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L’invention d’origines grecques dans les cultures textuelles et visuelles de l’Europe pré-moderne. 1100-1600 (ERC AGRELITA, Lille)

L’invention d’origines grecques dans les cultures textuelles et visuelles de l’Europe pré-moderne. 1100-1600 (ERC AGRELITA, Lille)

Publié le par Marc Escola (Source : Caroline Crépiat)

Le projet ERC Advanced Grant AGRELITA organise à Lille les 15 juin et 16 juin 2023 des journées d’études intitulées

"L’invention d’origines grecques dans les cultures textuelles et visuelles de l’Europe pré-moderne (1100-1600)"

(Please find an English version of this call below.)


En 1176, Chrétien de Troyes exprime l’idée d’un héritage dont le berceau serait la Grèce, origine de la « chevalerie » et de la « clergie », dans le célèbre prologue du Cligès : « Ce nos ont nostre livre apris / qu’an Grece ot de chevalerie / le premier los et de clergie » (v. 28-30). Le but d’un tel discours est de s’appuyer sur des origines pour créer une continuité à travers le recours à la translatio imperii et studii, et ainsi légitimer et célébrer le pouvoir et le savoir contemporain à la lumière d’un passé grec. Mais Chrétien de Troyes ne donne pas de contenu précis à ces origines grecques. De nombreux auteurs de l’Europe pré-moderne s’attellent ensuite à leur représentation : ils s’approprient et/ou inventent des origines grecques, puisque ces dernières peuvent renvoyer à des données héritées et souvent réinterprétées, ou bien être fantasmées. 

En effet, entre 1100 et 1600, dans les lettres et les arts, le passé grec a permis de créer différents types d’origines. Un exemple est celui de la figure d’Hercule exploitée à travers une grande partie de l’Europe occidentale, dans les images comme dans les textes, pour diverses visées politiques, nationales et dynastiques, sociales et culturelles. Comme l’a souligné Claude-Gilbert Dubois dans l’introduction de son ouvrage, Récits et mythes de fondation dans l’imaginaire culturel occidental (Bordeaux, 2009), se tisse un réseau référentiel autour du triangle formé par le territoire, le personnage et la communauté qui recourent à une origine grecque. Des études sur les origines gentium dans le Haut Moyen Âge, notamment celles de Alheydis Plassman, Origo gentis. Identitäts- und Legitimitätsstiftung in früh- und hochmittelalterlichen Herkunftserzählungen (Berlin, 2006) et de Magali Coumert, Origines des peuples. Les récits du Haut Moyen Âge occidental (550-850) (Paris, 2007), ont porté sur les liens entre écriture de récits d’origines et création de sentiments d’appartenance à une communauté.

Si les origines grecques contribuent souvent à une justification politique, elles peuvent aussi poursuivre d’autres desseins, particulièrement dans les récits et les images d’invention ou d’instauration d’une donnée culturelle, artistique, scientifique ou sociale, d’une institution politique, juridique ou intellectuelle. Pour donner quelques exemples, pensons à l’origine des arts libéraux, de la peinture, de la fable, des universités, des académies… Des liens étroits existent ainsi entre origine(s) et héritage, et invitent à interroger la notion d’origine / d’origines en la distinguant de celle, plus générale, d’héritage, et en étudiant les sens qu’elle recouvre pour les auteurs et les artistes de l’Europe pré-moderne.

Ces journées d’études envisagent ainsi d’explorer les emplois, les fonctions et les finalités des discours sur les origines grecques et la polysémie de ce concept entre 1100 à 1600, dans les cultures textuelles, visuelles et matérielles européennes, autour des questions suivantes : comment la notion d’origine /d’origines est-elle alors pensée par les auteurs et les artistes ? Qu’est-ce qui à la fois l’unit et la distingue de l’héritage ? Pourquoi les Grecs ? Quelle(s) Grèce(s) sont pensées comme des origines ?  De qui et de quoi sont ces origines ? Quelles modalités de représentation et quels processus d’appropriation apparaissent ? Dans quels buts et pour quels publics ?

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Afin de cerner ces enjeux, les propositions pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants, qui n’épuisent pas le champ des possibles :

- Formations identitaires et légitimation de formes de gouvernement et d’institution : mythes d’origines de peuples, de villes, de communautés, de dynasties, d’organismes politiques, judiciaires, intellectuels, professionnels,

 - Les origines grecques dans les inventions artistiques, scientifiques et techniques, les origines des langues et étymologies grecques, les origines grecques de formes et de genres littéraires,

- La translatio imperii et la translatio studii, leur mise en scène et leurs interactions,

- Les représentations visuelles des origines, leurs commanditaires et leurs destinataires : peintures, sculptures, tapisseries, arts décoratifs, illustrations des manuscrits et imprimés, arts éphémères (tournois, fêtes, théâtre, processions, entrées royales et impériales…), héraldique,

- Les relations et les oppositions entre processus de création ou récréation et actes archéologiques, à partir de témoignages matériels, traces écrites, inventions, imitations, « faux ».

