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Les Contes de l’archéologie. Vers une cartographie littéraire et mémorielle de l’espace méditerranéen / The Tales of Archaeology. Towards a Literary ‘Memory Map’ of the Mediterranean Space

Les Contes de l’archéologie. Vers une cartographie littéraire et mémorielle de l’espace méditerranéen / The Tales of Archaeology. Towards a Literary ‘Memory Map’ of the Mediterranean Space

Publié le par Groupe MDRN (Source : David MARTENS)

Colloque de 2 jours : 16-17 septembre 2021

 

Academia Belgica, Rome

En collaboration avec le Musée National Étrusque de la Villa Giulia

 

Langues de travail : anglais, français, italien

 

Au printemps 1957, en visitant la nécropole étrusque de Cerveteri (près de Rome), le protagoniste du roman Le Jardin des Finzi-Contini de l’écrivain juif Giorgio Bassani (survivant de la Shoah, 1916-2000) est soudainement inspiré pour enfin raconter l’histoire de ses amis, les Finzi-Contini, déportés et assassinés à Auschwitz. Le souvenir douloureux de la Shoah et le besoin d’en parler découlent directement de l’espace de la nécropole, lieu consacré à la perte, au deuil et à une société réduite au silence. Le fait que la séquence ait lieu dans une nécropole étrusque ajoute une charge symbolique au site archéologique : il s’agit d’un lieu qui conserve la mémoire de l’extinction d’une minorité, apparemment « effacée » par le pouvoir (colonial) de Rome. Bien que l’archéologie moderne ait rejeté l’hypothèse de cette fin violente de la civilisation étrusque, la valeur mythologique associée à la nécropole ne semble pourtant pas avoir été affectée et persiste dans les représentations littéraires du lieu.

 

Ces pages de Bassani soulèvent des questions du lien qui peut s’établir entre la faculté de mémoire, l’archéologie, la culture matérielle et la sphère de la représentation (littéraire). Comment les sites archéologiques fonctionnent-ils sur la page et comment leurs significations se modifient-elles avec le temps ? Comment le caractère « évocateur » et « suggestif » d’un site archéologique est-il utilisé en contexte littéraire (comme dans le portrait de Mycènes de Gabriele D’Annunzio dans La città morta, pièce inspirée par Nietzsche et Schliemann) ? La littérature peut-elle mettre en évidence et/ou modifier les significations toujours changeantes – et souvent problématiques – des espaces archéologiques (comme D. H. Lawrence découvrant des significations enfouies dans les tombes de Tarquinia dans Etruscan Places) ? Comment les données historiques et matérielles disponibles sur ces espaces « signifiants » interagissent-elles avec la nature symbolique qui leur est attribuée par la fiction ? Comment ces caractéristiques changent-t-elles au fil du temps en fonction de nouvelles découvertes sur l’antiquité et des changements politiques et sociaux ? Quelles perspectives sont évoquées par la fiction sur les ruines, les lieux de destruction ou de colonisation (comme dans le cas problématique du « rêve archéologique » des écrits pro-impérialistes de Louis Bertrand) ? Comment les représentations littéraires peuvent-elles contribuer à construire une « cartographie mémorielle » à échelle nationale, régionale et locale ?

Alors que ces questions ont été abordées dans le passé par des chercheurs traitant de la représentation des ruines dans la littérature moderne, comme Francesco Orlando (Obsolete objects in Literary Imagination, 1993), ce colloque vise à inverser l’approche traditionnelle de la représentation de l’archéologie en littérature en se focalisant sur la manière dont la littérature modifie (ou cherche à modifier) la signification des lieux, sur la façon dont elle investit les espaces archéologiques avec de nouvelles significations. Parfois, les auteurs assument la responsabilité de récupérer, de modifier ou de remettre en cause l’espace d’un site archéologique à travers la littérature, souvent là où il s’agit d’espaces contestés ou de contextes postcoloniaux, de sites ou de périodes de troubles politiques.  

