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Les arts & les littératures balkaniques (XIXe-XXIe siècles) au prisme de l’engagement féministe (revue Balkanologie vol.18)

Les arts & les littératures balkaniques (XIXe-XXIe siècles) au prisme de l’engagement féministe (revue Balkanologie vol.18)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Lola Sinoimeri)

Coordination : Naïma Berkane et Lola Sinoimeri

Les mouvements des femmes et l’histoire de l’engagement féministe dans les Balkans constituent désormais un champ de recherche établi dans les sciences sociales. De nombreux chercheurs et chercheuses ont contribué à éclairer, d’une part, la spécificité du contexte sud-est européen dans son ensemble au xxe siècle dans une approche comparatiste et, d’autre part, la chronologie différenciée de ces mouvements selon les situations des différents pays. Que ce soit dans les mouvements dits de « renaissance nationale » au XIXe et début du XXe siècles, dans l’entre-deux guerres, après la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1970 ou après la chute des différents régimes communistes et la dissolution de la Yougoslavie, les femmes se sont engagées et/ou se sont organisées autour de questions féministes.

Des chercheuses de la région en littérature et études de genre se sont déjà penchées sur l’histoire littéraire et artistique des Balkans. Notamment, la littérature dite post-yougoslave a été abondamment étudiée dans une perspective féministe et/ou transnationale (Lukić, 2017 ; Matijević, 2020). D’autres ont travaillé à historiciser ces phénomènes artistiques et littéraires tout en proposant une théorie et une critique féministes (Zelenović, 2020 ; Blagojević, Kolozova, Slapšak, 2006 ; Petrović, 2018).

Ce dossier de la revue Balkanologie interrogera la spécificité d’un engagement féministe dans les arts et la littérature balkaniques. Qu’en est-il de l’engagement littéraire et artistique des femmes pour leurs droits et/ou dans le cadre de mouvements féministes ? Quelles sont les spécificités de ces formes d’engagement artistique dans les pays des Balkans ?

Ces interrogations invitent à se situer historiquement au croisement de deux sujets : premièrement, les contextes de la condition et des mouvements des femmes dans les pays concernés, d’un xixe siècle où émerge la question des femmes jusqu’aux transitions libérales qui redéfinissent leur place dans ces sociétés, en passant par les projets socialistes et kémaliste où le thème de l’émancipation des femmes devient un outil de « légitimation fondamentale » (Giomi, Zerman, 2018). Toutes ces transformations auront en effet un impact sur les stratégies d’apparition des femmes dans les champs littéraires et artistiques. Deuxièmement, ces engagements seront étudiés au prisme de l’histoire des liens entre arts, littérature et politique dans les pays concernés. L’histoire littéraire et artistique des pays du Sud-Est européen, souvent qualifiés de « périphéries » littéraires et artistiques (Casanova, 2008), est marquée par son rapport au politique : ainsi, au XIXe et au début du XXe siècle, les arts et la littérature participent activement aux mouvements dits de « renaissance nationale » ou de « reconstruction nationale ». Puis, sous le socialisme, les régimes appellent les écrivain-e-s et les artistes à définir leurs travaux par leur engagement et une critique sociale, voire, pour certains d’entre eux, à subordonner leur art au politique. Dans ces contextes, nous ne pouvons pas seulement penser l’intellectuel·le engagé·e comme « outsider » (Saïd, 1996) ou comme dissident·e : les lieux de friction entre collaboration et subversion ou dissensus paraissent particulièrement pertinents pour cette étude. L’engagement peut même, dans des contextes ultra politisés, revêtir des formes antipolitiques (Kemp-Welch, 2017) ou « escapistes ».

Si de nombreux travaux sur les questions de représentations des femmes ont déjà été produits, nous souhaitons nous centrer sur la capacité d’agir des femmes artistes et autrices que ce soit dans leurs productions artistiques ou dans leurs modes d’organisation féministe dans les champs littéraires et artistiques. Ce numéro invite à penser l’engagement artistique dans les œuvres, ses implications esthétiques, mais également comme action et mode d’organisation des femmes dans les champs littéraires et artistiques : si des femmes s’engagent en tant que créatrices, c’est également le cas des femmes occupant d’autres fonctions dans ces champs – on pense notamment aux critiques d’arts, aux métiers techniques, aux traductrices, etc.

