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Appels à contributions
Ouvrage collectif :

Ouvrage collectif : "Les minorités silencieuses : explorer le vivant"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jean-Paul Engélibert)

Ouvrage collectif : "Les minorités silencieuses : explorer le vivant"

 

PRÉSENTATION

De J.-M. G. Le Clézio, nous connaissons le goût du simple et du peu, comme en font foi muets, solitaires, enfants (voire « idiots ») croisés dans des marges où ces figures ont quelque chose à voir avec ce qu’il y a de plus littéral et de plus commun. C’est de cette idée – le commun comme ordinaire en partage au règne du vivant – que nous proposons de partir afin de situer l’appel à contributions dans une optique inhérente aux sciences de la vie : la spécialité fait les espèces et les différencie, mais ne le fait qu’en raison de similitudes entre elles. On peut dégager de ces prémisses une série de réflexions de nature à nous guider sur la place occupée par le vivant.

Le premier point serait de noter que s’il existe un bestiaire à l’œuvre chez Le Clézio (chien, rat, poisson, crustacé, mollusque, insecte… Éric Fougère, 2017, araignée, Isabelle Roussel-Gillet, 2016), il s’en faut que les animaux soient présents en tant que thème, ou que la critique ait traité ce thème en tant que tel. Leur apparition est, sinon anecdotique, du moins ponctuelle, et sert à qualifier le monde humain (le serin de la Kataviva dans Révolutions). On pourrait, de là, commencer par se poser la question de ce qui serait donc une approche en creux (par défaut ? comme on parlerait d’ « anthropologie négative » ? Elizabeth de Fontenay, 2008). De quel non-dit le langage muet des animaux nous parle-t-il alors ? Est-ce que le parti pris de décentrer l’humain, si prégnant dans le premier Le Clézio (du Procès-verbal à L’Inconnu sur la terre) est pour quelque chose dans l’accent mis sur le vivant, comme une façon de dépasser le clivage entre anthropocentrisme et zoocentrisme invoquant le primat du primate (Étienne Bimbenet, 2017 ; Jean-Pierre Digard, 2018) ?

Un second dépassement consisterait peut-être à renvoyer dos-à-dos les sciences de la nature et les sciences de l’homme au profit d’une posture (inspirée de la botanique et de l’éthologie ?) qui regarderait l’humain de façon distanciée, comme un vivant parmi les autres, à mi-chemin de l’identité de l’homme à lui-même et de l’altérité complète aux origines animales – ou dans un va-et-vient de l’une à l’autre. On rejoindrait ainsi la prédilection de Le Clézio pour les mondes premiers (cf. Onitsha, Raga…), d’une part, et l’étrangeté tantôt violente et radicale, tantôt familière et tendre, d’autre part, à l’image des plantes (et surtout des arbres) ou des oiseaux (le plus souvent marins) qu’on se souvient de rencontrer de manière insistante dans le cycle mauricien, aussi bien dans Le Chercheur d’or (et dans une moindre mesure le Voyage à Rodrigues où le minéral est dominant) que dans La Quarantaine, et grâce auxquels on voyage incessamment « de l’autre côté » de la création.

L’intérêt de Le Clézio pour la nature en général est également manifeste au point de vue de ce qu’on appellera (sans doute improprement) l’ethnologie. Tout le corpus amérindien (Le Rêve mexicain, Haï, La Fête chantée) fait un sort inévitable aux résurgences animistes ou totémiques et chamaniques (aigle, colibri, jaguar, serpent à plumes, singe hurleur…) survivant dans la relation plus ou moins réussie de l’homme occidental à sa culture (Dominique Lestel, 2001) comme à son environnement dégradé. Le dauphin de Tempête est, par exemple, une sorte de double animal heureux des pêcheuses de la mer du Japon, mais le dodo d’Alma, lui, dit la fin d’un monde où l’homme a tué ce que la nature avait institué. Que devient l’interaction de l’animal et des plantes observée par ceux (Pascal Picq, 2000) qui voient dans celles-ci (soumises aux conditions de vie locales) et ceux-là (doués de capacités motrices) un gage de coévolution ? Le procès que fait Le Clézio de la colonisation n’est-il pas celui que pourrait intenter l’écologie ?

