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"Théâtre et parole politique dans l’espace public" (Cahiers de Littérature Orale, 2021)

Publié le par Marc Escola (Source : Elara Bertho)

Cahiers de Littérature Orale 

Numéro spécial - « Théâtre et parole politique dans l’espace public », 2021. 

Coordination :

Elara Bertho, Aurore Desgranges et Maëline Le Lay 

Date d’envoi des propositions d’articles : 10 janvier 2020. 

 

Ce numéro des Cahiers de Littérature Orale sera centré sur la place de la parole politique dans les performativités artistiques qui s’expriment au sein de l’espace public, entendu en son sens « matériel » (espace urbain ouvert au public) et « métaphorique » (sphère du débat public) (Fleury, 2010). 

La « parole politique » occupe en effet une place croissante dans les différentes métropoles africaines, notamment au sein de « parlements de la rue » mais aussi lors de rassemblements et d’actions revendicatives menées par des activistes militant pour plus de démocratie et de justice sociale (Le Balai citoyen au Burkina Faso, Y’en a marre au Sénégal, Filimbi et la LUCHA en RD Congo...). Dans les villes occidentales également, on assiste à une construction collective de « cette parole politique » qui, en réaction à la crise économique, se déploie de manière croissante lors de rassemblements dans l’espace public (Banégas, Brisset-Foucault, Cutolo, 2012). Les pratiques artistiques auxquelles s’intéresse ce numéro se situent ainsi au carrefour d’une politique de la parole publique et d’une politique d’occupation des lieux, transformés tantôt en espaces de contre-pouvoir, tantôt en espaces de reproduction de l’ordre hégémonique. Mise en circulation à travers les corps des acteurs, performeurs mais aussi à travers différents supports (visuels, sonores, numériques...), investissant places, arrière-cours, rues, la parole politique performée dans l’espace public émane du contexte social et politique dans lequel elle est formulée, tout autant qu’elle en est partie prenante. 

En France, « l’hyper-référence » à la notion d’espace public dans le champ théâtral traduit l’omniprésence de l’imaginaire de la démocratie dans le discours de ses acteurs (Hamidi- Kim, 2018). À cet égard, le mouvement d’institutionnalisation des arts de la rue dans les années 1990 relève d’une volonté partagée par les acteurs socio-culturels et les artistes de « refonder du lien et de la communauté politique » par le théâtre dans un contexte de crise de l’espace urbain et de faillite du lien social (Hamidi-Kim, 2013). Il s’agissait alors de redonner du sens à la vie urbaine dans un contexte de crise (Chaudoir, 2008). L’art contemporain et la performance, au même titre que les arts de la scène, lorsqu’ils investissent l’espace public, visent à reconfigurer l’imaginaire urbain et démocratique (Malaquais, 2006). Ces formes fécondes émergeant au carrefour des arts et – dans certains contextes, des langues – prétendent construire de nouvelles modalités de discours publics et d’interactions sociales. 

Toutefois, il est nécessaire de prêter une attention aux usages spécifiques de la parole politique pour mesurer la capacité réelle des formes artistiques à se réapproprier le modèle de démocratie participative ou à réinvestir l’espace public dans des contextes où son sens et son usage ont été endommagés. Dans une capitale africaine telle Ouagadougou, les paroles des chansons du Balai Citoyen pendant l’insurrection d’octobre 2014 ont eu une place majeure dans les actions revendicatives accompagnant le démantèlement du régime autocratique de Blaise Compaoré 

(Degorce, Palé, 2018). De même, la formation de plateformes festivalières inédites sur le continent (Peghini, Thérésine, 2016), travaillant à la fidélisation d’un public local autant qu’à l’intégration dans un système de consécration à la fois francophone et panafricain, révèle la volonté de faire des rassemblements artistiques les chambres d’échos locales et transnationales de l’actualité des pays où ces festivals sont implantés, et de leurs enjeux socio-politiques. Dans des pays en situation de conflit ou post-conflit, l’espace urbain – qui est espace d’exposition à l’autre par excellence – est synonyme de danger potentiel ou de risque et s’ouvre ainsi difficilement à des performances artistiques, a fortiori lorsque celles-ci se font aussi lieux d’énonciation d’une parole politique collective dont on appréhende le débordement. 

