus traditionnelle de la porte ; percée dans le décor, elle ouvre sur un autre lieu (un hors-scène au théâtre) ou une autre séquence narrative. On pense d’abord à « ces portes qui semblent n’exister que pour être brusquement ouvertes et créer la surprise » (Lafon, Les Décors et les choses, p.95), en révélant un complot, une trahison ou une infidélité (Silvie des Illustres Françaises, Manon, ou Marianne quand Climal la surprend chez Valville). Parce qu’elle ouvre vers un nouveau territoire, elle est aussi le symbole d’une transition, qu'il s'agisse d'une rupture douloureuse ou d'une conquête (c’est le cas notamment des portes de la ville, ou de celles qu'il faut franchir pour se faire une place dans le monde, comme les personnages de « parvenus » savent si bien le faire).

-          Une cloison. L’enjeu de la porte est ici d’être fermée, verrouillée, surveillée : elle suffit alors à définir un espace, et même à en infléchir la fonction en transformant une chambre en écrin ou un cabinet en prison. La porte-cloison constitue alors un ressort dramatique efficace, retardant et motivant à la fois la suite de l’intrigue (la porte fermée du cabinet dans l’acte II du Mariage de Figaro). La clôture de la porte peut également devenir symbole de claustration féminine, comme dans les fictions de l’univers conventuel (on pense volontiers à La Religieuse de Diderot) ou encore le signe d’un hermétisme moral et culturel, comme dans L’Orphelin de la Chine de Voltaire (voir R. Bret-Vitoz, L’Espace et la scène. Dramaturgie de la tragédie française, 1691-1759, p. 208). La fonction de la porte n’est plus d’ouvrir à la circulation, mais de s’afficher comme obstacle pour éveiller un désir de transgression et susciter des tentatives d’effraction, indissociables de ce principe de réclusion.

-          Un décor. La porte endosse ailleurs une fonction ornementale : elle approfondit la perspective, densifie les décors de théâtre en contribuant à leur transformation et creuse les peintures d’emboîtements spatiaux vertigineux. Dans les textes narratifs, outre les machineries qui transforment volontiers une bibliothèque ou un tableau en porte (Mouhy, dans Paris ou le Mentor à la mode et dans La Mouche), on notera la présence des pas de porte qui accueillent la rencontre, des portes vitrées et des dessus de portes travaillés, qui peuvent annoncer, dans une démarche métonymique, un intérieur luxueux ou sensuel, ou illustrer un parti pris esthétique.

Portes d’hôtels, de cabinets et même de carrosses, portes cochères et portails, portes de derrière et portes de service, portes dérobées et portes condamnées, portes grillagées et portes vitrées, que l’on calfeutre, verrouille, claque, enfonce, par lesquelles on écoute, on regarde, on s’enfuit, auxquelles on frappe, on toque et on sonne : la journée d’études s’intéressera à ce motif omniprésent et protéiforme pour mieux en dessiner les contours.

Les propositions de communication, d’une longueur de 300 mots, accompagnées d’une courte présentation bio-bibliographique, sont à envoyer conjointement à Manon Courbin (manon.courbin12@gmail.com), Floriane Daguisé (floriane.daguise@gmail.com) et Morgane Muscat (morgane.muscat@gmail.com) avant le 15 janvier 2020.

*La journée d’étude aura lieu le 16 mai 2020, dans l’amphithéâtre Guizot (17 rue de la Sorbonne, Paris Ve).