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Les propositions sont à adresser (titre et dix lignes de présentation accompagnés d’un rapide CV) avant le 1er juin 2022 à Catherine Gaullier-Bougassas à l’adresse suivante :

catherine.bougassas@univ-lille.fr

Les frais de déplacement et d’hébergement seront pris en charge selon les modalités de l’Université de Lille. 

Les articles issus des contributions seront publiés chez Brepols dans la collection « Recherches sur les Réceptions de l’Antiquité » : http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=RRA.

Les articles seront à rendre pour le 30 septembre 2023.

Présentation du projet : https://agrelita.hypotheses.org/

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ERC Advanced Grant AGRELITA Project

The Reception of Ancient Greece in pre-modern French Literature and Illustrations of Manuscripts and Printed Books (1320-1550) : How invented memories shaped the identity of European communities

Direction : Catherine Gaullier-Bougassas

The AGRELITA project ERC n° 101018777 was launched on October 1st 2021. It is a 5-year project (2021-2026) financed on an ERC Advanced Grant 2020 through the European Union’s Research and Innovation Programme Horizon 2020.

 
Workshops "The Invention of Greek origins in the textual and visual cultures of pre-modern Europe (1100-1600)"

Thursday, June 15th and Friday, June 16th 2023 (Lille, France)

 
In 1176, Chrétien de Troyes expressed the idea of ​​a heritage whose cradle would be Greece, the origin of “chivalry” and “clergy”, in the famous Cligès prologue : “Ce nos ont nostre livre apris / qu’an Grece ot de chevalerie / le premier los et de clergie” (v. 28-30). The purpose of such a discourse is to rely on origins to create a continuity through the use of translatio imperii et studii, and thus to legitimize and celebrate contemporary power and knowledge in the light of a Greek past. But Chrétien de Troyes does not give any specific content to these Greek origins. Many authors of pre-modern Europe then set about representing them : they appropriated and/or invented Greek origins, since the latter may refer to inherited and often reinterpreted data or were fantasised.

Indeed, between 1100 and 1600, in humanities and arts, the Greek past was used to create different types of origins. The figure of Hercules illustrates this well : it was exploited throughout much of Western Europe, in images as well as in texts, for various political, national and dynastic, social and cultural purposes. As Claude-Gilbert Dubois points out in the introduction to his major work, Récits et mythes de fondation dans l’imaginaire culturel occidental  (Bordeaux, 2009), a referential network is woven around the triangle formed by the territory, the character and the community that resorts to a Greek origin. Studies on the origines gentium, notably the following ones : Alheydis Plassman, Origo gentis. Identitäts- und Legitimitätsstiftung in früh- und hochmittelalterlichen Herkunftserzählungen (Berlin, 2006) and Magali Coumert, Origines des peuples. Les récits du Haut Moyen Âge occidental (550-850) (Paris, 2007), focused on the links between the writing of origin stories and the creation of a sense of belonging to a community.

If Greek origins often contribute to a political justification, they may also pursue other purposes, in particular in stories and images of the invention or the establishment of a cultural, artistic, scientific or social fact, of a political, legal or intellectual institution. Some examples may be given : the origin of the liberal arts, of painting, of fables, of universities, of academies... Close links thus exist between origin(s) and heritage, and invite us to question the notion of origin(s) by distinguishing it from the more general notion of heritage, and by studying the meanings it covers for the authors and the artists of pre-modern Europe.

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These workshops thus aim to explore the uses, functions and purposes of the discourses on Greek origins and the polysemy of this concept between 1100 and 1600, in European textual, visual and material cultures, hinging on the following questions : how the authors and artists considered the notion of origin(s)? What both unites and distinguishes it from heritage ? Why Greeks ? Which Greece(s) are thought of as origins ? Whose origins are these ? What modalities of representation and what processes of appropriation appear? For what purposes and for what audiences? 

 In order to identify these issues, submitted papers may deal with one or more of the following themes, which do not exhaust the range of possibilities :

-          Identity formations and legitimization of forms of government and of institutions : myths of the origins of peoples, cities, communities, dynasties, political, legal, intellectual and professional bodies,

-          Greek origins in artistic, scientific and technical inventions, the origins of Greek languages ​​and etymologies, the Greek origins of literary forms and genres,

-          Translatio imperii and translatio studii, their staging and their interactions,

-          Visual representations of origins, their sponsors and their recipients : paintings, sculptures, tapestries, decorative arts, illustrations in manuscripts and printed books, ephemeral arts (tournaments, festivals, theatre, processions, royal and imperial entrances…), heraldry,

-          The relationships and the oppositions between the process of creation or recreation and archaeological acts, based on material evidence, paper records, inventions, imitations, “fakes”.

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Please submit a short abstract (title and ten lines of presentation, along with a brief CV) before June 1st, 2022 to Catherine Gaullier-Bougassas at the following address: catherine.bougassas@univ-lille.fr

Travel and accommodation costs will be covered according to the terms of the University of Lille. 

The papers will be published by Brepols publishers, in the “Research on Antiquity Receptions” series : http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=RRA

Papers are due by September 30th, 2023.

For more information about the ERC Agrelita Project, please see our academic Blog : https://agrelita.hypotheses.org/