Ce numéro invite les contributeurs et contributrices à s’intéresser aux usages de la parole politique dans les performativités artistiques urbaines. De quels rapports de pouvoir rend-elle compte ou permet-elle l’affranchissement ? À quelles conditions devient-elle politique et dépasse-t-elle « l’évidence de son « dire » » (Neveux, 2019) ? Comment s’inscrit-elle dans des espaces publics plus ou moins investis par les arts ? Agit-elle immédiatement ou de manière différée sur le public via par exemple les réseaux sociaux au sein d’« espaces de paroles inédits » (Bornand, Degorce, Leguy, 2015) ? 

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Calendrier : 

- Envoi des propositions d’articles : 10 janvier 2020. À :

aurore.desgranges@hotmail.fr

e.bertho@sciencespobordeaux.fr

mlelay@ifra-nairobi.net

- Soumission des articles (50 000 signes max) : 10 avril 2020 

- Publication du numéro : printemps 2021. 

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Bibliographie: 

Agier (Michel), Ricard (Alain), « Introduction », Les arts de la rue dans les sociétés du Sud, Autrepart, 1, 1997, pp.5-14. 

Aventin Catherine, « Les arts de la rue pour observer, comprendre et aménager l’espace public », Travaux de l’Institut de Géographie de Reims, Dossier ’ Art et espace ’, 2007, pp.10. 

Banégas (Richard), Brisset-Foucault (Florence), Cutolo (Armando), « Espaces publics de la parole et pratiques de la citoyenneté en Afrique », Politique africaine, 2012/3, n°127. 

Bornand (Sandra), Degorce (Alice), Leguy (Cécile), « Paroles et rapports de pouvoirs dans les Suds », Autrepart, 73, 2015, pp.3-18. 

Chaudoir (Philippe), « La rue : une fabrique contemporaine de l’imaginaire urbain », Rautenberg (Michel) (dir.), L’imaginaire de la ville, le regard et le pas du citadin, Culture & Musées, n°12, 2008, pp. 51-64. 

Chaudoir (Phillippe), « La ville événementielle : temps de l'éphémère et espace festif », Géocarrefour [En ligne], Vol. 82/3 | 2007, mis en ligne le 26 mars 2008, http://geocarrefour.revues.org/2301, consulté le 20 octobre 2019. 

Degorce (Alice), Palé (Augustin), « Performativité des chansons du Balai citoyen dans l’insurrection d’octobre 2014 au Burkina Faso », Cahiers d’Etudes africaines, LVIII (I), 229, 2018, pp.127-153. 

Fleury (Antoine), « Espace public », http://www.hypergeo.eu/spip.php?article482, consulté le 20 octobre 2019. 

Habermas Jürgen, L’espace public, Archéologie de la Publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 324 p., 1978 [1962]. 

Hamidi-Kim (Bérénice), Les cités du théâtre politique en France depuis 1989, Montpellier, L’entretemps, 2013. 

Hamidi-Kim (Bérénice) « Communauté, agora, espace public : des tensions du projet démocratique du théâtre public considérées à partir de Rousseau, Habermas, Fraser et Nancy », in Eliane Beaufils et Alix de Morant (dir.), Développement de l’être-ensemble dans les arts performatifs contemporains, Deuxième époque, 2018, p. 90-113. 

Malaquais (Dominique), « Une nouvelle liberté ? Art et politique urbaine à Douala (Cameroun)», Afrique & histoire, 2006/1 (vol. 5), p. 111-134. 

Neveux (Olivier), Contre le théâtre politique, Paris, La fabrique, 2019. 

Peghini (Julie), Thérésine (Amélie), « Les Récréâtrales (Ouagadougou)/Mantsina sur Scène (Brazzaville), Des espaces où s’inventent des dramaturgies résistantes », Horizons-Théâtre, n°6, 2015.