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Regards croisés sur l’occupation américaine d’Haïti de 1915

Regards croisés sur l’occupation américaine d’Haïti de 1915

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Fritz CALIXTE)

Colloque international

« Regards croisés sur l’occupation américaine d’Haïti de 1915 »

Appel de communication

 

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Présentation

Pour commémorer les cent ans de l’occupation américaine d’Haïti, le « Centre Interuniversitaire d’études et de recherches sur le Changement Social en Haïti » organise en partenariat avec le journal Haïti Monde le 17 mai 2015 le colloque : « Regards croisés sur la 1ère occupation américaine d’Haïti ».

 

Date limite de remise des propositions de communication :

19 décembre 2014

Retour des avis du comité scientifique :

30 janvier 2015

Publication du programme préliminaire du colloque :

20 mars 2015

Date limite d’inscription au colloque pour le tarif préférentiel :

3 avril 2015

Remise des textes à publier :

24 avril 2015

Date du colloque :

18 – 22 mai 2015

 

Argumentaire

Deux journées d’émeutes soldées par l’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam le matin du 28 juillet 1915, sonnaient le glas de la première indépendance d’Haïti. À 10h30 de ce jour fatidique, le navire-amiral Washington accosta et à 5 heures de l’après-midi, deux milles hommes de troupe, sous le commandement de l’amiral Caperton, débarquèrent à Bizoton, banlieue sud de la Capitale haïtienne. Sans perdre de temps, l’amiral mit le pays sous protectorat militaire, financier et juridique (Blancpain 1999; Castor 1988; Mathon 1972; Gaillard 1973, 1981a, 1981b, 1987). L’occupation se fit sans résistance. Le premier pays latino-américain, le seul État des Caraïbes à s’être soustrait de la domination coloniale et à avoir obtenu par ses propres moyens son indépendance fut en 1915 le dernier de la zone à être mis sous tutelle.

 

Cet événement soulève un nombre considérable d’interrogations pour lesquelles jusqu’à présent nous ne disposons pas de réponses satisfaisantes. Loin de vouloir le présenter comme « la fin des baïonnettes » (Mathon), ou comme « une déroute de l’intelligence » (Gaillard), ce colloque entend analyser les raisons qui ont poussé les deux premiers Etats qui se sont faits des « bancs d’essai » en Amérique des idées émancipatrices européennes du 17ème et du 18ème siècle, à se retrouver l’un contre l’autre. Un siècle après ce double échec de la liberté, les leçons ne semblent pas avoir été tirées. Ce manquement a conduit, dans le cas d’Haïti, à revivre à deux reprises ce passé. Entre 1994 et 2004, le pays a connu deux autres occupations de son territoire. Dans le cas des États-Unis, l’expérience haïtienne n’a pas freiné leurs ardeurs dans la poursuite de la doctrine de Monroe et pour l’expansionnisme.

 

Les études américaines et haïtiennes qui ont reconstitué le contexte de l’occupation américaine d’Haïti se sont la plupart du temps contentées de faire le récit des évènements ou de dénoncer avec passion l’impérialisme yankee, sans vraiment aborder le fond du problème. L’objectif du colloque sera donc de discuter à la fois des contextes américain, haïtien et international qui ont permis à un tel événement de se produire, et des enjeux qu’il soulève.

 

