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"Penser les arts littéraires. Formes performatives, installations et technologies numériques" (Metz)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Thibaut Monéger)

Colloque international

"Penser les arts littéraires"

25 juin-26 juin 2020
Cité musicale, Arsenal (Salon Claude Lefebvre)
3 Avenue Ney, Metz

Responsables scientifiques :
Carole Bisenius-Penin (Université de Lorraine, France)
René Audet (Université  Laval, Canada)
Bertrand Gervais (Université du Québec à Montréal, Canada)

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Contexte :

Ce colloque international repose sur une coopération franco-québécoise déjà initiée qui associe des unités de recherche et des opérateurs culturels. Il s’inscrit dans le projet CRÉALIT (Création croisée arts littéraires, 2019-2021), lauréat du Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ministère des relations internationales et de la francophonie), qui s’actualise notamment à travers une résidence croisée, incluant la création d’un réseau de création artistique entre la France et le Québec, en fonction de divers partenaires (la ville de Metz désignée « Ville créative dans le domaine de la musique » par l’Unesco, le Centre de recherche sur les médiations/Université de Lorraine, la Cité musicale, le festival Le Livre à Metz, la Maison de la littérature de Québec, l’Institut Canadien de Québec, la ville de Québec désignée « Ville créative dans le domaine de la littérature » par l’Unesco). Le dispositif implique une réflexion sur les formes actuelles de la littérature hors de la page, à travers ses enjeux identitaires et symboliques, tout en privilégiant la circulation des œuvres artistiques et littéraires francophones.

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Problématique :

La question des arts littéraires se pose de manière cruciale dans le milieu littéraire québécois et canadien, lequel cherche actuellement à se mobiliser afin de rendre visibles la création, la circulation et la diffusion des œuvres contemporaines sur le territoire. (https://theconversation.com/au-quebec-et-au-canada-les-arts-litteraires-se-reinventent-113442). Dans ce contexte, il s’impose de s’entendre sur la dénomination évoquée sous cet intitulé émergeant des « arts littéraires ».  À la suite de certaines expérimentations menées en amont (Bernard Heidsieck, Henri Chopin, William S. Burroughs, Kenneth Goldsmith, l’Oulipo, Jean-Pierre Balpe…) tout autant que dans le sillage des cultures dites populaires croisant très tôt livre et nouveaux médias, ces pratiques mêlent formes performatives, installations et technologies numériques, et posent d’un point de vue conceptuel des difficultés, par leurs diverses ramifications sémantiques inscrites dans l’espace public : « poésie performée », « arts de la parole », « œuvres transmédiatiques » , « néolittérature ».

L’enjeu est bien de penser le contemporain littéraire en lien avec cette démultiplication de pratiques hétérogènes empruntant de multiples formes et supports (lecture dessinée, poésie numérique, feuilletons radiophoniques, vidéo-poèmes, créations sonores immersives ou interactives, spoken word et slam). À travers ces productions, l’objectif recherché, par différents moyens, est de faire participer la littérature, en tant que discipline artistique, à une démarche transdisciplinaire de création, en médiatisant notamment la figure de l’écrivain et son œuvre. De manière plus générale, cette propension s’inscrit dans le « tournant performatif » touchant à la fois le champ artistique et celui des sciences humaines et sociales (Burke, 2005 ; Bell, 2008). La littérature quitte le support livresque pour investir l’espace public : de nombreuses créations littéraires infiltrent ainsi la spatialité de la ville, tout en posant aussi la question des « faire avec l’espace », qui rejoint certains enjeux de l’art contemporain (Volvey, 2008). En cela, les arts littéraires sont proches d’une certaine tendance de la littérature contemporaine française qualifiée « hors du livre » par certains chercheurs (Rosenthal, Ruffel, 2010), qui induit un nouveau rapport problématisant la figure de l’écrivain au sein d’une industrie culturelle littéraire prônant le spectaculaire. S’émancipant de la forme canonique du livre, une telle performativité de la littérature demeure néanmoins une réelle prise de risque pour les secteurs où il demeure symboliquement fort : « La littérature a été si longtemps associée au livre que nous avons tendance à nous préoccuper de l’avenir de ce dernier plutôt qu’à interroger la nature du lien instauré il y a cinq siècles entre le texte et son support imprimé. En se libérant de ce lien, la littérature prend le risque de remettre en cause son identité, le risque de se perdre ou de se dissoudre dans la vaste mutation médiatique en cours » (Clément, 2001).

Face à cette mutation de la création littéraire qui interpelle tous les acteurs du milieu (édition, diffusion) se pose la question de l’efficacité du livre en tant que médium soumis à une poétique de la diffraction reconfigurant sans cesse les pratiques dans un monde d'écrans et de réseaux. Par rapport à ce développement sans précédent du performatif, de l’interactif et de l’exposition de la littérature au sein de la culture numérique, on remarque paradoxalement un manque d’analyses critiques concernant les arts littéraires et un dialogue insuffisant entre pratiques du champ restreint et du champ populaire.

