Revue
Nouvelle parution
Revue Nunc.

Revue Nunc.

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Franck Damour)

 

Revue Nunc, numéro 27 (juin 2012)

"Dossier Gerard Manley Hopkins"

Editions de Corlevour

Isbn : 978-29915831-58-0

Prix : 23 euros

 

Le numéro 27 de la revue Nunc, qui fête ses dix années d'existence, contient un dossier substantiel consacré au poète majeur Gerard Manley Hopkins, sous la direction d'Adrian Grafe (Université de l'Artois).

Ce dossier se veut le signe de la présence vivante d’une oeuvre, d’une pensée, et d’une personnalité, qui ne cessent de fasciner depuis bientôt un siècle, et qui gardent leur nouveauté radicale aussi bien que leur « fraîcheur » absolue.

Pendant presque trente ans, c’est justement cette nouveauté qui a empêché Robert Bridges, de publier les poèmes de son ami de toujours, à moins qu’il ne se fusse pas tout simplement rendu compte de la grandeur de ceux-ci : les deux amis ne s’épargnent pas lorsqu’il s’agit de critiquer les compositions l’un de l’autre, les critiques de Bridges ne résistant visiblement pas à l’épreuve du temps alors que les propres oeuvres de celui qui fut le poète britannique national sont largement ignorées de nos jours. C’est en faisant attention au contexte historique, littéraire et religieux, que Ron Hansen suit l’histoire de cette amitié avec l’art et la sensibilité du biographe alliés à l’imagination de romancier. Et, en effet, c’est à l’imagination – surtout l’imagination verbale et rythmique, et même si (heureusement) « l'imagination n'est jamais aussi puissante que lorsqu'elle vient à la rencontre du réel » –, que fait appel Jérôme de Gramont pour aborder les singularités christiques, humaines, ou phénoménales, et auxquelles la poésie de Hopkins donne son « assentiment » le plus vif. Il est par conséquent logique que l’on célèbre, comme le fait ici Michael Edwards, la puissance transfiguratrice du langage poétique hopkinsien : Hopkins renouvelle simultanément les ressources poétiques de la langue anglaise, le monde créé et le moi qui le dit. Si la traduction peut difficilement rendre compte du renouvellement linguistique (même si cela n’est pas impossible), elle a pour tâche de restituer le monde en-dessous du monde de la poésie, sa fraîcheur qui « vit au fin fond des choses » et des mots.

La caractéristique majeure de la poésie de Hopkins, sa marque de singularité dominante, est sans aucun doute le « rythme bondissant » (sprung rhythm). Ce rythme a suscité, et continue à susciter, des débats, voire des polémiques, à commencer par le poète lui-même et ses quelques lecteurs contemporains. Mais pour Emily Merriman, la « sensation de liberté », non dépourvue d’une touche politique, qui découle des poèmes de Hopkins et explique leur « fraîcheur », est due à cette invention, rythme inhérent aux yeux – ou plutôt aux oreilles - de Hopkins, à la langue anglaise parlée, mais qui n’est pas en lui-même, comme le signale Merriman, « du discours parlé ». Le rythme bondissant reflète la pression de la grâce divine sur le poète. Lorsque la poésie est réponse – ou plutôt correspondance – à l’insistance de la grâce divine, le poème est le lieu d’une théo-dramatique : d’une rencontre (ou d’un conflit) de deux volontés et surtout de deux singularités, Dieu et le poète. A travers la rencontre de Balthasar et Hopkins, Jean-Baptiste Sèbe examine celle, unique, des Exercices ignatiens et de la philosophie de Duns Scot (et qui est également, en un sens, celle des Jésuites et des Franciscains). Pour le dire autrement, les poèmes gallois surtout, rassemble ce que Sèbe appelle « un impétueux mouvement intérieur de la grâce christique projeté dans la contemplation de la nature » – contemplation de maints phénomènes renforcés par la découverte de Scot, avec le nouveau rythme hopkinsien.

René Gallet est décédé pendant que la préparation de ce numéro de Nunc était en cours. Le dossier Hopkins commence, tout naturellement, par quelques traductions françaises de ce lecteur incomparable du poète et par un hommage à celui qui a lu, relu, enseigné, et exploré l’oeuvre et la pensée du poète presque toute sa vie durant. Il nous lègue des études qui se trouvent parmi les plus détaillées et les plus « fraîches » de l’oeuvre, toujours en montrant comment les textes très divers du poète sont capables de s’éclairer mutuellement. C’est donc magistralement que René Gallet suit à la trace dans les écrits du poète le concept d’« inspect » (inscape) depuis sa genèse dans des rédactions estudiantines ou post-estudiantines, à un moment charnière de la vie de Hopkins alors qu’il est en train de fixer ses principes esthétiques et philosophiques ainsi que ses choix religieux, jusqu’à la découverte de Duns Scot et au-delà, afin d’éclairer son lien à l’ « intension » (instress), ces deux termes étant trop souvent rapprochés de l’individualité, sans réflexion approfondie. Jusque dans les recoins tourmentés et obscurs des années dublinoises, l’inspiration poétique – appel insistant, singularisant – vient. C’est pourquoi Ron Hansen peut écrire : « les poèmes d’Hopkins sont vitaux pour nous aujourd’hui ».

 

Le sommaire du numéro :

 

DOSSIER GERARD MANLEY HOPKINS

Adrian GRAFE Introduction et Hommage à René Gallet (1944-2012), hopkinsien hors-pair

Gerard M. HOPKINS Poèmes (traduction par René GALLET)

Adrian GRAFE Gerard M. Hopkins : dire davantage

Ron HANSEN Hopkins & Bridges

Gerard M. HOPKINS Poèmes (traduction par Jean MAMBRINO)

Michael EDWARDS Hopkins autrement dit

Jérôme de GRAMONT Hopkins et la poétique de l’assentiment

Gerard M. HOPKINS Poèmes (traduction par Jacques DARRAS)

Michèle DRAPER La nature dans l’oeuvre de Gerard Manley Hopkins

Jean-Marie LECOMTE L’imagination verbale de Gerard Manley Hopkins

Emily Taylor MERRIMAN « L’insistance en est le principe vital ».

La vitalité du rythme dans la poésie de Gerard M. Hopkins

Jean-Baptiste SÈBE Du sacrifice au don : Balthasar lecteur de Hopkins

Claude TUDURI Au pays de Hopkins : quelques miettes d’un carnet de voyage

René GALLET Hopkins et l’individualité