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Penser l'inquiétude au présent. L'inquiétude, formes et expressions (Tunis)

Penser l'inquiétude au présent. L'inquiétude, formes et expressions (Tunis)

Penser l'inquiétude

L’inquiétude: formes et expressions

jeudi 24 & vendredi 25 novembre 2021

Université de Carthage, Institut Supérieur des Langues de Tunis (ISLT),

17 rue Ibn Majja, 1002 Tunis (Tunisie)

 

La notion d’ « inquiétude » est ambivalente. C'est ce que semble souligner Brice Halimi dans son article "INQUIETUDE" (Cf. Dictionnaire Culturel en langue française, sous la direction d'Alain Rey, Dictionnaire Le Robert, Paris, 2005, pp 2002-2006). Invoquant ou citant divers écrivains, philosophes, mystiques et moralistes, tels que La Fontaine, Hugo, Baudelaire, Ponge, Allan Poe, Pascal, Saint Augustin, Sartre, Schopenhauer, Locke, Leibniz, Kierkegaard, l'auteur de l'article fait observer le glissement d'un sens négatif à un sens positif de l'inquiétude (non repos, insatisfaction, intranquillité, insécurité, imperfection VS refus du confort, voie du plaisir et de la jouissance, possible de la liberté), et d'un sens littéraire à un sens mystique, métaphysique, psychologique, philosophique, sans parvenir à l'exhaustivité.

La notion demeure jusqu'à nos jours inépuisée, invitant à des réflexions appartenant à des domaines divers. Ce colloque vise à redéfinir cette notion, en tenant compte des domaines auxquels elle est liée et en la contextualisant : Qu'est-ce que l'inquiétude à l'époque post-moderne? Quelles en sont les formes et les expressions?

De fait, la notion d'inquiétude est multidimensionnelle. Elle relève d’une catégorie philosophique identifiée depuis longtemps et souvent assimilée à une réflexion ontologique. Elle ressurgit aujourd’hui comme un nouveau paradigme éthico-social. L’humanité semble avoir atteint son « seuil d’incompétence morale » (Amine Maalouf). Cette notion permet en effet d’interroger le rapport qu’entretient l’homme post-moderne avec la société, la pensée et l’avenir. Elle interroge sa manière de vivre les désordres du monde présent et leur inscription dans la pensée collective. Témoin du dérèglement du monde, l’homme post-moderne a conscience en effet des dangers inhérents aux débordements incontrôlés de la mondialisation, de leurs conséquences désastreuses sur la société et sur l’environnement. L’irruption de la pandémie, cette crise sanitaire mondiale, semble plonger avec plus d’acuité l’humanité dans une nouvelle « ère du soupçon », tant l’épidémie fait vaciller les certitudes (Edgar Morin). L’imprévisibilité de cette catastrophe virale suscite de fait un certain nombre d’incertitudes quant à l’origine du virus, sa dangerosité, ses traitements et ses mutations mais aussi sur la durée du confinement, ses conséquences économiques, politiques et sociales et soulève un certain nombre de questionnements majeurs (Morin). L’opacité du monde extérieur est donc à l’origine de cet écartèlement de l’homme post-moderne  entre le désir et la peur, la passion du certain et la conscience de l’aléatoire, tantôt croyant au mythe du Progrès, tantôt cédant  au tourment provoqué par la violence du réel.

L’inquiétude est aussi anthropologique, dans la mesure où elle définit l’essence même de l’homme et illustre le regard qu’il porte sur le monde de son temps, mais elle est également une expérience métaphysique et corporelle, une posture interrogative à l’égard de l’opacité du moi et du réel et une réaction universelle à la violence du monde. Dans cette perspective et au niveau de l’expression, les termes qui encodent l’inquiétude dans diverses cultures ne se recouvrent pas forcément, créant inexorablement des problèmes de traduction et d’intercompréhension, même entre langues apparentées comme le français, l’anglais, l’italien ou le portugais (chevauchement, débordement, composition, (im-)motivation, faux-amis) sans parler des langues éloignées. Pourtant, cette notion semble être inhérente à la dynamique vitale, comparable à l’historicité/ conscience de la chronologie et universelle comme l’(im-)mortalité ou l’intelligence réflexive. Elle rappelle jusqu’à l’obsession l’imperfection et la vulnérabilité de l’humain.