Ainsi, afin de contribuer à combler ce manque, le Centre de recherche sur les médiations (Crem, Université de Lorraine), par le biais de son laboratoire hors les murs au sein la Maison de la littérature de Québec, s’associe à l’Université Laval (CRILCQ) et à de l’Université du Québec à Montréal (NT2) gérant le partenariat « Littérature québécoise mobile : pratiques littéraires d’écriture et de lecture en contexte numérique (LQM) » dirigé par Bertrand Gervais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques.

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Appel à propositions de communications :

Entre littérature et arts, fictions transmédiatiques et game art, œuvres exposées et work in progress, ce colloque sur les arts littéraires propose trois axes possibles de réflexion :

1) Approche épistémologique : conceptualisation des arts littéraires, une pratique-frontière ?

Ce premier axe découle du caractère exploratoire des arts littéraires démultipliant les formes, dispositifs et matériaux. Face à la difficulté d’identification et de typologisation des pratiques littéraires hybrides observées, il devient important de constituer une base définitoire commune. Un tel projet s’avère un préalable institutionnel et scientifique urgent qui engage la communauté scientifique et qui doit également prendre en considération les besoins autant que la pratique des acteurs de la filière du livre et des professionnels de la culture. Comment expliquer l’émergence des arts littéraires ? À quels principes créatifs fondamentaux recourent-ils ? Selon quelles logiques, valeurs, filiations, synergies ? Enfin, les arts littéraires offrent-ils aux publics des stratégies interactionnelles spécifiques, sous quelles conditions de monstration et modalités de publicisation ?

2) Approche littéraire et esthétique des arts littéraires : une poétique de la diffraction ?

Il s’agit, dans ce deuxième axe, de s’interroger sur la manière inédite dont les créations littéraires hors de la page, c’est-à-dire dans une dynamique du texte aux lieux d’inscription de la textualité hors du livre, se recomposent en privilégiant recherche expérimentale, emprunts techniques et processus de diffraction (Audet, 2011). Il est par exemple intéressant de cerner le montage opéré par les Productions Rhizome à partir des poèmes de l’écrivaine québécoise Louise Dupré qui combine lecture sonore, musique et vidéo dans un face-à-face entre la poétesse et le compositeur (Plus haut que les flammes, 2016). De la même manière, comment cette poétique de la diffraction s’insinue-t-elle dans l’œuvre de l’écrivaine française Anne Savelli qui construit son blog-atelier (Fenêtres open space) en recourant à un outil du net art et du jeu vidéo par le biais de son avatar, Dita Kepler, « personnage/décor » en perpétuelle transformation ? L’objectif est de saisir les perspectives littéraires et esthétiques visées en fonction des dispositifs imaginés : lecture dessinée, feuilletons radiophoniques, vidéo-poèmes, narrations combinatoires, créations sonores immersives ou interactives… Comment les arts littéraires mettent-ils en scène de nouvelles formes littéraires et en fonction de quels contextes (festivals, musée, rues) ?

3) Des arts littéraires aux écritures numériques : dialogue, hybridation et résonance

Pour ce dernier axe, l’enjeu est de centrer les investigations sur les nouvelles formes d’écritures inter- et transmédiatiques, en montrant les interactions potentielles entre littérature, « culture de la convergence » (Jenkins) et arts numériques, dans toute leur diversité (projection, virtualisation, installation et/ou dispositif, parcours connecté). Quels impacts cette modification des pratiques littéraires envisagée sur le mode de l’hybridation (littérature animée, e-poésie, littéraTube, Twittérature…) engendre-t-elle, tant du point de vue de la création que de la réception ? En cela, ces investigations favorisent-elles une « gamification » de la littérature ? Comment les auteurs utilisent-ils ces nouveaux médias et ces dispositifs numériques ? En s’inscrivant dans la filiation du net art, de quelle manière les arts littéraires mettent-ils en tension innovation technologique et pratiques culturelles ?

 

Les contributions attendues peuvent explorer un ou plusieurs des axes proposés, en privilégiant des considérations théoriques dans une approche réflexive ou une recherche plus empirique à partir d’investigations de terrain passées ou en cours, en France et au Canada, comme à l’étranger. Les approches comparatives et transdisciplinaires (sciences de l’information et de la communication, littérature, sociologie, arts, design, sciences de l’éducation, sciences du langage…) sont également les bienvenues.

