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Appels à contributions

"Mémoire(s) et oubli" (Univ. de Lorraine)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marine Deregnoncourt)

ICI Doc’

Association des doctorants de l’ED Humanités Nouvelles- Fernand Braudel (HNFB)

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Séminaire doctoral transdisciplinaire 2021-2022

L’Association des doctorants de l’Ecole Doctorale FBHN ICI Doc’ poursuivra son séminaire doctoral initié en 2020-2021. S’adressant à l’ensemble des jeunes chercheurs.es (doctorant.e.s et docteur.e.s) de l’Ecole Doctorale, et au-delà, ce séminaire a pour vocation de favoriser les échanges inter- et intra-laboratoires d’une part, et de nourrir nos recherches respectives par la confrontation avec des approches et des corpus différents d’autre part. Au cours de chaque séance, trois doctorant.e.s effectueront une présentation, qui sera suivie d’un échange avec les auditeurs.

Le séminaire aura lieu le dernier lundi de chaque mois, alternativement à Metz et à Nancy. La première séance du séminaire est prévue le 25 octobre 2021.

Cette rencontre s’articulera autour de 3 rubriques qui se présentent de la manière suivante :

  • Une communication à partir d’un thème fixé annuellement (env. 15-20 min). Le thème retenu pour cette année est « Mémoire(s) et oubli(s) ».
  • La présentation d’un ouvrage critique / théorique (env. 15 min) qui n’aura pas forcément de lien avec le thème annuel.
  • L’exposé d’un point ou problème méthodologique lié à la thèse et des pistes envisagées pour le résoudre (env. 15 min).  Si un nombre suffisant d’exposés est proposé, il fera l’objet de deux séances spécifiques (une en décembre et une au printemps).

Cette triple approche théorique, bibliographique et méthodologique permettra, nous l’espérons, d’ouvrir des discussions riches et variées desquelles chacun pourra tirer des enseignements à la fois théoriques et pratiques. En outre, un séminaire doctoral constitue une belle occasion de soumettre ses recherches au regard critique et bienveillant des pairs et de s’entraîner à prendre la parole en public tout en s’ouvrant à des approches de doctorants d’autres disciplines.

  • Communication autour du thème : « Mémoire(s) et oubli(s) »

Le thème retenu se veut volontairement ouvert et transversal, et n’écarte aucune période historique ou aire géographique. Les approches comparatistes et transdisciplinaires sont les bienvenues. Les éléments de réflexion donnés ci-dessous ne sont exclusifs d’aucune perspective.

Élément indispensable de l’acte d’apprentissage, la mémoire est le principe de toute transmission et le fondement de la culture. La transmission de récits, de savoirs et de savoir-faire, d’œuvres artistiques ou artisanales, d’objets de toute nature permet à notre monde de ne pas oublier tout ce qui a pu être expérimenté, testé, vécu et écrit par nos ancêtres. L’enjeu de la transmission ou de l’oubli s’avère d’actualité. Hannah Arendt dans La crise de la culture déclare en effet que les parents « assument la responsabilité de la vie et du développement de l’enfant, mais aussi celle de la continuité du monde ».

La mémoire est vantée comme une qualité (« avoir une mémoire d’éléphant ») ou regrettée si la personne n’en est pas suffisamment dotée (« avoir une mémoire de poisson rouge »). La mémoire et l’oubli sont toutefois indissociables :

« La mémoire ne s’oppose nullement à l’oubli. Les deux termes qui forment contraste sont l’effacement (l’oubli) et la conservation ; la mémoire est, toujours et nécessairement, une interaction des deux » (Tzvetan Todorov, Les Abus de la mémoire).

La mémoire est aussi la « reconstruction rationnelle du passé à partir des éléments et des mécanismes actuellement présents dans la conscience du groupe » (Maurice Halbwachs, Les Cadres sociaux de la mémoire, 1925), c’est-à-dire qu’elle n’est pas le passé vécu à nouveau. La mémoire est donc un processus dynamique qui entretient un certain rapport au temps : passé, présent, futur ; les questions d’héritage, de générations et de dette envers les aînés s’articulent inexorablement au concept de mémoire. Les mémoires individuelles, familiales, collectives et sociales se nouent en des interactions parfois complexes. Elles s’ancrent également dans les territoires : par exemple, la mémoire industrielle ou militaire invite à travailler tant sur l’individu que sur le paysage-palimpseste qui l’entoure.

