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Nouvelles interdisciplinarités des études littéraires (XXe-XXIe siècles)

Nouvelles interdisciplinarités des études littéraires (XXe-XXIe siècles)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Esther Demoulin)

Nouvelles interdisciplinarités des études littéraires (XXe-XXIe siècles)

 

Journée d’étude « Jeunes chercheur.se.s » de la SELF XX-XXI

Organisée par Aurélien d’Avout (Université de Rouen) 

et Esther Demoulin (Sorbonne Université)

 

Comité scientifique

Aurélien d’Avout (Université de Rouen)

Marie-Hélène Boblet (Université de Caen)

Aude Bonord (Université d’Orléans)

Guillaume Bridet (Université de Dijon)

Esther Demoulin (Sorbonne Université)

Jean-Louis Jeannelle (Sorbonne Université) 

27 novembre 2021 – École normale supérieure (Paris)

 

L’objectif de cette journée d’étude de la SELF consiste à sonder les nouvelles pratiques de l’interdisciplinarité, telles qu’elles sont mises en œuvre par les jeunes chercheur.se.s en littérature des XXe et XXIe siècles, dans le cadre de leurs différents travaux et de leur thèse en particulier. Les intervenant.e.s sont ainsi invité.e.s à présenter la nature, la genèse et la portée de leurs recherches passe-frontières ; à exposer leurs manières de faire (disciplines convoquées, astuces méthodologiques inventées) comme leurs manières de vivre (sociabilités construites, lieux de savoirs fréquentés) cette interdisciplinarité. Entendue comme « un certain rapport d’unité, de relations et d’actions réciproques […] entre diverses branches du savoir[1] », celle-ci présente souvent un rôle fondateur dans la construction d’un parcours intellectuel et dans les rencontres qu’elle induit. 

L’encouragement à convoquer des disciplines plurielles ou à élaborer a minima des projets transversaux n’est pas nouveau et provient parfois de l’auteur ou de l’objet d’étude choisi. Pour autant, les cartes se trouvent rebattues depuis le dernier quart du XXe siècle sous l’effet de plusieurs tendances, à commencer par la légitimation accrue des studies anglo-saxonnes, qu’elles soient déjà assez anciennes (postcolonial et gender studies par exemple) ou plus récentes (animalenvironmental, trauma studies, etc.). En cherchant à revaloriser de manière parfois militante la place des récits issus des minorités, celles-ci ont réorganisé la topographie traditionnelle des échanges disciplinaires en favorisant de nouvelles combinaisons épistémologiques ainsi que la création de nouveaux sous-champs dans la recherche littéraire (à l’exemple de l’écocritique ou de la zoopoétique). Plus récemment, l’intérêt pour la littérature mondiale, le développement des humanités numériques et surtout le dialogue entre littérature et sciences cognitives – dont le mérite est de renouveler l’appréhension du processus créatif comme de l’acte de la lecture[2] – redessinent les contours des pratiques interdisciplinaires en ouvrant la voie à des corpus inédits. 

Pour autant, les sollicitations se révèlent parfois contradictoires. Il faut en effet prendre en compte la pression toujours plus forte exercée sur les doctorant.e.s, sommé.e.s d’achever leur thèse « nouveau régime » dans des délais raccourcis – idéalement en trois ans, à l’instar du calendrier privilégié dans le domaine des sciences « dures » – qui vont à l’encontre de l’investissement temporel exigé par l’interdisciplinarité (pour le rattrapage de connaissances dans l’une ou l’autre discipline, pour la mise en place d’un compromis méthodologique, pour la pensée de leur articulation théorique, etc.). Celle-ci ne va pas donc sans heurts, méthodologiques ou institutionnels, pour des jeunes chercheur.se.s tantôtencouragé.e.s, tantôt mis.e.s en garde dans cette voie, au risque de devenir « potentiellement suspects de dispersion[3] » ou de ne pas répondre aux critères du Conseil national des universités (CNU), composé d’autant de sections que de disciplines.

