Actualité
Appels à contributions
Littérature et Histoire : Complémentarité ou opposition ?

Littérature et Histoire : Complémentarité ou opposition ?

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Abdelhak BOUAZZA)


Laboratoire de recherches : 
« Langue, Littérature, Imaginaire et Esthétique »
et
"مختبر المغرب: التاريخ والعلوم الشرعية واللغات"

Organisent un

Colloque international
Littérature et Histoire, Complémentarité ou opposition ? 
Les 6 & 7 décembre 2022


Argumentaire   
Dans l’esprit du grand public, la littérature et l’Histoire sont deux disciplines indépendantes. Reposant sur l’imagination, la littérature est indistinctement art et langage à la fois pour s’inscrire ainsi dans une dimension subjective. Or, l’Histoire est une discipline méthodique qui repose sur le document pour élaborer une vérité objective, existante et stable dans le temps et l’espace. Depuis la fin du XIX e siècle, nombre de débats épistémologiques ont eu lieu pour délimiter les champs et la fonction des deux disciplines mais sans jamais trop réussir à bien définir leurs frontières. La littérature et l’Histoire sont, en fait, trop imbriquées au point de croire que l’une et l’autre prêtent aux mêmes outils méthodologiques, à la même matière. Jean Molino (Le roman historique : 1972) voit que cette séparation entre la littérature et l’Histoire réside dans le telos, autrement dit, leurs buts qui sont toujours présents au moment de leur développement ne sont pas forcément les mêmes. 
Etymologiquement, dans la langue française, le mot ‘’histoire’’ prête à une confusion entre ce qui est fictionnel avec ‘’h’’ et ce qui est relation véridique avec H. Pour les anglo-saxons, la confusion n’a jamais eu lieu ; history c’est l’Histoire alors que story désigne le discours ou le récit. Depuis l’Ecole méthodique puis L’Ecole des Annales (Lucien Febvre et Marc Bloch), l’Histoire croit à un déterminisme des faits pour mettre à nu une « vérité » d’une manière scientifique. Pas de jugement ni interprétation du passé par l’historien du fait historique. Toutefois, et loin de toute scientificité, le roman en tant que fiction appréhende la même vérité sans pour autant se réclamer d’une quelconque objectivité. Ni Hugo, ni Flaubert ni Balzac non plus n’étaient historiens d’ailleurs comme Michelet, pourtant leurs romans étaient largement considérés comme de l’Histoire dont on ne peut nier une certaine valeur documentaire. Le roman a ainsi non seulement la fonction de distraire ou fournir un certain plaisir, fonction dans laquelle on l’a longtemps cantonné, mais aussi d’informer et d’instruire dont on ne peut nier une certaine référentialité historique. Balzac n’était-il pas en quelque sorte le «secrétaire de l’histoire’’ de la société française au XIX siècle à travers sa Comédie humaine?
Cette référentialité devient plus substantielle avec le roman historique qui émule l’écriture historiographique pour devenir ainsi une sorte de palimpseste en énième degré (Claudie Bernard : 1996). Avec le roman historique, le romancier triomphe de l’historien, car celui-ci ne pourra, comme le romancier, jouir de la même liberté, de la même latitude en termes de représentation des personnages et des événements. Il ne pourra pas avec la même facilité que le romancier, les faire vivre, les faire progresser ni même parler suite à son imagination débordante.
Si l’imagination est une constante du roman, elle n’est pas pour autant l’apanage de la littérature. Le récit historique est lui aussi coloré d’imagination, ne serait-ce que pour remplir les blancs dont souffre le document qui ne dit pas tout. De là, il devient un récit, une narration, une ‘’mise en intrigue’’ qui engage forcément la subjectivité de l’historien. Aussi son travail n’est-il jamais un travail définitif parce qu’il ne peut jamais épuiser une question à la perfection, ni pouvoir aller jusqu’au bout de sa recherche. Par ailleurs, le romancier et l’historien usent des mêmes détails dont la fin esthétique est purement ce que Barthes appelle l’illusion réaliste (Barthes : 1968). La littérature et l’Histoire ne faisaient-elles pas partie au même degré des « Belles lettres » jusqu’au dernier quart du XIX e siècle ?  Leur rupture n’était-elle pas seulement le travail d’une certaine organisation universitaire pour marquer la frontière entre l’« objectif » et l’imaginaire, c’est-à-dire entre ce qu’elles contrôlaient et le « reste» ? (Michel De Certeau : 2002).
Suite à cette imbrication, des questions épistémologiques soulèvent des débats notamment par des philosophes américains qui saisissent ce « faible » pour procéder à l’introduction d’un nouveau paradigme, une nouvelle méthodologie d’approche de l’écriture historiographique : c’est le linguistic turn. Des historiens comme Hiden White et Richard McKay Rorty déclarent que cette vérité objective que l’on croit consubstantielle à l’Histoire suite à l’idéal positiviste reste toujours de l’ordre du désir. Courant purement anglo-saxon, le linguistic turn voit que le récit historique s’apparente au récit littéraire, non seulement sur le plan de la narration, mais surtout de leur usage commun du même langage d’où l’indistinction entre Histoire et fiction. Le langage, qui n’est jamais neutre, oblige à ce que l’histoire soit approchée dorénavant comme étant une narration d'événements organisée en une histoire cohérente par l’action de l’historien où se mêlent science et intuition, conviction idéologique souterraine ou déclarée. Le linguistic turn repense l’historiographie en la coupant de sa fonction référentielle par l’introduction d’une nouvelle approche linguistico-littéraire qui puise des théories disponibles dans les sciences sociales et comportementales.
Le présent colloque tente de creuser davantage la nature de cette relation entre la littérature et l’Histoire, une relation qui chancelle entre complémentarité, émulation et opposition. Au niveau thématique, leur matière n’est-elle pas les hommes, les événements et tout ce qui relève du public ? Au niveau formel, ne recourent-elles pas à la même langue et à la même mise en intrigue ? La patience de la recherche et de la vérification ne sont-elles pas des données communes entre le romancier et l’historien ? Les historiens ne se servent-ils pas de la littérature comme document pour se renseigner sur les mœurs et la culture d’une époque donnée ? La littérature n’est-elle pas un vecteur qui renseigne l’historien au même titre qu’un document ? 