Saint Augustin dans ses Confessions définit trois types de mémoire : la mémoire des sens, la mémoire intellectuelle et la mémoire des sentiments. L’agueusie et l’anosmie dont souffrent les malades de la pandémie actuelle, parfois pendant des mois, nous rappellent à quel point la mémoire des sens (auditive, visuelle, olfactive ou du geste technique) est importante. On qualifie de « Madeleine de Proust » tout élément sensoriel ou tout objet qui déclenche une réminiscence, un souvenir d’enfance. Et puisqu’ils font appel aux sentiments et aux affects, la mémoire et l’oubli sont parfois une douleur : le passé qui ne passe pas, l’impossibilité d’oublier qui crée des blessures de mémoire ou au contraire l’oubli qui se fait trop présent. Les mémoires oubliées, fragmentées, conflictuelles, apaisées, en bref les distorsions de la mémoire en disent ainsi beaucoup sur les individus, les groupes et les sociétés qui les abritent. La mémoire et l’oubli peuvent être envisagés comme thèmes ou motifs d’œuvres artistiques : personnages amnésiques ou aliénés, personnages qui cherchent à combler les lacunes d’un récit ou au contraire personnages hypermnésiques ; poétiques de la nostalgie ou réminiscences de l’Histoire.

Par conséquent, les mémoires sont des enjeux de pouvoir : enjeux symboliques, matériels et politiques. L’effacement des traces du passé peut avoir des objectifs politiques : la destruction de églises pendant la Révolution Française, des Bouddhas et de la cité antique de Petra par les talibans, ... Dans nos sociétés contemporaines et surtout dans la dernière moitié du XXe siècle, s’impose le « devoir de mémoire », autrement dit, le devoir de ne pas oublier les abominations commises. Daniel Mendelsohn dans Les disparus enquête sur la disparition d’une partie de sa famille juive en 1941 et déclare : « je me demandais quel genre de présent on pouvait avoir sans connaître les histoires de son passé ». L’art revêt une fonction mémorielle : l’œuvre littéraire, cinématographique, picturale ou comme remède à l’oubli (par exemple : le théâtre claudélien dédié au grand amour de Paul Claudel : Rosalie Vetch). 

Or, certains auteurs se sont interrogés sur les mauvais usages de la mémoire : « abus de la mémoire » (Tzvetan Todorov) ou « mémoire saturée » (Régine Robin), tentant de définir par-là même une juste mémoire (Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli). Ne faut-il pas revendiquer aussi un « droit à l’oubli » (notamment numérique) ? Aussi, l’art peut être une réparation ou un rééquilibrage des silences du récit historique officiel voire un contre-récit : point de vue des vaincus et des dominés, revalorisation de certaines catégories d’acteurs/ actrices de l’Histoire (les femmes, les tirailleurs africains ou tous les groupes qui n’ont pas laissé de traces écrites), déconstruction de mythes historiques. L’articulation entre mémoire et oubli est ainsi au cœur du travail commémoratif dans l’espace public mais les vives polémiques qui ont éclaté ces dernières années, conduisant au déboulonnage de statues, aux interrogations sur la commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon et plus globalement à la pratique de la « cancel culture » interrogent : faut-il oublier ou continuer à se remémorer tous ces personnages historiques dont des places et des rues portent le nom ? Quel héritage voulons-nous transmettre à la société de demain ?

La mémoire (Mnémosyne) et l’histoire (Clio) sont toutes deux des représentations du passé, différentes mais indissociables et complémentaires. La mémoire peut être appréhendée comme matrice de l’histoire. L’histoire, quant à elle, n’a-t-elle pas vocation à dénouer les conflits mémoriels ? Les mémoires s’enracinent par ailleurs dans ce que l’historien Pierre Nora a nommé « les lieux de mémoire », les traces matérielles et immatérielles : les monuments, les commémorations, les traditions, les mœurs et les rites, autant d’éléments qui participent à la formation d’une identité collective plus ou moins partagée, d’un récit historique national (y compris dans les programmes scolaires). L’articulation entre mémoire et oubli est au cœur des politiques patrimoniales et urbanistiques : doit-on faire table rase du passé ou doit-on s’insérer dans une continuité en inscrivant sa trace et celle de sa génération dans le paysage ? Un exemple d’interrogation sur la fidélité des reconstructions est donné avec les débats qui entourent celle de la flèche de Notre-Dame ; ces débats concernent également les territoires industriels ou militaires en friche : faut-il démanteler et transformer totalement les espaces ou faut-il en faire un musée ?

Ces questionnements sur mémoire(s) et oubli(s) interrogent les recherches en sciences humaines et sociales, sur la part de subjectivité de sortir un sujet, une thématique ou une catégorie de la population de l’oubli. Par son choix, le chercheur ne participe-t-il pas aussi au « drame » des oubliés de l’histoire ?