Comment les jeunes chercheur.se.s en littérature d’aujourd’hui composent-il.elle.s avec une telle donne et dans quelle mesure s’inspirent-il.elle.s malgré tout des nouvelles interdisciplinarités pour faire de leur thèse une aire de créativité ? Postulant, avec Julien Prud’homme et Yves Gingras, que toute étude empirique de l’interdisciplinarité suppose une distinction entre l’amont (« moment de la science en train de se faire ») et l’aval (« produit fini de la recherche »[4]) de l’activité scientifique, nous privilégierons deux grands axes pour cette journée d’étude, qui devront constituer le double horizon d’attente de chaque communication : 

 

Axe I. Formation, collaboration et sociabilité interdisciplinaires 

– Les nouvelles interdisciplinarités sont-elles nécessairement liées à des doubles cursus antérieurs à l’inscription doctorale ? Impliquent-elles une inscription tardive à un autre cursus que le cursus initial ou à une université d’été pendant la durée de la thèse ? C’est poser la question des différentes alternatives à l’autodidaxie qui permettent un élargissement spécialisé du domaine de compétence strictement littéraire.

            – Si le décloisonnement des disciplines peut conduire pendant les recherches doctorales à un véritable travail en commun avec des chercheur.se.s d’autres disciplines, on envisagera les formes privilégiées de ce travail collaboratif : mises en place de co-tutelles (en France ou à l’étranger) ; constitution de projets académiques communs (journées d’étude, colloques, publications) ; création de groupes de recherche ? 

            – Il s’agit aussi d’interroger l’éventuelle décentralisation des recherches hors de l’université qu’engendre l’ambition interdisciplinaire. Un travail doctoral lié à la question de la patrimonialisation peut en effet conduire à l’établissement d’une collaboration avec des centres d’archives, des musées, des maisons d’écrivains, et avec des outils habituellement usités par des spécialistes d’autres disciplines (routes d’écrivains, archives, documents législatifs, etc.). Comment ces nouvelles sociabilités s’établissent-elles en dehors de l’université ? 

 

Axe II. Méthodologie, théorie et interdisciplinarité 

–  En quoi l’élaboration d’une approche interdisciplinaire consiste-t-elle concrètement ? Mobilisée de manière ponctuelle, dans le cadre d’une partie ou d’un chapitre, elle tient le plus souvent à soutenir un apport documentaire, impliqué par un sujet précis. Plus largement, l’interdisciplinarité peut irriguer l’ensemble du cheminement démonstratif, lorsque le travail repose sur une assise conceptuelle issue d’une autre discipline. L’enquête conduit dès lors à revitaliser des catégories de pensée existantes grâce à leur confrontation avec les textes ; elle peut même déboucher sur l’invention de nouveaux outils d’analyse ou encore développer une réflexion épistémologique plus surplombantesur les rapports de la littérature avec la philosophie, la médecine, l’anthropologie, l’astrophysique, l’informatique, etc.  

– Sur le plan concret de l’écriture, à quels « bricolages » l’interdisciplinarité donne-t-elle lieu ? La thèse présente ses lieux interdisciplinaires privilégiés, tels que le préambule, l’introduction, les intermèdes entre parties ou la conclusion ; mais comment, au sein d’une section, d’un sous-chapitre ou même d’un paragraphe met-on en place le cahier des charges interdisciplinaire auquel on entend souscrire ? Par quelles analogies, citations ou jonctions bibliographiques parvient-on à faire dialoguer les penseur.se.s d’horizons parfois lointains ? L’interdisciplinarité invite-t-elle d’ailleurs à employer un certain style, des phrases plus amples par exemple, afin de faire tenir en un même souffle deux, voire trois visions différentes du savoir ? 

