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Appels à contributions
Mécanismes littéraires (revue TRANS-)

Mécanismes littéraires (revue TRANS-)

Publié le par Marc Escola (Source : TRANS- Revue de littérature générale et comparée)

"Mécanismes littéraires"

Appel à contributions pour le n°27 de la revue TRANS- 

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Nous avons prolongé d'ici la fin novembre la date limite pour recevoir vos propositions d'article afin de constituer notre prochaine numéro qui porte sur « Mécanismes littéraires »

Nous vous rappelons que la revue accepte des collaborations en français, anglais, espagnol et italien. 

Vous pouvez consulter l'appel à contributions dans les quatre langues sur notre site : https://journals.openedition.org/trans/87.

Malgré les temps que nous vivons, nous vous incitons vivement à nous communiquer vos propositions et à relayer cet appel.     

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À l’ère d’un machinisme à outrance, où l’automatisation des tâches et le développement de dispositifs vise de plus en plus à assister et à améliorer l’être humain dans tous les aspects de son existence, nous souhaitons nous interroger sur la place de la machine et sur les effets que les procédés extra-littéraires ont eu – et continuent à avoir – sur la littérature au sein des rapports plus larges existant entre technique et culture. Dans le sillon de Gilbert Simondon, qui parle « d’une esthétique interne aux objets techniques » et dont la pensée a été actualisée en France grâce au colloque « Gilbert Simondon ou l’invention du futur » tenu à Cerisy en 2013 (http://www.ccic-cerisy.asso.fr/simondon13.html), il conviendrait de réfléchir comment, dans l’avènement moderne d’une dimension technologique au sein de la culture, le « Mécanisme » façonne et éclaire notre conception globale du phénomène littéraire.

Aujourd’hui, les discours qui dénoncent le danger que représenterait la machine pour la littérature semblent désormais partager l’espace critique avec ceux qui, au contraire, placent la machine au cœur de la création littéraire. Faut-il oublier que la rhétorique a pu être considérée comme une sorte de procédé d’ « automatisation » de l’écriture ? Ou que les expressions de l’encyclopédisme le plus techniques ont fait l’objet de nombreuses réappropriations poétiques ? Tous ces discours sembleraient confirmer l’éloge ambigu du dispositif d’écriture qui ouvre la nouvelle « À la colonie pénitentiaire » de Franz Kafka, dont la lecture est aussi bivalente que problématique : à l’objectivité de la machine autonome qui grave la sentence sur le dos des condamnés s’oppose un regard horrifié où « l’humain » se trouve dépassé par sa propre création. Interroger l’intervention du machinique dans le littéraire serait alors une manière de s’interroger sur la littérarité, sur la définition de la littérature et sur l’étendue de son champ, sans négliger le lot de risques ou d’écueils qui en découle.

Au-delà de la question du mécanisme, qu’on trouve au cœur de la poétique de l’Oulipo, il nous semble pertinent d’étudier la façon dont le regard sur les œuvres se régénère et se réactive, dès l’instant où les mécanismes de composition et/ou de diffusion des contenus évoluent, par exemple au niveau informatique ou technique, tel que cela a été travaillé par les séminaires ALGORITM1 dont le but était d’étudier la place centrale de la machine dans les processus de création et de réception littéraires. Notre réflexion sur l’évolution des rapports entre machine et littérature invite néanmoins à ne pas se cantonner à l’ère contemporaine, dominée par les questionnements sur le numérique. Elle nous encourage à embrasser une très large période historique, allant de l’imprimerie aux automates-écrivains et aux machines à inventer les mots tel le Denkring de Harsdörffer au 17ème siècle.2

Cet appel propose donc de réfléchir au Mécanisme et à la Machine en tant que technologie qui influence la pratique littéraire. Nous invitons nos contributeurs et contributrices à traiter non pas le thème de la machine en littérature (les robots, les progrès technologiques de déplacement –train, voiture, avion…), mais le rôle que la machine endosse en tant que médium, c’est-à-dire comme agent de production, de transformation et de réception des textes. Car, dans l’absolu, le rôle de la machine est celui de générer une transformation : elle affecte l’écriture dans sa dimension matérielle et symbolique. Par conséquent, nous vous proposons d’explorer de façon large l’effet que cette écriture par machine interposée aurait sur notre approche du fait littéraire, à partir des axes suivants dont la liste n’est évidemment pas exhaustive:

1) « Machines à écrire »

Il serait d’abord intéressant de penser aux formes qu’adopte la technologie lorsqu’elle est mise au service de la création littéraire. En particulier, il nous semble nécessaire de songer à la matérialité des « machines à lire » ou encore aux machines qui produisent du texte par « intermédiaire », comme la machine à écrire, ou par « délégation », à travers des algorithmes. Le cas du poème Tape Mark I (1961) de Nanni Balestrini généré sur un IBM 7070,3 pose concrètement la question des limites de l’œuvre : se limite-t-elle aux productions de l’ordinateur ou inclut-elle l’algorithme qui les fait naître ?