La reconnaissance

Le premier de ces enjeux concerne l’impossible  reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par des puissances coloniales, anciennes ou nouvelles. Cette impossible reconnaissance traduit d’abord la difficulté de l’Occident à sortir de la vision coloniale de l’histoire et à voir dans les autres sociétés autre chose que leur retard à entrer dans la modernité et la rationalité. Elle traduit ensuite son incapacité à sortir de la dialectique du maître et de l’esclave et à accepter que la révolution haïtienne puisse désormais poser, mieux que celle des États-Unis en 1776 et mieux que celle de la France en 1789, l’horizon vers lequel l’humanité entière devrait tendre. En tant qu’elle est une remise en question de la subjectivité conquérante du monde et des autres, la révolution haïtienne a proposé à tous les peuples une nouvelle orientation normative. Elle a montré « la sortie de l’ère de la domination raciale, esclavagiste et coloniale [comme tâche] à accomplir au niveau de la pensée comme au niveau de la réalité du monde » (Hurbon 2007). Toutefois, avec la complicité d’une certaine épistémologie et historiographie, cette réponse des Haïtiens à la question de l’institution de l’altérité a été fort longtemps dissimulée. Car dans la vision occidentale du monde, Haïti fut et demeure dans la sphère de l’altérité : celle de l’humanité barbare, des sociétés non civilisées ou sous-développées.

 

La première occupation américaine d’Haïti (1915-1934) n’est pour ainsi dire pas un événement anodin qui concerne le seul pays nègre des Amériques. Elle est l’expression d’un mouvement plus général de non-reconnaissance, de déni voire même de refus de l’apport de la révolution haïtienne à l’histoire universelle. Elle est la réplique d’un certain ordre international déterminé à taire ou à briser ce symbole de conquête de la liberté, de terre d’asile, et d’émancipation politique. Elle est l’incarnation du désir de refonder la légitimité du colonialisme, de l’impérialisme et de la suprématie blanche.

 

L’occupation de 1915 donne enfin à voir un cercle vicieux (contreproductif) d’exploitation, de contrôle, de dépendance et de résistance dans lequel Haïti et les États-Unis d’Amérique semblent engagés depuis plus d’un siècle et duquel – comme dans la dialectique du maître et de l’esclave (Hégel)- aucun des deux n’arrive à s’affranchir.

 

La souveraineté nationale et le droit d’ingérence

Le deuxième enjeu que soulève l’occupation américaine est encore un problème contemporain, celui des limites de la souveraineté nationale et du droit d’ingérence. Pour être bien comprise, cette question mérite d’être étendue à d’autres expériences d’occupation dans la région (République dominicaine, Honduras, Nicaragua, Panama) ou ailleurs. Cela aura l’intérêt d’apporter à ces débats un éclairage comparatif.

 

La résistance

La résistance est un autre enjeu en cause. Le terme « résistance » renvoie à une pluralité de mouvements d'opposition face à une force d’occupation, ou contre toute forme de répression. Il ne s’agira pas de limiter les discussions aux modalités de résistance, ou aux stratégies et aux médias mobilisés à cette fin. Il faudra aussi prendre en compte le contexte historique, la configuration des acteurs et de leurs rapports de force, les finalités de leurs actes… Cette interrogation sur la résistance pourrait aussi s’arrêter au caractère universel du désir de liberté (Hegel) ou à l’amour immarcescible de la liberté (Manigat) des Haïtiens. Une liberté éprouvée et avérée par la mise en jeu de la vie. Une liberté jamais totalement acquise, une liberté difficile à sauvegarder. Encore une fois, un éclairage comparatif pourrait être salutaire.

 

Les promesses et le bilan de l’occupation

Le quatrième enjeu qui mérite toute notre attention est l’héritage de l’occupation américaine. Il ne s’agira pas seulement de faire un bilan de ses réalisations à la lumière de ses promesses en matière de modernisation économique, de civilisation des mœurs, de construction d’infrastructures, de démocratie et de stabilité politique. Il importe également d’interroger l’idéal que l’occupant a fait miroiter en 1915 et qui continue de séduire encore aujourd’hui, en guise de justification de l’assujettissement à la finance internationale ou tout simplement du néocolonialisme.