Et enfin, la mémoire et l’oubli peuvent être envisagés dans des domaines très spécifiques, tels que la mémoire de traduction. C’est un système linguistique qui joue le rôle d’« extension de la mémoire » ; c’est une base de données qui enregistre les phrases, paragraphes ou segments de textes sources (déjà traduits) et leurs traductions respectives dans la/les langue(s) cible(s). Ces mémoires de traduction sont utilisées avec un logiciel (Trados studio, Across, Déjà Vu, memoQ et Transit, KERN…), et suggèrent des correspondances similaires ou identiques lors de la traduction de nouveaux documents. Elles sont utilisées par les traducteurs professionnels et souvent dans le domaine de la traduction spécialisée (traduction technique, scientifique, économique ou financière…) et gagnent en efficacité à mesure qu’elles sont utilisées. La mémoire de traduction assure la cohérence des traductions en conservant la même terminologie. Elle permet également de réduire les coûts, de diminuer les allers-retours et d'accélérer les délais de livraison. Et de manière générale, la traduction n’est-elle pas un vecteur de la mémoire inter-linguistique et interculturelle ? La traduction a avant tout pour vocation de rendre accessible une pensée, un écrit… et une mémoire.

Votre proposition de communication comportera entre 2000 et 3000 signes (espaces compris) et sera accompagnée d’un titre.

  • La présentation d’un ouvrage critique / théorique

Il s’agit de partager avec les autres doctorants la lecture d’un ouvrage critique vous paraissant stimulant, qu’il s’agisse d’un « classique » fondateur ou d’un essai ayant récemment ouvert de nouvelles perspectives. L’objectif de cette rubrique est, à l’heure où les ponts entre les différents champs de savoir sont de plus en plus valorisés, de nourrir nos bibliographies respectives et, pourquoi pas, d’ouvrir notre réflexion à de nouveaux horizons.

Dans la mesure où il s’agit d’un séminaire transdisciplinaire, l’ouvrage présenté devra être accessible au plus grand nombre. Il convient ainsi d’éviter les références dont la compréhension requiert un savoir trop précis ou trop technique.

Votre proposition de communication expliquera en quelques phrases (1500 signes, espaces compris) l’intérêt de partager la lecture de l’ouvrage choisi et fournira les références bibliographiques précises de ce dernier.

  • L’exposé d’un point ou d’un problème méthodologique lié à la thèse

Il s’agit dans cette dernière rubrique de présenter un problème rencontré dans le travail de thèse lui-même, à quelque étape de celui-ci que ce soit. Cet exposé s’attachera donc dans la mesure du possible à s’extraire du cadre disciplinaire.

Cette rubrique a d’une part pour vocation de dédramatiser et de rationaliser les difficultés rencontrées, voire sortir du sentiment d’impasse que nous éprouvons parfois. Elle vise d’autre part à échanger à propos des stratégies mises en place par les uns et les autres pour résoudre un problème similaire.

Votre proposition de communication expliquera en quelques mots (1500 signes, espaces compris) le problème ou le point méthodologique que vous souhaitez aborder, et éventuellement les stratégies envisagées ou mises en place pour y faire face.

NB : En fonction des places disponibles, les doctorants qui le souhaitent peuvent communiquer dans plusieurs rubriques. Pour cela, il faudra préciser, pour chaque proposition de communication, à quelle rubrique elle correspond.

Les propositions de communication sont à envoyer par courriel avant le 31 juillet 2021 à l’adresse icidoc.lorraine@gmail.com et devront contenir les éléments suivants :

- Une brève note biographique ;

- Votre ou vos proposition(s) de communication. En cas de propositions multiples, merci d’indiquer, sur chaque proposition, la rubrique dans laquelle vous souhaitez intervenir ;

- Le campus (Metz ou Nancy) sur lequel vous préférez intervenir.

Les doctorants ayant soumis une proposition de communication seront recontactés avant le 20 août 2021. Un programme définitif sera publié au mois de septembre.

Enfin, nous attirons votre attention sur le fait que la participation au séminaire permet de valider des crédits de formation, à raison de 1 crédit pour les communicants et d’1 crédit par tranche de 10h de présence pour les auditeurs. Pour plus de précisions, vous pouvez vous adresser directement à l’administration de l’Ecole Doctorale.

Valorisation du séminaire :

Les doctorants qui voudront publier leurs communications sous forme d’article scientifique devront d’abord obtenir l’accord de leur directeur de thèse. Les articles seront ensuite soumis à un comité scientifique.

Publication en ligne : Carnets d’Hypothèses : https://icidoc.hypotheses.org/

Comité de pilotage

BARBIER Léopold-LOTERR

DEREGNONCOURT Marine-IDEA

DJEDI Roza-IDEA

DUMAIN Aline-CRUHL

LEMBEZAT Mathieu-LOTERR

NIEDERLANDER Tanguy-LOTERR

OTT Marion-ECRITURES

PEREZ Rodolphe- Université de Tours / ICD

TOMARCHIO Paola-LIS

Comité scientifique

DEGOTT Pierre-IDEA

HARMAND Dominique -LOTERR

LARTILLOT Françoise-CEGIL

MONTEBELLO Fabrice-2L2S

PLACIAL Claire-ECRITURES

SIMIZ Stephano-CRULH

THOURET Clotilde-LIS

TRENTINI Bruno-ECRITURES