 

Le colloque réunira des chercheurs et chercheuses intéressé.e.s par les représentations littéraires des espaces archéologiques (sites, musées) dans les domaines des langues modernes, de la littérature mondiale, de la littérature comparée, des études mémorielles, des études patrimoniales, de l’archéologie, des humanités numériques, de la géographie, des études culturelles et de l’histoire. Dans le sillage d’autres travaux sur la littérature, la mémoire et l’archéologie (comme Basch, La Métamorphose des ruines. L'influence des découvertes archéologiques sur les arts et lettres 1870-1914, 2001, et Bachvarova, Dutsch, et Suter, The Fall of Cities in the Mediterranean Commemoration in Literature, Folk-Song, and Liturgy, 2016), la conférence gardera une perspective pan-méditerranéenne (Europe du Sud, Afrique du Nord, Moyen-Orient), il accueillera des contributions de différentes disciplines et portant sur tout le contexte géographique méditerranéen. Le colloque se focalisera sur des études de cas de la fin du XIXe au XXIe siècles. Ce projet se concentre sur les histoires de l’ancien et du moderne, les migrations, les échanges matériels et culturels dans les lieux de mémoire sur les rives de la Méditerranée et sur la manière dont ceux-ci sont préservés par la littérature moderne. Notre objectif consiste à rendre compte du réseau de connections qui a caractérisé l’espace méditerranéen depuis l’aube de la civilisation, et qui est actuellement menacée par les politiques nationales et continentales visant à limiter les mouvements migratoires.

 

Les questions de recherche peuvent concerner, mais ne se limitent pas à :

 

  • Vestiges : Espaces archéologiques en littérature : ruines, découvertes et motif du « ubi sunt » ; des récits policiers, de science-fiction archéologique, d’horreur ; écriture de voyage : explorateurs, touristes, pillards. Métaphores archéologiques dans la littérature : le langage des strates, des ruines, des fouilles, des découvertes, des débris, de la pourriture et de la contemplation des significations alternatives de l’histoire. La destruction (et la préservation) des sites archéologiques en temps de guerre dans des récits fictifs, documentaires et mémoriels. Le conflit entre les nations/centres de pouvoir anciens et modernes, le local et le national racontés par la littérature.
  • Mobilité : La mémoire d’anciens flux de personnes et les réappropriations modernes de cette mémoire : Étrusques, Romains, Phéniciens… La mémoire des explorateurs modernes : la narration et l’appropriation des campagnes et des découvertes archéologiques dans la région méditerranéenne de l’époque napoléonienne à nos jours. Reconstitutions et contestations du mythe d’Énée en tant qu’« étranger » et « colonisateur », exemples similaires de figures mythiques de colonisateurs primitifs, guerriers, héros, ennemis.
  • Persistance : Lieux et figures du passé comme « signifiants » de nouveaux enjeux, vulnérabilité, détérioration, exclusion, refus, négociation identitaire, nostalgie, perte. Archéologie, conflit et représentations littéraires/visuelles : colonialisme, identité, lutte et les récits fictifs, documentaires ou mémoriels qui en découlent ; les espaces archéologiques comme sites de mémoire contestée : appropriations culturelles et mémorielles. Nostalgie du passé : récits nationalistes, coloniaux et anticoloniaux. Réseaux mémoriaux : imaginer un passé lointain pour faire émerger des souvenirs personnels ou des traumatismes non résolus. 

 

Les contributions axées sur les espaces, les sites, les lieux, les itinéraires, les routes, les rives, les cartes, les villes anciennes et modernes seront particulièrement appréciées, dans la mesure où les organisateurs espèrent pouvoir se focaliser sur l’aspect géographique des questions soulevées afin de construire collectivement une cartographie le plus complète possible des sites mémoriels autour de la Méditerranée. Une sélection de contributions sera publiée dans un volume collectif.

