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Roberto Calasso par Carlo Ginzburg (en-attendant-nadeau.fr)

Roberto Calasso par Carlo Ginzburg (en-attendant-nadeau.fr)

Publié le par Université de Lausanne

Roberto Calasso par Carlo Ginzburg
En ligne sur laviedesidees.fr le 20 octobre 2021
(trad. de l'italien par Martin Rueff)

Roberto Calasso, mort cet été, laisse une œuvre centrale pour la littérature et l’édition italiennes. Carlo Ginzburg, qui publia la plupart de ses livres dans sa maison d’édition, Adelphi, lui rend hommage dans un texte inédit en français.

J’ai connu Roberto Calasso à la fin des années 1950 (nous avions à peu près le même âge). Nous nous sommes rencontrés quelques fois ; et puis nos vies ont pris des chemins différents. Trente ans plus tard, à la fin des années 1980, Calasso m’a cherché. Il était devenu entre-temps un éditeur et un écrivain célèbre. Il avait su que j’étais sur le point d’achever un livre sur la sorcellerie et il me dit alors qu’il voulait le publier. Devant son insistance, j’hésitai ; je finis par lui écrire que j’allais publier le livre (Storia notturna. Una decifrazione del sabbaLe sabbat des sorcières) chez celui qui était depuis longtemps mon éditeur : Einaudi. Calasso comprit.

Vingt-cinq ans plus tard, ce fut mon tour de chercher Calasso. Je m’assis face à lui dans son bureau et je lui dis : « Nous nous sommes rarement vus ; nous avons des positions complètement différentes sur des questions parfois décisives ; mais il y a une chose dont je suis certain, c’est que nous nous comprenons en un clin d’œil ». Je lui demandai alors de publier mes livres, et il accepta. Un rapport d’une grande intensité est né, nourri de la diversité que je viens d’évoquer et d’une gamme très vaste d’intérêts partagés. Ce qui nous rapprochait était sans doute l’élan qui nous poussait l’un et l’autre à analyser des phénomènes irrationnels : une catégorie assez large qui pouvait inclure aussi bien le mythe que la sorcellerie. Mais la proposition, formulée au commencement de mes recherches, d’étudier des phénomènes irrationnels « dans une perspective rationnelle, mais non rationaliste » a dû paraître inacceptable à Roberto Calassso, excessivement rationaliste et peut-être même naïvement rationaliste. Je dis « a dû paraître » parce que nous n’avons jamais évoqué cette divergence de fond. Il régnait, dans notre rapport, une entente tacite, qu’accompagnait le travail extraordinaire de ses collaboratrices et de ses collaborateurs : un travail qui m’a permis de publier chez Adelphi des livres neufs et des livres moins neufs suivis de réflexions rétrospectives.

(Carlo Ginzburg a publié ou republié aux éditions Adelphi : Paura reverenza terrore (2015), Storia notturna (2017), Nondimanco (2018), Il formaggio e i vermi (2019), I benandanti (2020).

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Voir également sur en-attendant-nadeau :

"Roberto Calasso, la littérature absolue", par Christian Galdón