Enfin, s’il est vrai que la vulnérabilité soit la marque d’une éthique et d’une esthétique leclézienne, et que le correctif en soit la « reliance » (Isabelle Roussel-Gillet, 2016), on peut, dans la postérité des études anglo-saxonnes sur le Care, envisager l’animal au point de vue de la considération qu’on lui doit comme à cette part oubliée du sensible élargissant la notion de prochain (Corine Pelluchon, 2018). La figure du grand cétacé de Pawana (Bruno Thibault, 1997) pourrait en être un emblème, au demeurant fort ambigu.

 

Indications bibliographiques

 

Jean-Christophe Bailly, Le Versant animal, Bayard, 2007.

Id., Le Parti pris des animaux, Bourgois, 2013.

Étienne Bimbenet, Le Complexe des trois singes, essai sur l’animalité humaine, Seuil, 2017.

Boris Cyrulnik, Jean-Pierre Digard, Pascal Picq, Karine-Lou Matignon, La plus belle histoire des animaux, Seuil, 2000.

Jean-Pierre Digard, L’animalisme est un anti-humanisme, CNRS Éditions, 2018.

Jean-Paul Engélibert, Lucie Campos, Catherine Coquio, Georges Chapouthier éds., La question animale, entre sciences, littérature et philosophie, Presses universitaires de Rennes, 2011.

Elizabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité, Fayard, 1998.

Id. Sans offenser le genre humain, réflexions sur la cause animale, Albin Michel, 2008.

Éric Fougère, « Hanter la terre ou l’habiter, l’homme et la bête dans Le Procès-verbal », in Les Cahiers J.-M. G Le Clézio n° 10 (2017), Passage(s), p. 111-122.

Dominique Lestel, Les Origines animales de la culture, Flammarion, 2001.

Corine Pelluchon, Éthique de la considération, Seuil, 2018.

Isabelle Roussel-Gillet, JMG Le Clézio, l’œuvre féconde, Passage(s), 2016.

Bruno Thibault, « Awaité Pawana: J.M.G. Le Clézio’s Vision of the Sacred », World Literature Today 71, 1997, p. 723-30.

Communication inédite : Browen Martin, « L’énonciation animale dans quelques textes de J.-M. G. Le Clézio », CIEF 2018 à La Rochelle (8 juin).

 

Modalités de soumission d’une proposition

Les propositions d’article en français devront comporter un titre (susceptible de modification), un résumé d’environ 1 000 signes (2 000 signes maximum), qui précise clairement le corpus étudié, puis une bibliographie critique, une notice bio-bibliographique de 5 lignes (comprenant notamment le nom, l’appartenance institutionnelle et l’adresse électronique). Elles devront parvenir avant le 31 octobre 2019 : à eric.fougere98@gmail.com

 

Calendrier

  • Réception des propositions d’article : 31 octobre 2019
  • Transmission de l’avis d’acceptation ou non aux auteurs : 15 novembre 2019
  • Réception de l’article rédigé : 15 mai 2020
  • Transmission des corrections ou des recommandations aux auteurs : 15 juillet 2020
  • Retour définitif des textes revus et corrigés : 1er novembre 2020
  • Publication du numéro par l’éditeur : mai 2021

 

Coordinateurs : Jean-Paul Engélibert (Université Bordeaux-Montaigne) et Éric Fougère (Académie d’Aix-Marseille)

Responsable : L’Association des lecteurs de J.-M.G. Le Clézio

Publication aux éditions Passage(s) : http://www.editionspassages.fr/les-cahiers-j-m-g-le-clezio/

URL de référence : https://www.associationleclezio.com/activites/les-cahiers-j-m-g-le-clezio/