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Numéro 5 des Cahiers Bataille : 

Numéro 5 des Cahiers Bataille : "Bestiaire Bataille"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Nicola Apicella)

Numéro 5 des Cahiers Bataille : "Bestiaire Bataille"
 

- Présentation des Cahiers Bataille : 

La revue Cahiers Bataille paraît depuis 2011 aux Editions les Cahiers, spécialisées dans la publication de cahiers d’auteurs tels que Louis Aragon, Antonin Artaud, Laure, Michel Leiris et Georges Bataille.

Chaque numéro des Cahiers rassemble une pluralité d’études, d’entretiens, de témoignages, d’hommages, de textes littéraires et de documents iconographiques. Les horizons divers de ses contributeurs offrent une lecture croisée de l’auteur et de son œuvre, aussi bien que de son héritage dans la réflexion et la création contemporaines.

Après le numéro 4, paru sous la forme d’un « Dictionnaire critique » consacré aux concepts développés par Georges Bataille dans son œuvre, nous souhaitons à présent que la cinquième livraison de la revue soit dédiée aux animaux qui parcourent les récits, les romans, les essais, les articles, les poèmes, les notes etc. de l’auteur.

- Argument :

1. Il semble que dans la théorie de Bataille, les animaux, toutes espèces confondues, appartiennent au plan de l’immanence, au sein duquel aucune distance ne les oppose au milieu dans lequel ils vivent. L’animal et le monde extérieur demeurent comme soudés. Un lien invisible et inextricable semble les unir jusqu’à la fusion. Une fameuse formule puisée dans la Théorie de la religion affirme fortement cette absence de séparation entre l’animal et son milieu : « tout animal est dans le monde comme de l’eau à l’intérieur de l’eau » (Théorie de la religion, OC, t. VII, p. 292). Cette thèse de Bataille prônant l’immanence de la vie animale semble exclure la possibilité d’envisager les animaux dans leur diversité et, par là, la possibilité d’un bestiaire.

2. Pourtant, ils sont nombreux à envahir la trame des livres de Bataille et à accompagner ses réflexions : corbeaux, rats, tigres, gorilles, chevaux, mouches, cochons, hiboux, loups, chats, crapauds, taureaux, crabes, canards, araignées etc. Ils peuvent annoncer le malheur (« c’était en même temps comique et sinistre, comme si j’avais un corbeau, un oiseau de malheur, un avaleur de déchets sur mon poignet », Le Bleu du ciel, OC, t. III, p. 129), rendre compte de l’état d’âme du narrateur (« Il me semble avoir un crabe dans la tête, un crapaud, une horreur qu’à tout prix je devrais vomir », Le Coupable, OC, t. V, p. 249), intervenir dans le présent en brisant la chaîne des événements et des réflexions (« J’ai de mon derrière une idée puérile, honnête, et tant de peur au fond. Mélange d’horreur, d’amour malheureux, de lucidité (hibou !)… », L’Impossible, OC, t. III, p. 501), se rapporter à l’histoire personnelle de l’auteur (Bataille gardait toujours près de lui, sur son bureau, un crâne de cheval), troubler une histoire fictionnelle (« posée sur l’œil du mort, la mouche se déplaçait doucement sur le globe vitreux », Histoire de l’œil, OC, t. I, p. 604), servir de comparaison pour faire éclater une vérité (« l’acte sexuel est dans le temps ce que le tigre est dans l’espace », La Part maudite, OC, t. VII, p. 21), être un vêtement (le loup couvrant les yeux de Madame Edwarda, cf. OC, t. III), dramatiser une méditation (le ver luisant dans Méthode de méditation, cf. OC, t. V, p. 200), faire lien avec les humains (les singes humanoïdes et les animaux peints de Lascaux).

3. Au-delà de ces quelques exemples d’animaux bien réels, on retrouve également dans les écrits de Bataille des créatures, issues de la mythologie et de la tragédie grecques, telles que la Méduse et ses sœurs Gorgones, héroïnes d’une pièce de théâtre inédite, récemment retrouvée, La Méduse ; mais aussi le Sphinx, à la fois monstre mythologique dont l’importance évocatrice sur la vie personnelle de Bataille ne peut pas être négligée et – sous sa forme homophonique, Sphynx – une des plus célèbres maisons closes de Paris. On peut mentionner également le Minotaure, titre de la revue fondée par Albert Skira en 1933 dont le nom a probablement été avancé par Bataille lui-même. Ce monstre hybride revient à plusieurs reprises dans les réflexions de Bataille, entre autres dans l’article « Soleil pourri » paru dans Documents. Si les artistes et intellectuels de l’entre-deux guerres témoignaient d’un intérêt certain et généralisé pour la mythologie grecque, cela est sans doute dû à la portée universelle de ses archétypes mais peut-être aussi à la place grandissante que gagnait alors dans leurs cercles la psychanalyse freudienne, nourrie par les récits mythologiques d’Œdipe, de Narcisse ou du Minotaure. Par ailleurs, c’est au cours d’une cure psychanalytique, que Bataille a suivie en 1926 auprès du docteur Adrien Borel, qu’est née l’Histoire de l’œil, et sous impulsion de laquelle il a probablement composé d’autres textes, plus tardifs, tels qu’Histoire des rats (1947), clin d’œil à l’étude de Freud intitulée Homme aux rats qui relate le déroulement de la psychanalyse d’un jeune homme de 29 ans dont l’histoire ressemble curieusement à celle de Bataille.