La mémoire

Un colloque sur l’occupation américaine ne saurait faire l’économie des questions sur les manières dont cet événement est entré, conservé et renouvelé dans la mémoire. La place de la littérature, des contes et des chansons populaires comme témoignages ou comme instruments de lutte ou de réparation, les discours historiographiques comme espaces de lutte et de pouvoir, la culture visuelle comme médium et cadre d’expression, de lutte et de catharsis, doivent être analysés. La mémoire des actes de cruauté commis par les Américains, celle des acteurs de la résistance, celle de la nouvelle expérience coloniale, la réhabilitation de certaines figures historiques (Leconte par exemple), méritent d’être examinées avec soin. L’actualité des problèmes soulevés par l’occupation américaine dans l’histoire contemporaine commande enfin un effort urgent de réflexion.

 

Ces enjeux et bien d’autres, comme la question de la sécurité régionale ou des conditions nécessaires à l’instauration d’un protectorat, définiront les grands thèmes qui seront abordés dans le cadre de ce colloque, sous forme de conférences plénières, d’ateliers ou de tables rondes.

 

Objectif

L’objectif fondamental des discussions est de faire le point sur l’état actuel de la connaissance pour détecter les questions qui demeurent inexplorées, celles qui sont encore mal comprises ou erronées, et celles pour lesquelles la recherche a fourni une réponse satisfaisante. C’est à un dialogue des disciplines, un croisement des méthodes et des perspectives théoriques pour améliorer notre compréhension de cet événement marquant dans l’histoire d’Haïti et des Amériques que nous vous convions.

 

Participants

Le colloque cible des chercheurs, des acteurs de la société civile, des fonctionnaires et des étudiants provenant principalement de trois continents : l’Afrique, l’Europe et les Amériques. Les historiens, les philosophes, les sociologues, les chercheurs en littérature, les étudiants gradués sont invités à proposer des interventions en anglais, en espagnol, en français ou en créole. La liste des participants invités est déterminée par un comité scientifique. 

 

Modalités de soumission des propositions de communication

Soumettre un résumé de 250 mots et trois à cinq mots-clés. Le résumé doit être accompagné du nom de l’auteur, son affiliation (institution et département) et son adresse courriel. Les propositions doivent être envoyées à l’adresse mail : occupationaméricaine@gmail.com avant le 19 décembre 2014.

 

Plan de diffusion

Les auteurs des communications sélectionnées seront ensuite invités à produire au plus tard le 24 avril 2015, un article scientifique en vue d’un ouvrage collectif. Ce texte qui devra être rédigé selon les normes éditoriales jointes, sera évalué par un comité de pairs. Sa publication est conditionnelle à un avis favorable du comité scientifique.

 

Pour information

Écrivez-nous à l’adresse : occupationaméricaine@gmail.com

 

Comité d’organisation

Eddy Saint-Paul, Professeur à la Universidad de Guanajuato, Mexique

Fritz Calixte, Directeur du journal Haïti Monde

Herby Glaude, Professeur à l’Université d’État d’Haïti

Marie Ensie Paul, chercheur associé à Paris III et Assistant professeur au College of the Bahamas

Martine Martial, étudiante à l’Université de Port-au-Prince

Martineau Nelson, Professeur à l’Université d’État d’Haïti

Roberson Édouard, chercheur, Université Laval, Québec

 

Comité scientifique

Bérard Cénatus, Université d’État d’Haïti

Carlo A. Célius, Chargé de recherche au CNRS

Eddy Saint-Paul, Universidad de Guanajuato

Edemond Yao, Université de Bouake,

Fritz Calixte, Haïti Monde

Hérold Toussaint, Université d’État d’Haïti

Jean-Pierre Sainton, Université des Antilles et de la Guyane

Marie Ensie Paul, chercheur associé à Paris III et Assistant professeur au College of the Bahamas

Marcel Dorigny, Université de Paris 8

Nelson Sylvestre, Université d’État d’Haïti

Roberson Édouard, Université Laval, Québec

Salikoko Mufwene, University of Chicago, USA

Serge Alain Nzamba, Université Omar Bongo, Gabon