Axes de recherche :
    • Littérature et référentialité historique
    • Récit historique et récit littéraire
    • Historiographie et imagination
    • Historiographie et documentation
    • La littérature comme document historique
    • Le roman historique
    • Le Linguistic turn et l’historiographie
    • Littérarité du récit historique
    • L’illusion réaliste et l’historiographie


Pour toute participation, envoyer un cours résumé (20 lignes max) accompagné d’une notice biographique à :
abdou598@yahoo.fr

Calendrier :
    • Date limite de dépôt des propositions : 15 octobre 2022.
    • Notification des avis du comité scientifique : 30 octobre 2022.
    • Tenue du colloque : 6 &7 décembre 2022.
    • Langues d’intervention : Français. 

Coordinateurs du colloque :
    • Pr. Abdelhak BOUAZZA
    • Pr. Mohamed EL AMRANI

Comité d’organisation :
    • Pr. Mohammed NABIH
    • Pr. Mohammed ZAHIR
    • Pr. Abdelmounïm EL AZOUZI
    • Pr. Abdelghani EL HIMANI
    • Pr. Majda KARIMI
    • Pr. Abdellatif MERROUNE
    • Pr. Mohamed EL AMRANI
    • Pr. Hanan SEKKAT
    • Pr. Lahcen OURRI

