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Métamorphoses : le corps dans tous ses états (doctorales, Sorbonne Université)

Métamorphoses : le corps dans tous ses états (doctorales, Sorbonne Université)

Métamorphoses : le corps dans tous ses états

Appel à communication pour la journée d’étude « Métamorphoses : le corps dans tous ses états », organisée par les doctorants de l'école doctorale III de Sorbonne Université et destinée aux doctorants et jeunes docteurs

Doctorales 2022, Sorbonne Université, Samedi 26 mars 2022 9h-12h, Amphithéâtre Milne Edwards

Attention, les Doctorales sont organisées en présentiel, les participant.es sont donc prié.es de s’assurer qu’ils et elles pourront être physiquement présent.es à la date indiquée.

Informations pratiques

Date-limite d’envoi des propositions de communication : 16 février 2022

Longueur des propositions de communication : 250 mots au plus

Profil des intervenants : doctorants ou jeunes docteurs

Réponse : fin février 2022

Date de la journée d’étude : 26 mars 2022

Durée des communications : 15 minutes

Adresse d’envoi doctorales : doctoralesED3@gmail.com

« In noua fert animus mutatas dicere formas corpora » : ainsi s’ouvre le long poème d’Ovide annonçant son projet, celui de « dire l’histoire et les métamorphoses des formes et des corps ». La métamorphose, étymologiquement le « changement » (μέτα) de « forme » (μορφή), le passage d’un état à un autre état, est un thème littéraire qui traverse le temps, de l’Antiquité aux récits de science-fiction du xxie siècle, en passant par les champs du fantastique, de la fantasy ou de l’horreur. Elle met en jeu plusieurs composants que Francis Berthelot a bien mis en évidence : elle suppose un sujet, un agent, un processus et un produit[i]. Le but de la journée d’étude sera d’interroger ces différentes composantes et de rendre compte des principaux enjeux qu’elles soulèvent en littérature. Les pistes suivantes pourront nourrir les réflexions :

De nouveaux agents de la métamorphose

Des épopées homériques aux contes de fées, la métamorphose est le privilège des dieux et déesses, des sorciers et sorcières, qui transforment ou se transforment eux-mêmes pour séduire, tromper ou punir. Au xixe siècle, à la suite du roman fondateur de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818), une autre figure tend à les concurrencer : celle du savant démiurge qui rivalise avec la baguette et les potions des magicien.ne.s grâce à ses expériences scientifiques. On pourra mettre en exergue la façon dont la modernité implique une modification des agents et des procédés de la métamorphose. Ces agents pourraient aussi disparaître pour laisser l’écrivain seul maître de la transformation de ses personnages.

Les évolutions scientifiques les plus récentes ont renouvelé les perspectives de la métamorphose. Certains textes délaissent ainsi les ponts que la tradition avait pu établir entre hommes et animaux pour s’emparer des enjeux du transhumanisme. Une autre forme d’hybridation est explorée : celle entre l’humain et la machine. Les corps sont soumis à de multiples formes de modifications techniques : augmentations cybernétiques, incorporations d’implants, manipulations génétiques ou chirurgie plastique extrême. Les récits projettent des transformations corporelles radicales qui annoncent des êtres transhumains, voire posthumains, tels la figure du cyborg. Si la fiction et, plus largement, la littérature ont souvent tendance à jeter un regard critique sur le corps augmenté, d’autres auteurs.rices, qui ont pu inspirer Donna Haraway[ii], s’emparent de ces motifs pour en souligner la dimension émancipatrice (Octavia Butler, Samuel Delany). Enfin, l’écopoétique pourra éclairer les poétiques des métamorphoses et inviter à porter un regard neuf et averti sur l’environnement en péril.

Les significations de la métamorphose : rupture et continuité

Qu’il soit humain, animal, végétal, social ou objectal, le produit de la métamorphose n’est jamais le fruit du hasard. D’après Platon et Pythagore, il existe une continuité entre les vivants qui permet à l’âme immortelle de passer d’un vivant à l’autre, d’un corps à un autre. Cette « métensomatose » est déterminée : « la bête que l'on devient, chacun la porte en soi. [iii]» La métamorphose dévoilerait la véritable nature des humains qui en sont victimes. On pourra ainsi s’interroger sur les phénomènes de rupture (physique) et de continuité (psychique) qu’implique la transformation : en quoi la nouvelle apparence traduit-elle la personnalité du sujet transformé ? En quoi l’altérité révèle-t-elle l’identité ? Les significations de la métamorphose ne sont jamais figées et varient selon la visée des auteurs.rices.