De façon plus large, on se demandera quelles interrogations suscitent la publication, la reproduction ou le transfert de ce type d’œuvres sur des machines et des supports plus modernes. La question de la production automatique des textes pourra également être interrogée du point de la place qu’elle ménage, ou du rôle qu’elle accorde, à l’agent humain. Par exemple, il convient de prendre en compte la poésie numérique, et bien entendu, le cas des logiciels de traduction automatique, qui soulève la question du statut du traducteur-auteur dans cette configuration.

2) « Machines à modélisation littéraire »

Cet appel propose également de réfléchir à l’intégration de mécanismes de création et de diffusion dans la pratique littéraire qui apparaissent comme des modalités-type ou des modalités-modèles de création imposés de l’extérieur. On pensera aux usages de la métaphore machinique dans la critique et la théorie, à partir de La machine littérature d’Italo Calvino, ou plus spécifiquement au vocabulaire de la théorie et de l’analyse des procédés littéraires. Afin d’évaluer les effets d’une littérature mécanisée sur la lecture, on pourra également interroger les créations qui peuvent être faites à partir de la littérature, c’est-à-dire des objets qui reprennent un procédé ou un élément narratif au cœur de la structure des textes à l’instar de la machine à boire du Pianocktail, imaginée par Boris Vian dans L’écume des jours :

https://balises.bpi.fr/musique/le-pianocktail

On pensera aussi à l’exemple de la machine à lire RAYUEL-O-MATIC, dispositif créé par de Juan Esteban Fassio à partir du roman Marelle de Julio Cortázar :

http://www.enriquevilamatas.com/escritores/img/CortazarImg003.gif

Si l’interférence entre le machinique et le littéraire participe aux questionnements actuels sur l’évolution du statut de l’auteur et sur la place de la subjectivité au sein d’un processus créatif de plus en plus mécanisé, elle devra également être pensée du point de vue des supports matériels et des interactions que ceux-ci permettent avec les textes. Autrement dit : quels rapports entretiennent avec le monde l’écriture et/ou la lecture par machine interposée ?

3) « Émetteur-Récepteur : Machinés à interpréter »

A cet égard, on pourrait envisager les modes dont les supports numériques façonnent la réception des œuvres, qu’il s’agisse du livre numérique ou de plateformes de diffusion et de mise en forme des textes qui en modifient la lisibilité, comme Twitter ou Snapchat. On s’interrogera également sur les nouvelles modalités de lecture, dont l’interactivité, et plus largement sur les nouvelles modalités d’attention développées face aux objets culturels mécanisés, questions que soulèvent N. Katherine Hayles dans Lire et penser en milieux numériques et Yves Citton dans Pour une écologie de l’attention.

Dans la mesure où la machine met en action le texte littéraire et crée un cadre de réception circonstanciel qui dépasse l’oralité et le visuel, on réfléchira également au rôle que celle-ci joue dans la performance – souvent en lien avec d’autres moyens d’expression artistiques. Car non seulement la machine modifie les modalités de la production et de la réception littéraire, elle intervient aussi dans la diffusion et la circulation des textes dans l’espace public, à l’instar de certaines œuvres d’art, telles The Prayer de Diemut Strebe :

https://theprayer.diemutstrebe.com/public/videos/video-1.mp4

Cette pièce exposée au Centre Pompidou fonctionne à partir d’un algorithme qui lui permet de réciter des « prières » extraites d’un corpus de textes religieux, recombinés et recréés automatiquement. Le caractère public de ces tentatives nous invite enfin à penser les modalités d’ordre politique qui touchent à la transmission et au partage des textes à travers la machine.

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Les propositions d’article (3000 signes), accompagnées d’une brève bibliographie et en comportant uniquement le titre, doivent être envoyées au 30 nov. 2020 au plus tard en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse lgcrevue@gmail.com.

En fichier séparé, le/la collaboratrice enverra sa présentation personnelle. Les articles retenus seront à envoyer pour le 31 janvier 2021. Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articles rédigés en français, anglais, espagnol et italien. Le Comité évalue les propositions selon leur pertinence par rapport à l’appel, l’originalité de leur corpus, leur approche comparatiste ou leur qualité de réflexion théorique sur le thème proposé. Les articles ayant fait l’objet d’une publication antérieure (article, ouvrage, chapitre d’ouvrage), y compris dans une autre langue, ne seront pas retenus.

 

 

Notes

1 Les seminaires des Archives littéraires du groupe Oulipo: (re)créations informatiques, techniques et mathématiques (ALGORITM) furent animés par Hélène Campaignolle-Catel et Camille Bloomfield à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 au sein du projet « Différences de potentiel », https://difdepo.hypotheses.org/424.

2 Denkring de Harsdörffer, 1651. Réalisation en 2013 pour l'exposition Erlebniswelt Deutsche Sprache : https://www.wochenspiegel-web.de/autothumb/620x400/Erlebniswelt_Sprache398.jpg.

3 https://zkm.de/en/tape-mark-1-by-nanni-balestrini-research-and-historical-reconstruction.