Comité scientifique :
    • Pr. Samir BOUZOUITA
    • Pr. Abdelghani EL HIMANI
    • Pr. Abdelmounïm EL AZOUZI
    • Pr. Abdellatif MEROUNE
    • Pr. Mohammed EL HATIMI
    • Pr. Majda KARIMI
    • Pr. Abdellatif EL ALAMI 
    • Pr. Moulay Hachem JARMOUNI
    • Pr. Abdelhak BOUAZZA
    • Pr. Hachem JARMOUNI
    • Pr. Hassan CHAFIK
    • Pr. Mohamed ZAHIR
    • Pr. Mohamed SEMLALI
    • Pr. Lahcen OURRI

Bibliographie indicative :
    • BOUVERESSE, Jacques, La Connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité et la vie, Marseille, Agone, 2008.
    • CHARTIER , Pierre, Introduction aux grandes théories du roman, Paris, Armand Colin, 2005. 
    • CICHOCLSA, Marta, Entre la nouvelle histoire et le roman historique, Paris, L’Harmattan, 2007.
    • CLAUDIE, Bernard, Le Passé recomposé. Le roman historique français du dix-neuvième siècle, Paris, Hachette Supérieur, 1996.
    • CERTEAU DE, Michel, Histoire et psychanalyse, Paris, Gallimard, Folio Histoire, 1987.
    • CICHOCKA, Marta, Entre la nouvelle histoire et le roman historique : réinventions, relectures, écritures, Paris, L’Harmattan, 2007, 418 pages.
    • DERUELLE, André, TASSEL, Alain, (dir.) Problèmes du roman historique, Paris, Cirles, L’Harmattan, 2008.(Narratologie, no 7).
    • DURAND-LE GUERN, Isabelle, Le Roman historique, Paris, Armand Colin, 2008.
    • DERUELLE, André &TASSEL Alain, (Textes réunis par) Problèmes du roman historique,   Cirles, L’Harmattan, Paris, 2008.
    • GENGEMBRE, Gérard, Le Roman historique, Klincksieck, 2006.
    • KRULIC, Brigitte, Fascination du roman historique : intrigues, héros et femmes fatales, Autrement, 2007. 
    • LUCAKS, Georges, Le Roman historique, Payot, Paris, 1974.
    • Le roman historique, Collectif, La Nouvelle Revue Française (No 238), Numéros spéciaux, Gallimard, 1972. (pages 5-29)
    • LOUIS-REY, Pierre, Le roman, Paris, Hachette, 1992.
    • GOLDENSTEIN, Jean-Pierre, Pour lire le roman. Initiation à une lecture méthodique de la lecture narrative, Duculot, 1981.
    • NELOD, Gilles, Panorama du roman historique, Paris, SODI, 1969.
    • NELOD, Gilles, Propos sur le roman historique, étude, Ethnie française, 1977. 
    • PEYRACHE-LEBORGNE, Dominique, Le roman historique : récit et histoire, Ed. Plein feux, 2000, 358 pages.
    • PEYRONIE, André « Note sur une définition du roman historique », Le roman historique, Nantes, Editions Pleins Feux, 2000. 
    • RAYMOND, Michel, Le Roman, Coll. ‘’Cursus’’, A. colin, Paris, 1988.
    • REUTER, Yves, Introduction à l’analyse du roman, Bordas, Paris, PUF, 1991.
    • RICOEUR, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
    • ROBERT, Marthe, Roman des origines et origines du roman, Paris, Grasset, 1972.
    • SOLET, Bertrand, Le roman historique, invention ou réalité ? Paris, Ed. du Sorbier,
    • VANOOSTHYUSE, Michel, Le Roman historique : Mann, Brecht, Döblin, PUF, 1996.
    • VEYNE, Paul, Comment on écrit l'histoire. Essai d'épistémologie, Paris, Éditions du Seuil, « L'Univers historique », 1971.
    • VINDT Gérard & GIRAUD Nicole, Les grands romans historiques, Paris, Bordas 1991.
    • ZEFFARA, Michel, Roman et société, Paris, PUF, 1951.