Il sera également possible d’envisager les métamorphoses hors du corpus mythique et de l’héritage antique : les communications pourront ainsi saisir l’originalité de l’écriture des métamorphoses au fil des siècles, dans leur modernité et leur diversité, et par conséquent penser les métamorphoses pour elles-mêmes. Le motif de la métamorphose a ainsi pu être réinvesti par l’esthétique baroque et au moment de l’âge classique. Dans la lignée des débats entre cartésiens et gassendistes, La Bruyère s’en sert par exemple comme d’un trait de l’écriture satirique, mettant en scène la façon dont ses contemporains, oubliant leur humanité, se changent par des comportements dévoyés en animaux (portraits de Diphile ou de Gnathon). Dans une veine non moins mordante, Proust, lecteur de Darwin et de Fabre, ne manque pas non plus de ridiculiser les gens du monde, transformant les lieux fréquentés par la bonne société en d’étranges aquariums ou ménageries. En ce qui concerne la littérature postcoloniale, on pourra retrouver le motif des métamorphoses à la fois pour souligner l’aliénation du sujet postcolonial (Fanon, Peau noire, masques blancs), mais aussi pour revendiquer une identité nouvelle, libre et unique. Suzanne Césaire, dans les articles de la revue Tropiques, propose une nouvelle définition de l’homme antillais sous le signe de la métamorphose : l’Homme-plante, « confiant dans la continuité de la vie : germer, pousser, fleurir, donner des fruits et le cycle recommence[iv]». 

Le corps du texte métamorphosé : l’écriture en mouvement

La métamorphose est un processus dynamique qui implique une écriture elle-même en mouvement. Cette thématique se déploie dans la poésie, depuis l’œuvre d’Ovide, et se diffuse dans d’autres genres littéraires, comme le théâtre, de l’Amphitryon de Plaute à Rhinoceros de Ionesco, le roman, de L’Âne d’or d’Apulée jusqu’à La Métamorphose de Kafka, en passant par L’Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde de Stevenson ou le conte, des Mille et une Nuits au Sopha de Crébillon. Il s’agira de mettre au jour d’anciennes et de nouvelles manières d’écrire ou de penser les transformations, d’analyser les procédés littéraires et stylistiques qui font du texte un corps en mutation. La métamorphose n’implique pas seulement la transformation d’un sujet : elle agit sur l'œuvre qui la porte.

Il sera possible de considérer le texte comme un corps en étudiant les transformations qu’il subit en tant que palimpseste, toujours susceptible d’être modifié dans sa signification et dans sa matérialité même. Il peut subir des déperditions, à cause de la perte de manuscrits originaux ou de traductions qui impliquent une série d’opérations sur le texte premier. Les réflexions porteront sur la génétique des écrits de métamorphoses, mais pourront également s’intéresser aux réécritures, jusqu’aux pastiches et parodies. On pourra ainsi s’appuyer sur les révisions de certains mythes de métamorphoses qui modifient le sens et la portée de ces transformations, dans la perspective des études de genre (Circe/Mud Poems, Margaret Atwood), des études postcoloniales à la manière de Derek Walcott (Omeros, The Fortunate Traveller) ou de Salman Rushdie qui propose dans  Les Versets sataniques  et  La Terre sous les pieds  d’interroger et de réécrire les références mythiques occidentales à partir d’Apulée et d’Ovide.

L’équipe des Doctorales 2022 : Emilie Gauthier, Lucas Kervegan, Marie Lecrosnier–Wittkowsky, Cécile Meunier, Cassandre Martigny, Apolline Ponthieux, Typhaine Sacchi.

[i] Francis Berthelot, La Métamorphose généralisée : du poème mythologique à la science-fiction, Paris, Nathan, 1993, p. 14.
[ii] Dona Haraway, Manifeste cyborg : science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXe siècle, in Manifeste cyborg et autres essais, édité par Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Paris, Exils, 2007.
[iii] Pierre Brunel, Le Mythe de la métamorphose,  Paris, J. Corti, coll. « Les massicotés 3 », 2003, p. 151.
[iv] Suzanne Césaire, Le Grand Camouflage, écrits de dissidence (1941-1945), édition établie par Daniel Maximin, Paris, Seuil, 2009, p. 33. 

 
Bibliographie

AZOULAI, Juliette, FAYOLLE, Azélie, SESINGER, Gisèle, Les métamorphoses, entre fiction et notion, Littératures et sciences, Champs sur Marne, LISAA éditeur, 2019. 

BALLESTRA-PUECH, Sylvie, Métamorphoses d’Arachné : l’artiste en araignée dans la littérature occidentale, Genève, Droz, 2006.

BELLOSTA, Marie-Christine (dir.), L’Animal et l’homme, Paris, Belin, 2004.

BERTHELOT, Francis, La Métamorphose généralisée : du poème mythologique à la science-fiction, Paris, Nathan, coll. « Le texte à l’œuvre », 1993.

BRUNEL, Pierre, Le Mythe de la métamorphose, Paris, J. Corti, coll. « Les massicotés », 2003 [1974].

FORBES IRVING, Paul. M. C., Metamorphosis in Greek Myths, Oxford, Clarendon Press, 1990.

FRONTISI-DUCROUX, Françoise, L’Homme-cerf et la femme-araignée : figures grecques de la métamorphose, Paris, Gallimard, 2003.

HOTTOIS, Gilbert, MISSA, Jean-Noël, PERBAL, Laurence, L’Humain et ses préfixes : une encyclopédie du transhumanisme et du posthumanisme, Paris, Vrin, 2015.

MASSEY, Irving, The Gaping Pig: Literature and Metamorphosis, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1976.

SKULSKY, Harold, Metamorphosis : the Mind in Exile, Cambridge-London, Harvard University Press, 1981.

WARNER, Marina, Fantastic Metamorphoses, Other Worlds: Ways of Telling the Self, Oxford, University Press, 2002.