Rapportée à la littérature, l’inquiétude agit comme principe de création, générant de nouvelles poétiques, contestant les poétiques traditionnelles, entraînant un mouvement de régénération avec les nouvelles esthétiques posées par les écrivains du XXs. qui placent l’imprévisible au centre de l’inquiétude et posent le sujet comme puissance de questionnement, marqué par l’instable, le fragmentaire, le doute…

L’ « inquiétude » apparaît en outre comme une praxis, c’est-à-dire comme une pratique du discours générant le déploiement de l’imaginaire et des poétiques singulières, faisant d’elle un élément dynamique nécessaire à la créativité et au dépassement.

La multidimensionnalité de cette notion se manifeste au niveau cognitif par le fait qu’elle sature ou presque son champ notionnel, depuis les manifestations physiques, physiologiques, aux élucubrations philosophiques, en passant par les préceptes moraux et les investigations psychologiques : limitation biologique (étranglement), agitation physique (oscillation), instabilité psychologique (tourments), charge émotionnelle (crainte/préoccupation), flou épistémique (incertitude)…

Dans le nouveau paradigme proposé par la post-modernité, il est opportun d’insister sur la séparation de l’étude des formes que revêt l’inquiétude de celles qui révèlent l’inquiétude des formes.  La poétique traditionnelle a  certes interrogé la forme (Paul Eluard «L’inquiétude des formes», par ex), mais seul le nouveau modèle explicatif permet de les contextualiser et d’en faire des “grands signes” tels l’incomplétude (le fragmentaire, l’elliptique, l’inachevé, …), la rupture asignifiante, la rature, le désordre, l’incohérence, la dénonciation de la formalisation et de la linéarité, de la régularité hiérarchisée et standardisée (arborescence et paires opposables), etc., sont autant d’expressions de l’inquiétude de la forme. Il semble alors tout à fait pertinent de réactualiser la pensée sur l’ « inquiétude » et de l’envisager au présent dans la perspective de la complexité qui suppose l’abolition des frontières pour une conception rhizomatique plus conforme à l’irrégularité du “réel”.

Multidimensionnelle, cette notion sera approchée selon divers points de vue (philosophique, artistique, littéraire, linguistique, etc.) et déclinée en les axes suivants:

Axe 1 : Approche sémiotique de l'inquiétude: Contextualiser l’inquiétude (la post-modernité et ses métaphores conceptuelles), analyser le discours littéraire, artistique et autres formes d’expression, aborder l'inquiétude comme tension et mobilité passionnelles. (Cf. Greimas et Fontanille, Sémiotique des Passions).

Axe 2: Inquiétude et degré de perception et d'appropriation du corps propre, du temps et de l'espace (approche phénoménologique de l'inquiétude: l'être humain entre désir de possession et constat de dessaisie).

Axe 3 : Etude des poétiques de l’effondrement dans la littérature contemporaine avec les champs littéraires du « catastrophisme » et de la « collapsologie »: examiner en quoi ces poétiques diffèrent du désenchantement, du mal du siècle ou du décadentisme et s'interroger s'il y a une définition nouvelle de l’inquiétude. 

Axe : Etude des poétiques de la résilience (Cyrulnik)/ réparation (Maylis de Kérangal)/ reliance (Cheng).

Axe 5 : L’écopoétique ou le retour à une phénoménologie de la nature, à une perception concrète de l’univers naturel qui devient un réservoir d’images, un lieu de récit possible sur soi et sur le monde, induisant une réflexion sur le rapport de l’homme à la nature, et la conscience aiguë de la destruction et de la prédation qu’il exerce à son égard.

Comité scientifique: 

Héla Msellati, Professeur (ISLT), Houda Ben Hamadi, Maître de conférence (ISLT), Hichem Messaoudi, Maître de conférence (ISLT), Mokhtar Farhat, Maître de conférence (ISEAH- GAFSA), Moufida Bannour, Maître de conférence (ISLT).

Comité d'organisation: 

Amina Chenik, Maître-Assistante (ISLT), Zahra Chaouch, Maître-Assistante (ISLT), Sarra Malouche, Maître-Assistante (ISLT), Meriem Azizi, Maître-Assistante (ISLT), Nesrine Boukadi, Maître-Assistante (ISLT), Bilel Selem, Maître-Assistant (ISLT), Neïla Gharbi, Maître-Assistante (ISLT).

Les propositions sont à envoyer au plus tard le 30 septembre 2021 à l'adresse suivante: penserlinquietude21@gmail.com ou à neila.gharbi@yahoo.fr

Une réponse sera envoyée au plus tard le 15 octobre 2021.

UR ATLL: http://www.islt.rnu.tn