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"Saussurisme et néo-saussurisme", par Simon Bouquet (en-attendant-nadeau.fr)

Publié le par Marc Escola

"Saussurisme et néo-saussurisme",

par Simon Bouquet,

en ligne sur en-attendant-nadeau.fr le 13 avril 2022

La réception de la pensée linguistique de Ferdinand de Saussure est une aventure peu banale. Au XXe siècle, cette pensée a marqué la science du langage sur la foi du Cours de linguistique générale. Or, ce livre n’est pas de la main de Saussure, et il a sérieusement déformé sa vision. Au XXIsiècle, des manuscrits retrouvés dans une orangerie – publiés dans les Écrits de linguistique générale – redonnent la parole au linguiste genevois et permettent de comprendre d’une manière nouvelle sa vision fondatrice.

Que nous apprend l’histoire des textes saussuriens ? Elle nous raconte un jeune prodige, auteur en 1878 d’un traité révolutionnant la phonologie comparée des langues indo-européennes. Il a tout juste vingt ans. Peu après, il publie un essai sur la syntaxe du sanskrit – un nouveau coup de maître. Le jeune Ferdinand de Saussure est accueilli à la Sorbonne, à l’École des hautes études. Il y enseigne pendant dix ans la linguistique historique et comparée.

Puis il regagne Genève, sa ville natale. Il prend alors du recul et médite, solitaire, sur la question de la scientificité en linguistique. Il travaille au cours des années 1890 à deux livres œuvrant à poser les fondements d’une linguistique future. Deux ouvrages « dont la rédaction est poussée fort avant » (1) – mais qui resteront dans ses tiroirs. Ce n’est que deux décennies plus tard, autour de 1910, qu’il développe à nouveau sa réflexion sur les principes d’une science du langage. Cette fois, c’est à l’occasion de leçons qu’il donne à l’université de Genève sous l’intitulé « linguistique générale ». Des leçons soigneusement prises en note par leurs quelques auditeurs.

Ni les écrits des années 1890 ni les leçons genevoises ne seront publiés avant longtemps. Pour les écrits, c’est tout simple : à la mort de Saussure, en 1913, on ne les retrouve pas et on les tient pour perdus. Pour les leçons, c’est plus tortueux. Un linguiste renommé, Antoine Meillet, en outre le plus proche disciple de Saussure, projette de réaliser une édition fidèle des cahiers d’étudiants. Ce projet est sabré par deux universitaires genevois qui mettent la main sur l’héritage intellectuel de Saussure et se proclament ses « éditeurs ».

Le Cours de linguistique générale paraît en 1916. Tout au long du XXe siècle, c’est ce livre qui divulguera la pensée saussurienne. […]

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