4. Une figure singulière s’attache tout particulièrement au nom de Bataille, celle qui est devenue l’emblème et le nom d’un groupe et d’une revue, tous deux fondés en 1936 : Acéphale. L’homme nu à tête coupée, debout, aux bras écartés, une arme dans chacune de ses mains, a été dessiné par l’artiste André Masson ; non sans ridicule, sa silhouette ressemble à celle de l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Acéphale est une créature nouvelle, aveugle à la raison, refusant de se soumettre au dictat de la tête. Il n’est plus un homme, ni un dieu, alors ressemble-t-il à un animal ? Bataille précise : « L’homme a échappé à sa tête comme le condamné à la prison. [...] Il réunit dans une même éruption la Naissance et la Mort. Il n'est pas un homme. Il n'est pas non plus un dieu. Il n'est pas moi, mais il est plus que moi : son ventre est le dédale dans lequel il s'est égaré lui-même, m'égare avec lui et dans lequel je me retrouve étant lui, c'est-à-dire monstre. » (« La conjuration sacrée », OC, t. I, p. 445.)

5. Un autre pan de travaux de Bataille concerne la découverte des grottes préhistoriques, notamment celle de Lascaux, et le défi que cette découverte a lancé à l’homme moderne. Sur les parois peintes il y a 26 000 d’ans on retrouve presque exclusivement des représentations animalières : chevaux, bisons, rhinocéros, oiseaux, ours etc. Les figures humaines sont extrêmement rares. C’est par le biais de ces figures animales que Bataille, dans Lascaux et la naissance de l’art, tente de percer les secrets de l’homme du Magdalénien en pointant ainsi ceux de l’homme moderne.

6. Avec le goût pour ce qui résiste à la connaissance et qui est étrange, difforme, voire effrayant pour les sens, Bataille a su s’intéresser à des formes hybrides et baroques dont l’histoire nous laisse des traces sur des pierres gravées (intailles) gnostiques, sur des monnaies sassanides ou gauloises, dans les mythologies des civilisations précolombiennes, sans oublier les enluminures du manuscrit du XIe siècle appelé Apocalypse de Saint-Sever. L’imaginaire foisonnant de créatures bizarres, oubliées, ridicules, monstrueuses que Bataille a développé au fil de ses diverses études, la plupart publiées dans Documents, n’est pas seulement d’ordre esthétique, mais il permet également d’envisager ces figures difformes comme des étapes, des éléments ou des catalyseurs de la pensée de son auteur.

Créer un bestiaire à partir des textes de Bataille paraît non seulement possible mais s’avère également être une entreprise à la fois stimulante et inédite. Nous souhaitons, avec ce numéro, approcher de plus près l’univers des animaux et d’autres créatures, qu’elles soient mythologiques, chimériques, historiques, qui peuplent l’œuvre de Georges Bataille, en encourageant de manière à la fois ludique et théorique la réflexion philosophique, la critique littéraire, l’analyse des œuvres d’art et des objets archéologiques, ethnographiques, de culture populaire etc. ainsi que la création artistique. Le bestiaire Bataille n’a pas la vocation d’être un simple catalogue d’animaux, mais un outil permettant aux futurs lecteurs de découvrir autrement que par le biais d’abstractions, l’esprit et les rouages de la pensée de Bataille.

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Modalités de soumission et d’évaluation :

Chaque article sera consacré à un animal ou à un ensemble d’animaux.

Les auteurs sont libres de choisir le sujet (animal) qu’ils souhaitent traiter ainsi que leur approche. Dans leur démarche, ils puiseront abondamment dans les écrits théoriques et/ou romanesques de Bataille ainsi que dans ceux d’autres auteurs qui leur semblent pertinents à l’égard du sujet traité.

À titre d’exemples, ci-dessous une liste non-exhaustive des animaux présents dans les écrits de Georges Bataille :

  • Acéphale
  • Araignée
  • Chat
  • Chameau
  • Cheval
  • Chèvre
  • Coq
  • Corbeau
  • Crabe
  • Crapaud
  • Dragon
  • Gorille
  • Guêpe
  • Hibou
  • Hippopotame
  • Lascaux (animaux de)
  • Lion
  • Locuste
  • Loup / louve
  • Méduse
  • Minotaure
  • Mouche
  • Porc / cochon
  • Rat
  • Tigre
  • Taureau
  • Scorpion
  • Singe
  • Sphinx
  • Ver luisant

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Les propositions d’article, de 20 lignes environ, accompagnées d’une bio-bibliographie de l’auteur et d’éventuelles indications iconographiques, doivent être envoyées à l’adresse suivante : nicola.apicella@gmail.com avant le 30 juin 2020. 

La remise des articles est prévue pour le 1er novembre 2020.

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Normes de rédaction :

Les articles devraient compter 30 000 signes environ (+/- 10%) espaces compris, soit 6-7 pages. 

Interligne : simple ; marges : 2,5 cm ; caractère typographique : Times New Roman ; taille de police : 12.

Format de document : Word (.doc, .docx) ; le titre du document est le titre de l’article.

Les articles seront évalués en double aveugle par les membres du comité de lecture.