 

L’Academia Belgica s’engage à organiser le colloque en présence, si possible. Si tel n’était pas le cas, le colloque aurait lieu en ligne. Nous demandons aux postulant.e.s de nous indiquer dans leurs propositions s’ils sont intéressés par le projet mais qu’ils estiment qu’il leur sera impossible de se rendre physiquement à Rome. Nous ferons le possible pour répondre aux nécessités de tous les participants.

 

Les propositions (titre et résumé de 300 mots), accompagnées d’une brève note biographique (100 mots), sont à adresser avant le 7 mai 2021 à martina.piperno@kuleuven.be et/ou à chiara.zampieri@kuleuven.be

 

 

The “The Tales of Archaeology. Towards a Literary ‘Memory Map’ of the Mediterranean Space” conference will bring together scholars interested in the representations of archaeological spaces (sites, museums) in literature, from the fields of Modern Languages, World Literature, Comparative Literature, Memory Studies, Heritage Studies, Archaeology, Spatial Humanities, Geography, Cultural Studies, History. In line with other experiments about literature, memory, and archaeology (such as Basch’s La metamorphose des ruines. L'influence Des Découvertes Archéologiques Sur Les Arts Et Lettres 1870-1914, 2001, and Bachvarova, Dutsch, and Suter’s The Fall of Cities in the Mediterranean Commemoration in Literature, Folk-Song, and Liturgy, 2016), the conference will keep a pan-Mediterranean perspective (Southern Europe, North Africa, Middle East), welcoming contributions across the disciplines and from any geographical context within the proposed area. It will focus on case studies from the late-XIX to the XXI centuries. This project focuses on the stories of ancient and modern, migrations, material and cultural exchanges in the sites of memory on the shores across the Mediterranean and on the ways these are preserved by modern literature. Our goal is to dig into the interconnectedness which characterised the Mediterranean space since the dawn of civilization, and which is currently menaced by national and continental policies aiming to constrain migratory movements.

Addressed questions might relate, but are not limited to:

  • Remains: Archaeological spaces in literature: ruins, discoveries, and the “ubi sunt” motive; detective stories, archaeological science fiction, horror stories; travel writing: explorers, tourists, raiders. Archaeological metaphors in literature: the language of strata, ruins, excavation, uncovering, debris, rot, and the contemplation of alternative senses of history. The destruction (and the preservation) of archaeological sites in times of war in their fictional, documentary, and memorial accounts. The conflict between ancient and modern nations/power centres, the local and the national as told by literature. 
  • Mobility: The memory of ancient fluxes of people and their modern re-appropriations: Etruscans, Romans, Phoenicians... The memory of modern explorers: re-narrating and appropriating the archaeological campaigns and discoveries in the Mediterranean from the Napoleonic era to date. Re-enactments of and challenges to the myth of Aeneas as the “foreigner” and the “colonizer”, or similar examples of mythical figures of primitive colonizers, warriors, heroes, enemies.
  • Persistence: Places and figures of the past as signifiers for new issues, vulnerability, damage, exclusion, refusal, identity negotiation, nostalgia, loss. Archaeology, conflict, and literary/visual representation: colonialism, identity, struggle and their fictional, documentary, or memorial accounts; archaeological spaces as sites of contested memory: cultural and memorial appropriations. Nostalgia for the past: nationalistic, colonial and anticolonial narratives. Interconnected memories: imagining the remote past and unveiling personal memories or unresolved trauma.

Contributions focused around spaces, sites, places, routes, roads, shores, maps, ancient and modern cities are particularly welcome as the organizers hope to strongly focus on the geographical aspect of the research questions arisen and to collectively build a “map” of memorial sites around the Mediterranean as far-reaching as possible. A selection of contributions will be published in an edited volume.

The Academia Belgica is committed to hold the conference in person if possible; if not, the conference be turned into an online event. We ask potential speakers to let us know in their abstracts proposal if they are interested in the project but feel that it will be impossible to travel to Rome. We will do our best to accommodate all needs. 

Please send 300-words abstract and a 100-words bio to Martina Piperno (martina.piperno@kuleuven.be) and/or Chiara Zampieri (chiara.zampieri@kuleuven.be) by Friday 7 May 2021.