Nous invitons les contributeur·ices à appréhender le qualificatif « féministe » au sens large : certaines femmes artistes ou autrices ont pu ne pas le mobiliser pour elles-mêmes, voire le rejeter (Lóránd, 2018). Cependant, l’analyse peut aborder leur engagement, leur trajectoire et leurs productions artistiques comme féministes. Cette définition ouverte du terme « féministe » renvoie à tout engagement politique, artistique, littéraire qui met en lumière la spécificité des conditions de vie des femmes et des oppressions que subissent les femmes en tant que groupe social.

Ce numéro est ouvert à des contributions venant de différents champs des sciences humaines et sociales (littérature, histoire des arts, esthétique, philosophie, histoire, sociologie, géographie, anthropologie, science politique). Souhaitant contribuer à l’écriture d’une histoire intellectuelle féministe « imbriquée, transnationale et comparative » des Balkans (Daskalova, 2018), nous encourageons vivement les travaux qui proposent une perspective comparatiste et transdisciplinaire.

Soumission des propositions

Les propositions de contributions en langue française ou anglaise doivent être envoyées par courriel à Lola Sinoimeri (lola-sinoimeri@riseup.net) et Naïma Berkane (naimaberkane@outlook.fr), les coordinatrices du dossier, le vendredi 6 mai 2022 au plus tard. Elles comporteront le titre, un résumé (500 mots maximum), cinq mots clés, une brève notice bio-bibliographique et les coordonnées de l’auteur·rice. Les auteur·rices seront informé·es de la sélection des propositions par les coordinatrices par courriel en juin 2022. Les auteur·rices dont les propositions seront retenues devront remettre leur article au 18 novembre 2022 dernier délai. Les articles seront ensuite soumis à une évaluation en double anonyme. Les auteur·rices auront alors un mois pour intégrer les commentaires, les critiques et les suggestions. La publication est prévue à l’automne 2023.

Bibliographie

Blagojević, Jelisaveta, Kolozova Katerina et Slapšak Svetlana (dir.), Gender and Identity : Theories from and/or on Southeastern Europe, Belgrade, Centar za ženske studije & Centar za studije roda i politike, Fakultet političkih nauka, 2006.

Casanova Pascale, La République mondiale des Lettres, Paris, Éditions du Seuil, 2008.

Daskalova Krassimira, « Histoire des femmes et du genre dans les Balkans. Retour sur 50 ans d’enseignement et de recherche », Clio. Femmes, Genre, Histoire, vol. 2, n°48, 2018, p. 181-191.

Giomi Fabio, Zerman Ece, « L’espace (post-)ottoman au prisme du genre », Clio. Femmes, Genre, Histoire, vol. 2, n°48, 2018, p. 7-16.

Kemp-Welch Lucy, Antipolitics in Central European Art, Londres, I.B. Tauris, 2017.

Lóránd Zsofia, The Feminist Challenge to the Socialist State in Yugoslavia, Londres, Palgrave MacMillan, 2018.

Lukić Jasmina, « Rod i migracija u postjugoslovenskoj književnosti kao transnacionalnoj književnosti » [Genre et migration dans la littérature post-yougoslave comme littérature transnationale], Reč, n°87.33, 2017, p. 273-291.

Matijević Tijana, From Post-Yugoslavia to the Female Continent: A Feminist Reading of Post-Yugoslav Literature, Bielefeld, Transcript, 2020.

Petrović Jelena, Women’s Authorship in Interwar Yugoslavia: The Politics of Love and Struggle, Londres, Palgrave MacMillan, 2018.

Saïd Edward, Des intellectuels et du Pouvoir, Paris, Seuil, 1996.

Zelenović Ana Simona, « Teoretizacija feminističke umetnosti u socijalističkoj Jugoslaviji » [Théorisation des arts féministes dans la Yougoslavie socialiste], Genero, n°24, 2020, p. 71-111.