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Regards sur les Lumières au XXIe siècle (APFUCC 2021, Edmonton, Canada)

Regards sur les Lumières au XXIe siècle (APFUCC 2021, Edmonton, Canada)

Publié le par Marc Escola (Source : Frédérique Offredi)

Congrès des sciences humaines 2021 - Colloque de l'APFUCC

Université de l'Alberta, Edmonton, Canada

29 mai au 1er juin 2021

 

ATELIER 11

Regards sur les Lumières au XXIe siècle

On sait combien le terme « Lumières » ouvre à une pluralité d'interprétations, à commencer par la perspective dans laquelle l'envisager, ensemble de valeurs qui peuvent s'affranchir du temps et de l'espace, ou ferments de débats profondément ancrés dans les transformations historiques de leur époque et particularisés par le pays dans lequel ils s'inscrivent. Sur la pertinence même de se référer aux Lumières, le spectre des opinions est large, qui va de la réfutation de l'existence d'un courant intellectuel saisissable – « la "philosophie des Lumières" n'existe pas » (Binoche 17) – à l'affirmation d'un élan d'une grande cohérence à travers toute l'Europe – « les Lumières européennes furent un mouvement intellectuel et culturel extrêmement unifié » (Israel, Lumières radicales 22). Toutefois, malgré la profusion d'analyses et de délimitations, un certain nombre d'idées, ou d'idéaux, se retrouvent mis en avant d'un auteur à l'autre, et permettent de dégager un "plus grand commun diviseur" des multiples contours et contenus donnés au concept des Lumières. Ainsi associe-t-on classiquement aux Lumières les affirmations ou les revendications suivantes : universalité des besoins et des droits humains ; prééminence de la raison, qui affranchira l'individu des croyances non vérifiées et des autorités injustifiées ; liberté de conscience, d'expression et de publication ; séparation de l'Église et de l'État ; confiance dans le progrès de la connaissance ; humanisme, ou anthropocentrisme, qui légitime notamment la quête du bonheur individuel.

Mais pourquoi s'intéresser aux Lumières en 2021 ? Les Lumières n'auraient-elles pas largement perdu de leur lustre, prises entre le désintérêt qui peut toucher une pensée formulée voici plus deux siècles, le déclin de l'influence de l'Europe au niveau mondial et leur entrée dans l'ère du soupçon depuis le milieu du XXe siècle ? Nous pensons toutefois au contraire que la réflexion à leur endroit garde son actualité pour deux raisons. D'une part les Lumières ont pu articuler entre elles des idées – dont beaucoup avaient été développées antérieurement – et surtout les faire « passer dans le monde réel » (Todorov 10) – pour provoquer des changements historiques, voire des bouleversements, dont les traces restent visibles aujourd'hui, et ce bien au-delà du périmètre de l'Europe. Ainsi, les Lumières « continuent de véhiculer un héritage philosophique et politique à défendre ou à contester, bien plus que tout autre période » (Lilti 16). D'autre part, dès le XVIIe siècle, les idées des Lumières font l'objet d'attaques et de défenses enflammées, et les débats se sont réactivés périodiquement jusqu'à nos jours. Les querelles qui opposent les philosophes et les "anti-Lumières" au XVIIIe siècle sont bien documentées, ainsi que les controverses sur les Lumières nées des désenchantements suscités notamment  par l'avènement de la colonisation ou des totalitarismes du XXe siècle, ou que les prises de positions des intellectuels qui développent de nouvelles grilles de lecture du monde dans le prolongement de la philosophie post-moderne.  Par contre, on dispose de très peu de travaux sur les perceptions et les représentations des Lumières dans la société hors des écrits des experts, philosophes, historiens, sociologues ou constitutionnalistes. Or il nous apparaît que prendre la mesure de la présence – ou de l'effacement – de cet héritage dans les productions de créateurs ou les prises de parole publiques actuelles n'est pas superflu, à une époque qui s'affronte à nombre de défis d'envergure (effets économiques et culturels de la mondialisation, renforcement d'une micro-élite richissime, risques environnementaux, relation à la vérité…), dans un contexte de pression croissante à penser (ou du moins répondre) toujours plus vite.

Cet atelier cherche ainsi à explorer dans quelle mesure et comment les Lumières entrent de nos jours dans des discours qui s'en réclament (ex : blog de Yanis Laric) ou les rejettent (ex : essais et interventions médiatiques du journaliste Éric Zemmour, films de Jean Druon) ou encore adoptent d'autres attitudes, plus nuancées ou qui se placent dans un registre autre que partisan (ex : romans d'Ahmadou Kourouma). Qu'en est-il donc aujourd'hui des Lumières, et ce non dans les écrits des experts, dix-huitièmistes ou philosophes, mais parmi les non spécialistes de la pensée des Lumières, autrement dit dans la société au sens large ?

     -   Les Lumières sont-elles même évoquées, sont-elles présentes dans notre imaginaire, ou ont-elles largement disparu des discours, hors de cercles engagés restreints ?