– Au milieu d’autres études de cas, on souhaite interroger la consultation d’archives, qu’elles soient de nature scripturale, iconographique ou audiovisuelle, liées à des auteur.rice.s mais aussi, plus largement, à des institutions, des structures associatives, des corps de métier. Selon quelles modalités un.e chercheur.se en littérature organise-t-il.elle sa rencontre avec les sources historiques et compose-t-il.elle avec son « goût de l’archive[5] » ?

 

Tenter de répondre collectivement à ces différentes questions[6] aurait pour ambition, vingt ans après le travail colossal de La Traversée des thèses[7] d’initier la compréhension de la récente restructuration des recherches doctorales et, par là même, de la discipline littéraire. À partir des différentes présentations qui feront office d’échantillon représentatif, on tâchera de tirer quelques conclusions sur la façon dont l’interdisciplinarité est aujourd’hui mise en œuvre – ou pas nécessairement d’ailleurs. S’il est incontestable qu’elle est au cœur des projets doctoraux actuels, il faut également faire cas d’une résistance de l’approche monodisciplinaire, voire monographique, et parfois même centrée sur une seule et unique œuvre. Associée au passé, cette forme d’unilatéralisme littéraire assumé n’a peut-être néanmoins rien perdu de son éclat, comme en témoignent bon nombre de soutenances récentes. Les communications de jeunes chercheur.se.s souscrivant à une telle approche sont bien entendu les bienvenues.

 

            Cette journée d’étude aura lieu le 27 novembre 2021 à l’École normale supérieure (salle à préciser ultérieurement) ou, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, par le biais de l’application Zoom. Les doctorant.e.s et jeunes chercheur.se.s en littérature française, en littérature francophone et en littérature comparée peuvent envoyer leur proposition de communication (un recto maximum) comportant un titre et une courte notice bio-bibliographique à davout.aurelien@gmail.com et esther_demoulin@hotmail.com avant le 15 mai 2021. Les réponses seront communiquées avant le 30 juin 2021.

Au regard du nombre et du contenu des réponses obtenues, une publication (en ligne ou imprimée) et/ou un autre type de projet collaboratif verront le jour, comme cela fut le cas pour les précédentes journées d’étude de la SELF XX-XXI[8].

 

 

[1] Stanislav Nikolaevitch Smirnov, « L’approche interdisciplinaire dans la science d’aujourd’hui : fondements ontologiques et épistémologiques, formes et fonctions », Interdisciplinarité et sciences humaines, vol. 1, Paris, Unesco, 1983, p. 53.  

[2] Voir, par exemple, Mario Borillo et Jean-Pierre Goulette (dir.), Cognition et création. Exploration cognitive des processus de conception, Liège, Mardaga, 2002.

[3] Lucas Monteil et Alice Romerio, « Des disciplines aux “studies”. Savoirs, trajectoires, politiques », Revue d’anthropologie des connaissances, 2017, vol. 11, n° 3, p. 236.

[4] Julien Prud’homme et Yves Gingras, « Les collaborations interdisciplinaires : raisons et obstacles », Actes de la recherche en sciences sociales, 2015/5, n° 210, p. 42. 

[5] Nous empruntons l’expression à Arlette Farge, Le Goût de l’archive, Paris, Éd. du Seuil, 1989. 

[6] À la suite de la revue LHT « Le partage des disciplines », n° 8, mai 2011, disponible à l’adresse https://www.fabula.org/lht/8/, et du colloque « De l’interdisciplinarité à la transdisciplinarité ? Nouveaux enjeux, nouveaux objets de la recherche en littérature et sciences humaines », Université Paris-Est Créteil, novembre 2014, https://journals.openedition.org/transatlantica/7393

[7] Didier Alexandre, Michel Collot, Jeanyves Guérin et Michel Murat, La Traversée des thèses. Bilan de la recherche en littérature française du XXesiècle, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2005. 

[8] Voir pour la dernière journée de ce type qui s’est déroulée le 10 novembre 2018 : https://self.hypotheses.org/publications-en-ligne/ombres-et-transparences