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Les arts littéraires au sein de Constellations :

Le colloque aura lieu en ouverture de Constellations, le festival international d’arts numériques porté par la ville de Metz (25 juin-5 septembre) qui, depuis sa création en 2017, invite les publics à une interprétation de l’espace urbain, à travers le regard d’artistes venus de tous horizons. Durant plus de deux mois, l’art investit les rues et permet de découvrir le territoire sous un jour nouveau, à travers un parcours nocturne « Pierres Numériques », mais également des parcours artistiques diurnes « Street art » et « Arts et Jardin », ainsi que de nombreuses projections, spectacles, performances, expositions et concerts. Salué par la presse internationale et nationale, le festival se positionne comme une destination culturelle incontournable en France comme en témoigne son attractivité (1,4 M visiteurs en 2019).

https://metz.fr/fichiers/2019/10/03/Bilan_2019.pdf

Une visite privée des installations et œuvres sera spécialement proposée aux participants du colloque.

En partenariat avec l’Observatoire des politiques culturelles dans le cadre de la rencontre organisée dans le Grand Est sur le thème « Innover dans la culture, humaniser la civilisation numérique » le 25 juin à Metz, une passerelle entre les deux manifestations sera mise en place.

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Modalités :

Le colloque se déroulera les 25 et 26 juin à la Cité musicale, Arsenal de Metz
(Salon Claude Lefebvre), 3 Avenue Ney, Metz

La langue de travail sera le français.

Chaque participant·e disposera de 20 minutes pour sa présentation.

La proposition de communication (environ 5 000 signes), au format Word ou PDF, ainsi qu’une notice bio-bibliographique (profession, domaine de recherche, institution, publications) est à faire parvenir aux adresses suivantes :

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Calendrier 

Date limite d’envoi des propositions (résumés) : 30 janvier 2020

Réponses aux auteurs : 28 février 2020

Comité d’organisation 

Carole Bisenius-Penin (Université de Lorraine, France)
René Audet (Université Laval, Canada)
Bertrand Gervais (Université du Québec à Montréal, Canada)

Comité scientifique

Jan Baetens (KU-Leuven, Belgique)
Anne Besson (Université d’Artois, France)
Bruno Blanckeman (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, France)
Philippe Bootz (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France)
Serge Bouchardon (Université de technologie de Compiègne, France)
Marc André Brouillette (Université du Québec à Montréal, Canada)
Jean-Max Colard (Université de Lille, France)
Constance Crompton (Université d’Ottawa, Canada)
Oriane Deseilligny (Université Paris 13, France)
Jean-Paul Fourmentraux (Aix-Marseille Université, France)
Sébastien Genvo (Université de Lorraine, France)
David Martens (KU Leuven, Belgique)
Warren Motte (University of Colorado Boulder, États-Unis)
Magali Nachtergael (Université Paris 13, France)
Olivia Rosenthal (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France)
Lionel Ruffel (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France)
Alexandra Saemmer (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France)
Nolwenn Tréhondart (Université de Lorraine, France)
Dominique Viart (Université Paris Nanterre, France)

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Bibliographie indicative

Audet René, et Simon Brousseau (2011), « Pour une poétique de la diffraction de l’œuvre littéraire numérique : l’archive, le texte et l’œuvre à l’estompe », Protée, vol. 39, n° 1, p. 9-22. https://www.erudit.org/revue/pr/2011/v39/n1/1006723ar.html

Audet René (2014-1 | 2015), « Écrire numérique : du texte littéraire entendu comme processus », Itinéraires. http://journals.openedition.org/itineraires/2267

Baetens Jan (2016), À voix haute. Poésie et lecture publique, Bruxelles, Les Impressions nouvelles.

Balpe Jean-Pierre (1995), « Pour une littérature informatique : un manifeste », in Littérature et informatique : la littérature générée par ordinateur, Alain Vuillemin et Michel Lenoble (dir.), Arras, Artois Presses Université, p. 19-32.

Bell Elizabeth (2008), Theories of Performance, Tampa, University of South Florida, USA.

Besson Anne (2015), Constellations. Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS Éditions.

Bisenius-Penin Carole (2018), « Figurations auctoriales et dispositifs muséaux : l’exposition comme espace de médiation de la littérature », MEI : Information et Médiation, 42. http://mei-info.com/revue/42/83/

Bessière, Jérôme et Emmanuèle Payen (2015), Exposer la littérature, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie.

Bouchardon Serge (2014), La valeur heuristique de la littérature numérique, Paris, Hermann.

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Brouillette Marc André (2015), « Poésie et espace public : lectures des mots, lectures des lieux, in Corinne Blanchaud et Cyrille François (dirs), Pour la poésie. Poètes de langue française (XXe-XXIe siècle), Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, p. 425-435.

Burke Peter (2005), « Performing History: The Importance of Occasions », Rethinking History, vol. 9, n° 1, p. 35-52.

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Colard Jean-Max (2010), « Quand la littérature fait exposition », Littérature, vol. 160, n° 4, p. 74-88.

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