     -   Sont-elles explicitement nommées, le terme "Lumières" faisant office d'étendard pour marquer son appartenance à un camp ou solliciter l'imaginaire associé au mot ? Au contraire, les références ne sont-elles qu'indirectes, la discussion portant sur un attribut ou une valeur associé(e) aux Lumières (individualisme, progressisme, laïcité, liberté d'expression, rationalité ou rationalisme, universalisme,… ou tout autre notion ou phénomène associé par un auteur aux Lumières...) ?

     -   Dans quel registre le discours se déploie-t-il ? Attaque, défense, rejet, revendication, accusation, réhabilitation, minoration, valorisation, mépris, attachement, nostalgie, ressentiment, pondération, neutralité, jugement, parodie, caricature… ?

     -   Qui évoque les Lumières ? Personnalités politiques, artistes, professeurs, étudiants, blogueurs, trolls, associations et collectifs… ? Hommes ou femmes, de majorités ou de minorités, dominants ou dominés, "de gauche" ou "de droite", jeunes ou moins jeunes… ? Dans quels pays (européens ou non européens) ?

Ces questions, dont la liste n'est pas exhaustive, pourront s'envisager dans tout espace d'expression d'idées, par exemple : œuvres de fiction (littéraires, graphiques ou audio-visuelles), textes littéraires hors fiction, enquêtes et documentaires, essais, journalisme d'actualité ou éditorial, blogs, enseignement à tous niveaux, réseaux sociaux, arts visuels et plastiques, chanson, dessin de presse…Pensé pour éclairer la compréhension de notre époque, l'atelier est aussi ouvert à des travaux portant sur les représentations des Lumières de la fin du XXe siècle.

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Responsable de l’atelier : 

Frédérique Offredi, Collège militaire royal du Canada (Kingston), frédérique.offredi@rmc.ca

Les propositions (250-300 mots) sont à envoyer au plus tard le 15 décembre 2020 à la responsable de l’atelier.

Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message de la responsable de l’atelier avant le 15 janvier 2021 les informant de sa décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer à cet atelier. Il est également d’usage de régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. Ils doivent être réglés avant le 31 mars 2021 pour bénéficier des tarifs préférentiels. La date limite pour régler les frais de conférence et l’adhésion est le 9 avril 2021. Passé cette date, le titre de votre communication sera retiré du programme de l’APFUCC. Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque de 2021. Toutes les communications doivent être présentées en français (la langue officielle de l’APFUCC).

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Bibliographie indicative

Benn Michaels, Walter. La diversité contre l'égalité. Paris : Raisons d'agir, 2009 [2006].

Binoche, Bertrand. « Écrasez l'infâme ! ». Paris : La fabrique, 2018.

Darnton, Robert. Pour les Lumières – Défense, illustration, méthode. Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux, 2002.

Darnton, Robert. L'aventure de l'Encyclopédie – 1775-1800. Paris : Seuil : 1992 [1979].

Druon, Jean. Un siècle de progrès sans merci. CERIMES 2001. 3e partie : « Le diktat de la rationalité ». Dernier accès 23/07/2020 : https://www.canal-u.tv/video/cerimes/un_siecle_de_progres_sans_merci_le_diktat_de_la_rationalite.112     34

Foucault, Michel. « Qu’est-ce que les Lumières ? » Dans Dits et Ecrits, tome IV, 1984, 562-578.

Israel, Jonathan. Une révolution des esprits – Les Lumières radicales et les origines intellectuelles de la démocratie moderne. Marseille : Agone, 2017 [2010].

Israel, Jonathan. Les Lumières radicales – La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750). Paris : Éditions Amsterdam, 2005 [2001].

Kant, Emmanuel. "Qu'est-ce que les Lumières ?" Dans Métaphysique des mœurs – tome I, "Éléments métaphysiques de la doctrine du droit". Paris : Auguste Durand 1853 [1784]. 281-288.

Kourouma, Ahmadou. Allah n'est pas obligé. Paris : Seuil, 2000.

Laric, Yanis. « À mort, les Lumières ! ». Le blog de Yanis Laric. 20 avril 2020. https://blogs.mediapart.fr/yanis-laric/blog/200420/mort-les-lumieres

Lilti, Antoine. L'héritage des Lumières – Ambivalence de la modernité. Paris : Seuil/Gallimard, 2019.

Masseau, Didier. Les ennemis des philosophes – L'antiphilosophie au temps des Lumières.

Piketty, Thomas. Capital et idéologie. Paris : Seuil, 2019.

Pinker, Steven. Le triomphe des Lumières. Paris : Les Arènes, 2018.

Robert, Anne-Cécile. La stratégie de l'émotion. Montréal : Lux, 2018.

Roza, Stéphanie. La gauche contre les Lumières ? Paris : Fayard, 2020.

Todorov, Tzvetan. L'Esprit des Lumières. Paris : Robert Laffont, 2006.

Zeev Sternhell. Les anti-Lumières – Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide. Paris : Gallimard, 2010.

Zemmour, Éric. Destin français. Paris : Albin Michel, 2018.